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Le PM dénonce le «chaos budgétaire laissé par l’ancien régime»

23 avril 2025, 11:00

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Le PM dénonce le «chaos budgétaire laissé par l’ancien régime»

Lors de la séance parlementaire d’hier, l’Assemblée nationale a adopté sans amendement deux projets de loi budgétaires majeurs : le Supplementary Appropriation (2023-2024) (No. 2) Bill et le Supplementary Appropriation (2024-2025) Bill. En l’absence de la Private Notice Question et de questions parlementaires, toute l’attention s’est portée sur le discours prononcé par le Premier ministre, Navin Ramgoolam, lors de la présentation de ces deux projets de loi. Un discours au ton ferme et critique, pointant du doigt l’héritage budgétaire qualifié de «désastreux» laissé par l’ancien gouvernement.

Dès les premières minutes de son allocution, le Premier ministre a adopté un ton résolument critique, parlant d’un «état de chaos» dans lequel les finances publiques ont été plongées par ce qu’il a qualifié de «gestion fiscale irresponsable». Selon lui, le gouvernement sortant a fait preuve d’une légèreté grave dans sa manière de planifier les dépenses publiques, en dissimulant délibérément certaines obligations pourtant connues à l’avance. Navin Ramgoolam a rappelé que la Constitution, dans sa section 105, prévoit l’introduction de projets de loi supplémentaires lorsque des dépenses excédentaires ou non prévues sont effectuées. Il a souligné que les deux projets de loi présentés hier étaient donc une nécessité juridique, mais aussi une occasion d’exposer les dérives de l’ancien gouvernement.

Le Supplementary Appropriation (2023- 2024) (No. 2) Bill concerne ainsi une somme additionnelle de Rs 2,8 milliards, qui vient s’ajouter au budget de Rs 174,8 milliards voté en juin 2023. Déjà, en mai 2024, une première loi d’appropriation supplémentaire avait été adoptée pour régulariser Rs 6,7 milliards. Le Dr Navin Ramgoolam a dénoncé une manœuvre délibérée de sous-provisionnement, notamment en ce qui concerne les augmentations de pensions. Selon lui, ces dépenses étaient prévisibles mais avaient été volontairement exclues des prévisions budgétaires dans une tentative de maquiller l’ampleur réelle du déficit.

Il a également attiré l’attention sur certaines dépenses qui reflètent, selon lui, une gestion négligente et dispendieuse de l’argent public. Parmi celles-ci, il a cité les compensations versées à des entreprises à la suite de résiliations de contrat, dont le cas de Patel Engineering Ltd pour un montant de Rs 1,9 milliard, ainsi que des frais juridiques additionnels s’élevant à Rs 315 millions. Autre sujet de préoccupation évoqué par le Premier ministre : la situation de la MauBank, dans laquelle l’État a injecté Rs 500 millions supplémentaires, venant s’ajouter aux Rs 5,1 milliards déjà déboursées entre 2015 et 2022. Il a dénoncé ce qu’il considère être un gouffre financier entretenu par les autorités précédentes sans réel plan de rentabilité.

Le ton est monté d’un cran lorsque le chef du gouvernement a exposé l’écart entre les projections budgétaires affichées et la réalité économique du pays. Le déficit budgétaire, initialement annoncé à 2,9 % du produit intérieur brut (PIB), aurait en réalité atteint 5,7 %. La dette publique, quant à elle, avoisinerait les 84 % du PIB, bien au-delà des 73 % proclamés en grande pompe par les anciens dirigeants. Ces chiffres, a-t-il souligné, ne relèvent pas seulement d’une lecture politique, mais sont corroborés par les récentes observations du Fonds monétaire international et du directeur de l’Audit, deux institutions indépendantes qui confirment l’ampleur des déséquilibres budgétaires accumulés.

S’agissant du Supplementary Appropriation (2024-2025) Bill, qui concerne l’exercice financier en cours, c’est un montant considérable de Rs 21 milliards qui doit être régularisé. Là encore, le Premier ministre a expliqué que près de Rs 9,3 milliards de cette somme proviennent d’un sous-provisionnement volontaire, témoignant de l’aveuglement budgétaire de l’ancien gouvernement, tandis que Rs 2,1 milliards correspondent à des mesures décidées récemment, comme les compensations salariales et les subventions supplémentaires. Il a aussi abordé la question des dépenses dans les secteurs-clés comme la santé, les infrastructures et le logement, en soulignant que des retards de paiement ou une augmentation des coûts ont nécessité des ajustements immédiats.

Les dépenses incluent notamment :

🔵 Rs 1,3 milliard pour le logement et l’aménagement du territoire (dont compensation à Patel Engineering Ltd).

🔵 Rs 600 millions pour le transport terrestre (subventions et ajustements salariaux).

🔵 Rs 5,8 milliards pour les pensions et allocations (dont le 14ᵉ mois pour les bénéficiaires).

🔵 Rs 1,5 milliard pour la santé (retards de paiement, hausse des prix de médicaments).

🔵 Rs 11,8 milliards pour initiatives gouvernementales centrales (compensations salariales 2025, bonus de 14ᵉ mois, transferts vers plusieurs fonds spéciaux).

Des fonds spéciaux «épuisés»

L’un des aspects les plus alarmants de son intervention a sans doute été la situation des fonds spéciaux de l’État, notamment le National Resilience Fund, le National Environment Fund et le Poverty Reduction Fund. Dotés d’un solde de Rs 36,8 milliards en juin 2022, ces fonds ont été, selon le Dr Navin Ramgoolam, quasiment vidés. Pour garantir la continuité des politiques sociales et environnementales, une injection de Rs 5,9 milliards a dû être décidée, ce qui démontre l’ampleur de la casse budgétaire à laquelle doit désormais faire face le gouvernement actuel.

Le Premier ministre a dénoncé l’attitude désinvolte de ses prédécesseurs qui, selon lui, avait gouverné à crédit sans penser aux générations futures. Il a accusé l’ancien ministre des Finances d’avoir menti à la population en prétendant que la dette publique descendrait sous la barre des 80 %, alors que toutes les projections révisées indiquent qu’elle dépassera les 90 % d’ici la fin de l’année financière. Dans une envolée qui sonnait comme une promesse, le Dr Navin Ramgoolam a affirmé que son gouvernement allait mettre un terme à cette dérive en instaurant une gestion rigoureuse, responsable et transparente des deniers publics.

Il a conclu son discours en affirmant que les jours de gaspillage et de projets éléphants blancs étaient désormais derrière nous. Un plan de consolidation budgétaire sur le moyen terme sera mis en œuvre, avec pour objectifs de stabiliser les finances publiques, de réduire la dette et de garantir une croissance durable. Mais surtout, a-t-il insisté, cette nouvelle orientation budgétaire ne se fera pas au détriment des plus vulnérables. Au contraire, elle s’appuiera sur des politiques sociales mieux ciblées et plus efficaces.

Lors de son summing up, le Dr Navin Ramgoolam a vivement critiqué la gestion économique de l’ancien gouvernement, qu’il a accusé d’avoir mené des dépenses excessives financées par l’impression de monnaie, provoquant inflation et dépréciation de la roupie. Il a affirmé que les conséquences de ces décisions pèsent aujourd’hui lourdement sur les Mauriciens, notamment à travers la hausse des prix. Il a rappelé l’engagement de son gouvernement à respecter la promesse des 14 mois de salaire, malgré un contexte économique bien plus difficile que prévu. Il a aussi mis en garde contre le risque d’un déclassement par Moody’s, qui ferait de Maurice un «junk state» peu attractif pour les investisseurs. Il a enfin souligné qu’en 2014, la dette publique était maintenue en dessous de 60 %, contre près de 90 % aujourd’hui, et a appelé à des efforts soutenus pour redresser l’économie.