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Environnement

Le lagon de Mayotte en danger face au 4ème blanchissement mondial des coraux

29 avril 2025, 07:58

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Le lagon de Mayotte en danger face au 4ème blanchissement mondial des coraux

Lagon de Mayotte • ©Yvana Navion

Près de 84% de la surface mondiale des récifs coralliens a été touchée par un épisode de blanchissement. Entre le 1er janvier 2023 et le 20 avril 2025, des épisodes de blanchissement des coraux ont été documentés dans plus de 80 pays et territoires ultramarins et les résultats sont inquiétants. Jamais auparavant les récifs coralliens n’avaient été confrontés à une telle intensité de chaleur sur une aussi longue période.

Mayotte en première ligne

À l’échelle de Mayotte, ce constat trouve un écho dramatique. Philippe, gérant du centre de plongée, Jolly Roger, situé sur la plage de Sakouli, observe depuis plusieurs années une dégradation progressive mais accélérée du récif mahorais.

Selon ses observations sur les sites de plongée du sud de l’île jusqu’au tombant des aviateurs en Petite-Terre, la mortalité des coraux atteint 60 % et jusqu’à 80-90 % par endroits. «Visuellement, le récif est totalement dégradé sur l'ensemble du territoire.» Un état des lieux qui rejoint les chiffres globaux inquiétants relayés par la NOAA. Depuis 2018, Philippe note que les épisodes de réchauffement marin sont de plus en plus fréquents et prolongés, affaiblissant la résistance naturelle des coraux. Mais malgré cette situation critique, la faune sous-marine reste encore présente. «Après Chido, je craignais de ne plus rien voir sous l’eau. Heureusement, les petits poissons trouvent encore des abris, et certaines espèces continuent de se développer.» Une résilience fragile, qui pourrait néanmoins être compromise si les conditions thermiques anormales persistent.

Au niveau mondial, le premier blanchissement des coraux remonte à la fin du 20ème siècle. Les scientifiques prennent comme repère le phénomène El Niño, un réchauffement anormal du Pacifique tropical qui a entraîné la destruction de 16% des récifs coralliens à l’époque. Puis c’est en 2010 qu’on date le 2ème blanchissement des coraux, il a eu un impact considérable dans l’Océan Indien et en Asie du Sud-Est. Quant au 3ème épisode de réchauffement, il remonte à une période allant de 2014 à 2017 et correspond à l’épisode de blanchissement des coraux le plus long et le plus étendu jamais enregistré sur la planète. Les plus gros dégâts ont été constatés dans le Grande Barrière de corail en Australie mais aussi dans les océans Pacifique, Indien et Atlantique. Enfin, ce 4ème blanchissement des coraux touche actuellement l’ensemble des océans et des régions du monde.

Le récif mahorais fragilisé par les activités humaines

La restauration active des récifs, par replantation de coraux, n'est pas une solution viable selon lui. «Repiquer des coraux dans une eau qui reste trop chaude ne sert à rien. La vraie solution est connue depuis les années 1980 : il faut réduire les émissions de CO2 pour stabiliser le climat.» Sans un retour à des températures océaniques normales, le récif mahorais, comme d’autres dans le monde, est condamné à se dégrader davantage.

Le problème ne se limite pas au récif corallien. Philippe décrit une perturbation globale des écosystèmes côtiers à Mayotte. «La mangrove, le lagon, la barrière de corail… tout est lié.» Déjà affaiblies par les coupes sauvages, les mangroves ont subi de nouveaux dommages, mais leur lente repousse est aujourd'hui entravée par l'intensification de l’érosion et des ruissellements. Après le passage de Chido, les pluies ont entraîné dans le lagon des quantités massives de vase, de sable, de déchets et de polluants issus de l’activité humaine. Résultat : les fonds lagunaires, autrefois clairs et vivants, sont aujourd'hui envasés et asphyxiés.

Pour Philippe, le cyclone Chido n'a été qu’un révélateur de la fragilité de l'écosystème. «Le vrai problème, c’est l’impact humain sur la nature. Sans activité humaine, Chido aurait eu un impact minime. Mais aujourd’hui, chaque événement climatique exacerbe des déséquilibres déjà profonds.» Malgré son pessimisme, nourri par les souvenirs d’une île autrefois classée parmi les plus beaux spots de plongée au monde, Philippe garde un mince espoir. «Tant qu’il reste de la vie, il reste de l’espoir. Mais il faudra beaucoup de changements pour inverser la tendance.»

Le rapport mondial de la NOAA ne fait que confirmer ce que plongeurs et amoureux de la mer constatent au quotidien : l’urgence climatique est réelle et le récif corallien à Mayotte, poumon de l’Océan Indien, est en première ligne.