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Vallée-des-Prêtres
L’avenue Prunes sous haute tension
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L’avenue Prunes sous haute tension
Il est un peu plus de 9 heures du matin lorsque nous empruntons l’étroite ruelle d’Avenue Prunes, à la recherche de réponses, hier. Une atmosphère lourde, presque irrespirable, règne dans ce quartier du centre de Vallée-des-Prêtres, encore secoué par les événements de l’après-midi du vendredi 2 mai. Les regards sont fuyants, les portes se ferment à notre passage. La peur est palpable, suspendue dans l’air comme un silence complice.
Quelques jours plus tôt, Rakesh Gorayah, un jeune homme de 28 ans, connu dans le quartier sous le surnom de «Poule», a été sauvagement agressé à coups de sabre alors qu’il assistait à un mariage familial. L’agresseur présumé, Dilshad Delbar, accuse Rakesh Gorayah d’avoir attenté à la pudeur de sa fille. Une plainte déposée quelques jours avant l’attaque, dans laquelle la jeune fille accusait Rakesh d’avoir baissé son pantalon devant elle, exhibé ses parties intimes et menacé de l’agresser sexuellement. Sa mère a également porté plainte pour le vol d’un disque dur contenant des images CCTV de leur domicile, qu’elle soupçonne avoir été dérobée par un proche de Rakesh Gorayah. Depuis, plusieurs unités de police avaient effectué des descentes dans la région pour tenter de retrouver Dilshad Delbar, qui a été interpellé hier .
Lorsque nous arrivons devant la demeure de Maduri, la mère de Rakesh, l’ambiance devient immédiatement électrique. Un groupe de voisines se pressent pour bloquer l’accès à la porte et permettre à Maduri de s’exprimer, cette dernière visiblement toujours sous le choc. «Pa per koze, nou lamem», lance une femme en colère, comme pour défendre la famille d’éventuelles représailles ou accusations. Après plusieurs minutes, Maduri nous accueille finalement, les yeux encore rougis.
Dans la cour, une odeur de sang semble encore hanter les lieux. La mère raconte ce qu’elle a vu ce jour-là. «Mo garson ti dir mwa li pe al donn koudme dan maryaz. Letan mo tann defile maryaz, mo’nn sorti pou gete. Ben Laden ti pe debout lao ek so tifi ti pe riye avek enn dibwa dan so lame.» Ce qu’elle décrit ensuite glace le sang : une attaque brutale, une embuscade. Elle se souvient avoir vu la fille de Ben Laden courir, un morceau de métal en main, vers une ruelle là où se trouvait son fils.
Ensuite, ce sera Ben Laden qui va courir dans la même ruelle muni de sabre. «Li ti ena enn kouto koup bef dan so lame.» Dilshad Delbar était en train de frapper Rakesh, armé d’un sabre d’environ 75 cm. «Linn fer so bann tifi al laba blok mo garson. Li finn tap li depi deryer ek sab. Inn pil elmet lor loto ki ti pe al maryaz. Kan mo finn arive, mo’nn trouv disan partou. Mo’nn tom sek», relate Maduri, les mains toujours tremblantes. Ce sont des passants qui ont eu le réflexe de comprimer la plaie de Rakesh avec un T-shirt et de l’emmener d’urgence à l’hôpital. Le pronostic vital était engagé. «Dokter inn dir mwa si nou ti ariv de minit pli tar, mo garson ti pou fini mor», confie Maduri d’une voix tremblante.
Solidarité des voisins
Selon Jevin, le frère de la victime, cette agression ne serait pas uniquement liée à l’affaire de mœurs. Il évoque un conflit antérieur lié à un incident choquant impliquant l’abattage d’un bœuf. «Mo frer ti montre mwa enn video kot zot ti pe bril enn bef. Li ti dir mwa ki sa ti brital. Dan video-la, nou tann Ben Laden dir ‘to pe filme mwa la?’» Jevin affirme avoir conseillé à son frère de ne pas s’impliquer davantage, connaissant le tempérament violent de Dilshad Delbar. Mais Rakesh avait, selon lui, l’intention de dénoncer ces actes.
Depuis l’incident, la famille vit dans la terreur. Maduri et Jevin ont installé des caméras de surveillance supplémentaires. Ils saluent la solidarité de certains voisins, qui ont accepté de leur fournir des images de caméras CCTV pour aider l’enquête. Mais malgré cette aide, la peur reste omniprésente. Jevin n’hésite pas à nous montrer l’intérieur de sa maison toujours en construction. «Zot dir nou vann ladrog me get mo lakaz dir mwa ou mem», confie-t-il.
Dans le quartier, Ben Laden est un nom que l’on chuchote, tant il inspire la crainte. Les habitants redoutent son retour. «Kot lazistis?», s’interroge Maduri. «Nou pe viv dan traka, pa kone kan li pou revini.» Les habitants d’Avenue Prunes restent cloîtrés chez eux, dans un climat d’angoisse étouffante. Une rue qui porte les stigmates d’une violence qui ne dit pas son nom.
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