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La Cour suprême pourra-t-elle contrer l’exécutif ?

23 mars 2024, 10:07

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Avec la plainte constitutionnelle logée par Mᵉ Rashid Ahmine, la justice est appelée non seulement à trancher si l’institution de la Financial Crimes Commission (FCC), votée par simple majorité au Parlement de Sooroojdev Phokeer, viole la Constitution, en particulier les articles 1 et 72, en tentant de contourner les pouvoirs, jusqu’ici quasi absolus, du Directeur des poursuites publiques (DPP) par rapport aux crimes financiers. Le judiciaire devra aussi prendre position contre les deux autres pouvoirs : l’exécutif et le législatif, contrôlés pour l’instant par une seule et même personne, qui place des marionnettes ici ou là-bas.

La confrontation entre plusieurs bras de l’exécutif – le conflit DPP-FCC/Beekharry et celui du DPP-CP/Dip – vient en effet intensifier les débats relatifs à la séparation de pouvoirs et le règne autocratique en fin de mandat.

La nomination de Beekharry révèle les velléités du pouvoir de rogner les prérogatives du DPP après l’échec de 2016 d’amender la Constitution pour introduire la Prosecution Commission de sinistre mémoire et de mieux geler les avoirs des adversaires politiques tout en protégeant les siens.

1) Alors que la Cour suprême étudie le litige institutionnel entre le DPP et le commissaire de police (CP) au sujet de la remise en liberté provisoire, la FCC Act a vu le jour avec des changements majeurs à la Bail Act et à la Courts Act. Une entorse manifeste à la séparation des pouvoirs.

2) Le fait que le DG de la FCC – un nominé politique – pourrait, sans consulter, ou en contournant, le DPP, initier des enquêtes et des poursuites dans des cas de crimes financiers va automatiquement diminuer les pouvoirs du DPP, dont l’indépendance est pourtant garantie par la Constitution.

3) Le volet concernant le gel des avoirs est désormais entre les mains du patron de la FCC, qui aura le statut de juge. C’est une arme redoutable alors que la campagne électorale commence. Le gel des avoirs d’adversaires politiques comme Navin Ramgoolam, Sherry Singh ou Roshi Bhadain sera décidé par un nominé politique, assisté par d’autres nominés politiques, qui ne sont pas des fonctionnaires assermentés. Cela suppose aussi que les proches du pouvoir pourront aussi être sous la protection des nominés placés à la tête de la FCC.

Nous l’avons souvent dit : Depuis le départ à la retraite de Mᵉ Satyajit Boolell, en décembre 2022, une peur s’est installée. Au vu des tensions entre l’ancien DPP (victime malgré lui de son patronyme associé au Parti travailliste) et le MSM, et face aux velléités répétées du Sun Trust de mettre le bureau du DPP sous le bol de l’Attorney General (par le biais de la Prosecution Commission), il était clair que Me Rashid Ahmine, s’il voulait garder intacts tous les pouvoirs et prérogatives de son poste constitutionnel, n’allait pas avoir la partie facile. Mais nul ne pouvait savoir que la FCC allait réussir là où la Prosecution Commission avait échoué en raison du sursaut démocratique, en décembre 2016, de Xavier-Luc Duval et du PMSD, aujourd’hui suspendus à la décision de la Cour suprême, d’autant que le Parlement reprend dans quelques jours, où l’on verra à nouveau comment l’exécutif écrase le législatif sans pudeur.