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«Nou lar nou lamizik»

Le parcours inspirant de Natacha Boodhoo, artiste du recyclage et du «mixed media»

23 mai 2025, 19:30

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Le parcours inspirant de Natacha Boodhoo, artiste du recyclage et du «mixed media»

Il y a des artistes qui peignent des paysages. D’autres qui donnent vie à des personnages. Et puis, il y a Natacha Boodhoo. Cette artiste mauricienne, à la sensibilité débordante, transforme les objets abandonnés en œuvres vibrantes d’émotion et de résilience. À travers son projet The Womb Creations, elle recycle non seulement des matériaux, mais aussi des blessures intérieures. Une rencontre puissante avec une âme créative qui fait de l’art un refuge et un acte de réparation.

C’est en pleine crise sanitaire, en 2020, que Natacha décide de créer sa petite boîte artistique. «C’était un moment de recentrage. J’avais besoin de m’accrocher à quelque chose qui me rendait heureuse : peindre, créer, recycler», confie-t-elle avec une sincérité touchante. Elle s’oriente alors vers le mixed media, une technique qui allie peinture et collage de matières diverses : papiers, plastiques, capsules de café, tissus usés. «Je travaille beaucoup sur des toiles, mais ce que j’adore particulièrement, c’est redonner vie à des meubles, des portes… Ce sont des objets qui parlent, qui ont une histoire.»

Ses matériaux, elle les récupère un peu partout : dans la rue, chez ses proches, auprès de restaurants ou même grâce à des dons. *«Je dis souvent aux gens : donnez-moi vos journaux, vos capsules, vos morceaux de tissus. Je leur confie une mission, celle de participer à cette boucle de recyclage.»*Mais pour Natacha, le recyclage ne se limite pas à l’aspect écologique. Il touche à l’humain. «Dans mon atelier, j’accueille des personnes fragilisées, vulnérables. Créer avec elles, c’est leur offrir un espace de parole sans mots, une forme de thérapie silencieuse.» Son projet artistique s’intitule Résilience… tout un programme.

«Nous, en tant que femmes, avons le pouvoir de nous reconstruire»

Au cœur de sa démarche artistique, Natacha adresse un message puissant aux femmes : «Nous avons le droit de tomber, de douter, de nous sentir brisées. Mais nous avons aussi le pouvoir immense de nous reconstruire, de transformer nos blessures en beauté.» Elle encourage les femmes à ne pas avoir peur d’exprimer leurs douleurs à travers la création. «L’art m’a sauvée à un moment où je n’avais plus de repères. Si je peux tendre la main à d’autres femmes à travers ce que je fais, alors mon parcours aura du sens.»

Chaque œuvre naît d’une émotion. Rien n’est prémédité. «Je suis guidée par mon énergie du moment. Je laisse le flot me porter», explique-telle. Sur ses toiles, on trouve des papiers froissés, des feuilles séchées, des tissus déchirés – autant de symboles de la fragilité humaine. «Il faut parfois se fissurer pour laisser passer la lumière», dit-elle en évoquant une de ses œuvres phares : une table, conçue pour la Fête des ères, s’intitule Ké Mama. Elle est faite de journaux, cotons usés et tissus récupérés. «Elle représente la maternité, mais aussi la tendresse, l’intimité, la transmission. Je laisse toujours les visiteurs l’interpréter à leur manière. Une œuvre ne livre jamais tous ses secrets d’un seul coup.»

La beauté des fêlures

Lors d’un événement marquant – une performance artistique en hommage à l’abolition de l’esclavage – Natacha a créé une œuvre en une journée, portée par une inspiration fulgurante. «J’avais déjà tout dans la tête. Le résultat final montre un œil formé à partir d’une bouteille, illuminé par une ampoule. L’idée était simple : même dans l’obscurité, une lumière peut jaillir.» L’artiste insiste : «J’ai les pieds sur terre, mais la tête dans les étoiles. Mes créations parlent à chacun différemment. Ce que tu ressens face à une œuvre aujourd’hui ne sera pas la même chose dans trois jours, ni dans un mois. C’est ça, la magie.»

image (26).jpg La beauté des fêlures

Dans son atelier, Natacha ne crée pas seule. Elle ouvre les portes à ceux qui ont besoin d’un espace d’écoute, d’un moment de respiration. Ses œuvres, à mi-chemin entre art et introspection, sont les témoins d’une démarche profondément humaine : celle de recycler les traumatismes à travers l’acte créatif. À travers chaque feuille collée, chaque bouteille peinte, chaque meuble transformé, c’est une page de résilience qu’elle écrit – et qu’elle offre au monde. Et surtout, à toutes les femmes en quête de reconstruction : «N’ayez pas peur de briller, même à travers vos cicatrices.»

Natacha Boodhoo était récemment notre invitée dans l’émission culturelle Nou Lar Nou Lamizik, diffusée sur l’express.mu. Elle y a partagé son univers créatif, son engagement en faveur du recyclage et son approche émotionnelle de l’art. Une intervention marquante, où elle a également lancé un appel à la solidarité artistique.

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