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Le lourd héritage de Padayachy
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Le lourd héritage de Padayachy
Après cinq jours d’incarcération au centre de détention de Moka, Renganaden Padayachy goûte enfin à la liberté. Il y a encore quelques mois, l’ex-ministre des Finances était intouchable. Alors que la fin de son règne approchait, il devenait de plus en plus inaccessible pour le commun des mortels, sans doute convaincu de sa réélection.
Après Pravind Jugnauth, c’était l’un des hommes les plus puissants de l’ancien régime. Il comptait des proches au sein des institutions financières comme la Banque de Maurice, sa filiale, la Mauritius Investment Corporation, la Financial Services Commission, mais aussi à l’Economic Development Board, la State Trading Corporation, Landscope et dans des sociétés dans lesquelles l’État est actionnaire comme la State Bank of Mauritius.
Obstiné et résolu à donner tort à ses détracteurs, Renganaden Padayachy fonçait tête baissée dans une stratégie économique kamikaze, en optant pour une politique fiscale expansionniste et la consolidation tous azimuts de l’État providence, alors que le pays était encore en convalescence, ayant connu une contraction de 15 % de son PIB en 2020.
Cela dit, l’ex-Grand argentier n’a toujours pas pris de mauvaises décisions. Il avait raison quand il fallait créer la MIC, à la faveur de l’injection de 2 milliards de dollars, pour protéger les entreprises systémiques et empêcher leur faillite. Il avait également raison quand il a mis en place les mécanismes du Wage Assistance Scheme et du Self-Employed Assistance Scheme, qui ont permis de protéger des dizaines de milliers d’emplois.
À la veille des élections générales, Renganaden Padayachy annonçait que le pays vivait son second miracle économique et que la croissance du PIB réel s’élevait à 6,5 %. Mais la population n’était plus dupe. Elle avait compris qu’un repas gratuit, cela n’existe pas. Et qu’on tournait en rond dans un modèle de croissance tiré par la consommation et fortement inflationniste. Mais ce dont elle ne se doutait pas, c’était l’état alarmant des finances publiques, avec une dette publique calculée à 90 % d’ici à juin 2025, et celui des corps parapublics qui accumulent des dettes de près de Rs 100 milliards, ainsi que des déficits abyssaux qui auront, pour encore longtemps, des répercussions, comme l’incapacité de la State Trading Corporation à baisser les prix des carburants en raison d’un déficit de Rs 3,1 milliards dans le Price Stabilisation Account.
Hier, homme influent au sein de l’administration Jugnauth, Renganaden Padayachy est aujourd’hui livré à la vindicte populaire. L’accusation provisoire de fraude par abus de pouvoir dont il fait l’objet ces jours-ci est extrêmement grave. Présumé innocent devant la loi, Renganaden Padayachy est aujourd’hui lâché un à un par ses hommes de confiance d’autrefois, Harvesh Seegolam, Jitendra Bissessur et Mardayah Kona Yerukunondu, qui l’accusent d’ingérence dans les affaires de la MIC et d’avoir exercé des pressions indues pour que le deal portant sur le rachat de 70 % d’East Coast Hotel Investment soit conclu pour un montant de Rs 2,4 milliards, alors que le comité d’investissement avait recommandé Rs 2,1 milliards. Qui plus est, il aurait insisté pour que le décaissement se fasse en devises étrangères et en une seule tranche par la Banque de Maurice, alors que le pays faisait face à un sérieux problème de pénurie de devises.
Dans cette affaire, la société Verde Frontier Solutions, dirigée par Dirish Noonaram et Venna Noonaram, est suspectée d’avoir touché des commissions faramineuses, apparemment autour de Rs 120 millions (environ 5 % du montant du deal) à titre de Transaction Advisor. Ce qui est énorme car les firmes comptables réputées ne facturent normalement qu’entre 1,5 % et 2 % comme frais lorsqu’elles agissent comme Transaction Advisor.
Renganaden Padayachy semble coincé de toutes parts. Semaine après semaine, sa politique économique est conspuée, notamment par le Premier ministre, Navin Ramgoolam, lors de ses interventions à l’Assemblée nationale.
Récemment à Maurice dans le cadre des consultations sur l’Article IV, la mission du Fonds monétaire international dirigée par Mariana Colacelli a rajouté une couche, abondant plus ou moins dans le sens du rapport sur The State of the Economy et anticipant une croissance de seulement 3 % du PIB pour 2025. Sans surprise, le FMI recommande de remettre de l’ordre dans la politique monétaire et que la Banque de Maurice retire progressivement sa participation dans la MIC.
Concernant la gestion des finances publiques, le FMI fait un plaidoyer pour la mise en œuvre d’un plan ambitieux d’assainissement budgétaire à moyen terme dès l’exercice budgétaire 2025-2026. De même, l’organisme encourage le gouvernement du jour à initier des réformes structurelles visant à améliorer le niveau de gouvernance dans les institutions démocratiques, à lutter contre les crimes financiers, à stimuler la compétitivité du secteur privé, à doter le pays d’une main-d’œuvre plus abondante et plus compétente, et à renforcer la résilience climatique.
Renganaden Padayachy est parti. Il laisse derrière lui tout un chantier. La reconstruction sera difficile.
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