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Chagos
La rétrocession repoussée, la souveraineté toujours confisquée
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La rétrocession repoussée, la souveraineté toujours confisquée

L’accord prévoit que le Royaume-Uni conserve une présence en location bail sur l’île de Diego Garcia pendant 99 ans.
Alors qu’un dénouement semblait proche dans les négociations entre le Royaume-Uni et Maurice concernant la rétrocession de la souveraineté sur l’archipel des Chagos, «The Times» révèle que Downing Street a mis le processus en mode pause, redoutant une réaction politique «toxique» sur le plan intérieur.
Selon des sources citées par le journal britannique, l’accord est «prêt à être signé» mais le gouvernement dirigé par le Premier ministre, sir Keir Starmer, hésite à donner le feu vert. Cette décision de temporisation serait motivée par la crainte d’un rejet massif de la part des députés conservateurs, du parti populiste Reform UK, mais aussi d’une frange non négligeable du Parti travailliste (Ptr) lui-même.
L’accord en question prévoit que le Royaume-Uni cède la souveraineté de l’archipel des Chagos à Maurice, tout en conservant une présence stratégique en location bail de 99 ans sur l’île de Diego Garcia, la plus grande de l’archipel, qui abrite une base militaire américaine cruciale pour les opérations de renseignement et de sécurité régionale.
Toujours selon The Times, si les détails financiers n’ont pas été officiellement rendus publics, le coût de l’accord pour Londres serait estimé à environ 90 millions de livres sterling par an, et ce, pendant un siècle. Une somme qui serait versée à Maurice, indexée sur l’inflation, et libellée en dollars. Cette estimation se base sur le montant actuellement versé par les États-Unis à Djibouti pour la location de la base militaire de Camp Lemonnier. Les négociateurs mauriciens ont néanmoins souligné que Diego Garcia, de par sa position géostratégique en plein cœur de l’océan Indien, méritait une rémunération supérieure.
L’un des éléments clés du blocage réside dans le calendrier politique national. Le gouvernement britannique est actuellement engagé dans une réforme controversée du système d’aides sociales, visant à économiser près de 5 milliards de livres sterling. Ce projet de loi, attendu au Parlement dès la deuxième semaine de juin, suscite une fronde croissante. The Times révèle qu’environ 170 députés ont déjà averti en privé qu’ils pourraient voter contre la réforme ou s’abstenir, dans un contexte de mécontentement généralisé. Une lettre privée rassemblant plus de 100 signatures a été envoyée au Chief whip, et une autre lettre, signée par 42 députés, principalement de l’aile gauche du Parti travailliste, a été rendue publique la semaine dernière.
«L’idée de signer un accord coûteux sur les Chagos alors que l’on coupe les aides sociales à des familles vulnérables serait politiquement suicidaire», a confié un proche du gouvernement au Times. «Cela donnerait l’image d’un gouvernement qui rogne sur les plus démunis, tout en déboursant des milliards pour un accord à l’étranger.»
Starmer confronté à un dilemme stratégique
Malgré les pressions internes, sir Keir Starmer défend fermement sa réforme du système de protection sociale. Interrogé sur la révolte des parlementaires de son propre parti, il a déclaré : «Le système actuel ne fonctionne pas. Il doit être réformé. Il ne répond pas aux trois principes que j’ai toujours défendus : soutenir ceux qui en ont besoin, aider ceux qui peuvent travailler à le faire, et exiger que ceux qui le peuvent contribuent.»
En revanche, sur la question de l’accord avec Maurice, Downing Street reste beaucoup plus prudent. Un porte-parole officiel a déclaré à The Times que «les négociations sur les Chagos ont été initiées par les conservateurs et reprises par le gouvernement travailliste. Le travail continue pour parvenir à un accord, qui protégera la base conjointe américano-britannique, notre sécurité nationale et nos capacités de renseignement.»
Plusieurs sources proches du dossier confirment que le ministère des Affaires étrangères britannique, ainsi que Jonathan Powell – le conseiller à la sécurité nationale de sir Keir Starmer et principal négociateur de l’accord – continuent de plaider en faveur de la signature. Mais ils feraient face à une résistance accrue de la part de l’appareil politique, encore échaudé par les résultats des dernières élections locales. «Je ne pense pas qu’on entende à nouveau parler des Chagos avant un bon moment», confie une autre source au Times. «Ils veulent calmer le jeu.»
Pour l’heure, l’avenir de l’accord avec Maurice demeure incertain. Sur le plan diplomatique, il s’agit d’un dossier historique : celui du retour éventuel d’un territoire revendiqué de longue date par Maurice, et pour lequel la Cour internationale de justice a donné raison à Maurice en 2019. Mais sur le plan politique, à Londres, le sujet semble pour l’instant trop explosif.
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