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L’élan de démondialisation impulsé par Trump met Maurice en péril
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L’élan de démondialisation impulsé par Trump met Maurice en péril
Après avoir construit pierre après pierre le système multilatéral mondial au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les Américains viennent de donner un magistral coup de pied dans cet édifice avec leur guerre commerciale qui ne concerne plus uniquement la Chine, mais un total de 60 pays qui, contrairement à la perception qu’a voulu véhiculer le président américain, Donald Trump, n’ont jamais vampirisé, spolié ou pillé les États-Unis en se livrant à des décennies d’abus commerciaux. L’ironie veut que ce soient les précurseurs du libéralisme et de l’ouverture qui, aujourd’hui, s’enferment dans l’isolationnisme et se fassent le chantre du protectionnisme et de la démondialisation.
Important exportateur de produits textiles, de sucre, de macaques, de pierres précieuses et semi-précieuses et de thon vers le marché américain, Maurice se retrouve parmi les 10 pays dont les importations sont les plus lourdement taxées par les États-Unis avec des droits de douane réciproques de 40 % imposées à l’entrée sur le territoire américain, le coût devant être encouru par les importateurs.
En se livrant à ces mesures protectionnistes draconiennes dans le but de «libérer l’Amérique» dont on ne sait quelle entrave, Donald Trump rebat les cartes au niveau du commerce international en faisant fi des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), anciennement General Agreement on Tariffs and Trade, qui a toujours plaidé pour le libre-échange des marchandises entre les territoires, l’abolition progressive des barrières tarifaires et non tarifaires et prôné des tarifs différenciés en faveur des pays en développement. Ce sont ces règles commerciales qui ont permis aux pays de l’Afrique subsaharienne, exploitée de manière éhontée par les pays occidentaux pendant la triste époque de la traite négrière, de sortir du tiers-mondisme.
Les adeptes des théories du complot y verront un échec de la diplomatie mauricienne ou encore postuleront que c’est un retour de manivelle de la part du gouvernement américain qui, bien qu’ayant sécurisé un bail de 140 ans, n’aurait pas apprécié l’insistance de la petite République de Maurice à réclamer le retour des Chagos. Mais, en vérité, la sanction dont Maurice a fait l’objet échappe au bon sens. Car, pour arriver à ce taux de 40 %, l’administration Trump s’est tout bonnement basée sur le différentiel au niveau des échanges commerciaux entre les États-Unis et Maurice. Selon les chiffres de l’Office of the United States Trade Representative (USTR), les exportations américaines s’élevaient à $48 millions contre des importations de $234,5 millions en 2024. L’on se retrouve ainsi avec un déficit commercial de $186,5 millions, soit un différentiel de 80 %. Ce taux de 80 % est ensuite divisé par 2 lorsqu’on applique le discounted rate. D’où les tarifs douaniers réciproques des 40 %.
Dans les faits, contrairement aux chiffres circulés par la Maison-Blanche, les importations américaines sont très loin d’être sujettes à des droits de douane de 80 %. Depuis ces deux dernières décennies, Maurice, en bon élève et respectant ses engagements auprès du Common Market for Eastern and Southern Africa (COMESA) et de l’OMC, a progressivement éliminé les barrières tarifaires. Si bien qu’aujourd’hui, seuls 5 % des produits importés sont frappés de taxes douanières. D’ailleurs, pour l’année fiscale 2024-2025, le Trésor public s’attend à récolter que Rs 2,19 milliards sur les droits de douane.
Mais que voulez-vous ? La raison du plus fort est toujours la meilleure. Et le pot de terre se fera toujours fracasser par le pot de fer. Malgré les pressions exercées par la communauté internationale ces jours-ci, il est difficilement envisageable de voir Donald Trump fléchir les genoux. Il n’empêche que la chancellerie mauricienne doit, de son côté, multiplier les efforts de lobbying pour essayer de faire entendre raison aux autorités américaines. Malgré les différends par le passé sur la question de l’occupation de Diego Garcia, Maurice a toujours été un bon partenaire pour les États-Unis. Depuis l’entrée en vigueur de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), le pays exporte du prêt-à-porter en franchise de douane sur le marché américain. D’une part, l’AGOA a permis à nos entreprises de textile et d’habillement d’être plus compétitives et, d’autre part, les Américains ont été en mesure d’acheter du prêt-à-porter de qualité à un prix relativement faible.
Jusqu’ici, les opérateurs du textile s’accrochent à la bouée de l’AGOA qui, dans les années 2000, leur a permis de résister au choc de la fin de l’accord multifibres. Les chiffres de 2022 compilés par AGOA.info indiquent que 85 % des produits textiles, soit environ $64 millions, bénéficient d’un accès en franchise de douane aux États-Unis. La question se pose : l’imposition des droits de douane sur les pays africains va-t-elle rendre caduc l’AGOA ? Avant l’élection présidentielle américaine, Joe Biden avait enclenché la machinerie pour le renouvellement de l’AGOA, qui arrive à expiration en septembre prochain. Ainsi, l’AGOA Renewal and Improvement Bill, qui prévoit l’extension de l’AGOA jusqu’en 2041, soit pour une période de 16 ans à partir de 2025, a déjà été rédigé. Il ne reste qu’au Congrès américain d’adopter le texte. Or, pour le moment, la partie est loin d’être gagnée.
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