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Questions à…Ashvan Luckraz
«Les actifs des retraités auraient dû être protégés»
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Questions à…Ashvan Luckraz
«Les actifs des retraités auraient dû être protégés»

Ashvan Luckraz, avocat des retraités d’Air Mauritius
Une semaine après la conférence de presse des retraités d’Air Mauritius dénonçant la baisse de leur pension, leur avocat, Me Ashvan Luckraz, de Venture Law Ltd, dénonce un manque de protection des droits des ex-employés. Il pointe du doigt la gestion du fonds de pension et les décisions prises lors de la mise sous administration de la compagnie.
Les retraités disposent-ils d’un document légal ou d’un contrat qui garantit noir sur blanc une augmentation annuelle de 3 % à 5 % de leur pension ?
Oui. Comme dans la plupart des organisations, chaque employé a signé un contrat de travail comprenant une contribution à un régime de pension, versée par l’employeur en leur nom. Jusqu’à récemment, le régime de pension était à prestations définies. Ce modèle offre une sécurité aux retraités mais constitue un engagement financier à long terme pour les employeurs. Aujourd’hui, tous les employés relèvent d’un régime à cotisations définies. Dans ce modèle, l’employeur verse un pourcentage fixe sur un compte de pension individuel et la pension finale dépend de la performance des investissements. Le risque d’investissement repose sur l’employé. Ce régime est régi par des règles, révisées et améliorées au fil des ans, qui prévoient explicitement une augmentation annuelle de 3 à 5 %. Cette disposition est contractuelle et garantit le maintien du pouvoir d’achat des retraités, notamment face à l’inflation.
Le fait qu’ils aient été contraints à la retraite à 52 ans à monter mais avant l’âge légal de la retraite (65 ans) peut-il être qualifié de licenciement déguisé ? Et cela donne-t-il lieu à des compensations légales ?
C’est possible. La décision de mettre fin à l’emploi a été prise dans le cadre de la mise sous administration d’Air Mauritius. Cependant, certaines interrogations subsistent quant aux circonstances entourant la mise sous administration, les critères de sélection des employés licenciés, et surtout, les raisons avancées pour justifier ce licenciement et contraindre ces derniers à signer leurs mises à la retraite prématurée. Il semblerait que certains aient entamé des procédures auprès de la cour industrielle.
Pourquoi, selon vous, seule la moitié du déficit (Rs 2,75 milliards sur Rs 5,5 milliards) a-t-elle été réclamée ?
Lors de l’assemblée des créanciers pendant l’administration d’Air Mauritius, les fi- duciaires du fonds de pension ont accepté une réduction de 50 % sur les contributions impayées. D’après le rapport des administrateurs, tous les créanciers ont été invités à accepter cette réduction. Toutefois, tous les créanciers ne peuvent être traités de la même manière. Le fonds de pension, géré pour le bénéfice des employés, aurait dû adopter une autre position. Les fiduciaires ont une obligation légale d’agir uniquement dans l’intérêt des bénéficiaires. Accepter une réduction de moitié des contributions patronales revient à réduire la rémunération différée des employés. Les fiduciaires doivent agir avec loyauté envers les bénéficiaires, éviter les conflits d’intérêts, et faire preuve de prudence et d’indépendance dans la gestion des actifs. Il ne s’agissait pas d’une liquidation mais d’une administration et les actifs des retraités auraient dû être protégés.
Le conseil de fiduciaires, composé uniquement de membres de la direction d’Air Maur itius, peut-il être considéré comme indépendant ?
Les fiduciaires du fonds de pension d’Air Mauritius étaient tous des employés de l’entreprise, faisant partie de la haute direction. Le régime est structuré comme un trust, l’un des rares cas de ce genre. En droit des trusts, les fiduciaires ont des obligations strictes, notamment, l’impartialité, l’absence de conflits d’intérêts, la bonne foi, la diligence et la compétence. Le fait qu’ils étaient tous membres de la direction soulève des questions quant à leur indépendance et à d’éventuels conflits d’intérêts. Une bonne gouvernance recommanderait un conseil plus diversifié, incluant des membres indépendants et des représentants des retraités.
Une action en justice est-elle envisageable pour contester la gestion du fonds ou le non-respect des engagements ?
La mise sous administration d’Air Mauritius a eu un impact majeur. Des employés dévoués ont été licenciés, souvent sans se rendre compte des conséquences pour leur pension. Certains auraient pu choisir un emploi mieux payé sans pension mais ont préféré Air Mauritius pour la sécurité à long terme.
L’employé renonce à une part de son salaire en échange d’un engagement de l’employeur à gérer et à verser cette pension à la retraite. C’est donc l’argent de l’employé, confié au fonds de pension. À Maurice, la Constitution stipule que nul ne peut être dépossédé de sa propriété sans son consentement. Les rapports actuariels montrent qu’Air Mauritius n’a pas suffisamment financé son fonds de pension, créant un déficit. La décision d’accepter une réduction de 50 % a affaibli la capacité du fonds à respecter les augmentations annuelles contractuelles. Une autre décision importante a été le transfert du portefeuille à la National Insurance Company, qui n’a ni la même structure ni la même solidité financière que le trust d’origine. Les anciens employés doivent désormais se débrouiller seuls avec une compagnie d’assurances sans lien direct avec leur ancien employeur.
Les employés d’Air Mauritius sont souvent assimilés à des fonctionnaires. Est-ce ce qui attend les employés d’autres entreprises publiques ou paraétatiques confrontées à des déficits de pension ?
Une pension n’est pas un privilège futur, mais une part du salaire gagné, différée et confiée à une structure fiduciaire. Une mauvaise gestion ou des changements unilatéraux peuvent constituer une violation des droits de propriété garantis par la Constitution mauricienne.
Est-ce que vous avez sollicité une médiation, une rencontre avec les autorités publiques ou même une intervention parlementaire pour clarifier cette situation ?
Bien sûr, nous explorons toutes les voies légales. Néanmoins, nous privilégions une solution amiable avec la nouvelle direction d’Air Mauritius, qui s’est engagée à redresser la situation financière. Cela dit, les difficultés quotidiennes rencontrées par les anciens employés doivent être reconnues et résolues. Nous envisageons également la médiation ou une intervention parlementaire afin d’éviter un litige prolongé et de prévenir d’éventuelles crises similaires dans d’autres entreprises du secteur public.
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