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Réforme de la pension

La colère gronde, la mobilisation s’organise

6 juillet 2025, 11:00

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La colère gronde, la mobilisation s’organise

(Photos: © Dev Ramkhelawon)

Depuis l’annonce du passage de la pension de vieillesse de 60 à 65 ans, la contestation ne faiblit pas. Syndicalistes, travailleurs et citoyens dénoncent une trahison sociale et politique, et appellent à une mobilisation nationale pour exiger le rétablissement de la pension à 60 ans. C’est ce qui ressort du rassemblement du Parlement populaire tenu hier au Plaza à Rose-Hill.

Clency Bibi rappelle que depuis les années 1950, l’âge de la pension est fixé à 60 ans. «A-t-on mené une étude sérieuse avant d’imposer ce changement ? En Australie, on vit jusqu’à 81 ans, on prend la retraite à 67 ans, et on travaille 38 heures par semaine. Au Royaume-Uni, c’est 77 ans d’espérance de vie, retraite à 67 ans, 40 heures de travail. Au Danemark, 85 ans d’espérance de vie, 37 heures de travail hebdomadaire. Et nous, ici ? 73 ans d’espérance de vie et plus de 45 heures de travail par semaine !»

620 x 330 (13).png Les syndicalistes de toutes plateformes se sont à nouveau alignés pour que la pension soit distribuée à partir de 60 ans.

Il déplore que cette réforme n’ait jamais été annoncée dans le programme électoral. «Le programme promettait 40 heures de travail, mais rien n’a changé là-dessus. Par contre, on a touché à la pension sans prévenir.»

Le combat est loin d’être symbolique. Une pétition est en cours de signature dans les lieux de travail pour dénoncer la réforme. «Nous irons jusqu’à obtenir satisfaction», affirme Clency Bibi.

Jane Ragoo abonde dans le même sens : «Il faut que tout le monde signe cette pétition pour dire qu’il n’est pas d’accord avec ce ciblage et avec cette décision injuste.» Elle prend un exemple : «Un ministre gagne Rs 250 000, un carer Rs 17 110. Il y a aussi ces personnes qui nettoient nos hôpitaux, nos écoles, qui ramassent nos ordures qui touchent cette somme. Nous ne sommes pas jaloux de l’argent des autres, mais nous demandons notre dignité.» Elle appelle à une réforme équitable : «Qu’on commence par réformer la pension des députés, qui la touchent après deux mandats !»

«Une trahison historique»

Pour Atma Shanto, cette réforme est un affront à l’histoire sociale du pays. Il rappelle les luttes des travailleurs, comme celle menée à Belle-Vue Harel, et le sacrifice d’Anjalay Coopen. «Aujourd’hui, d’un simple coup de plume ou de pied, on efface l’histoire. On salit la mémoire d’Anjalay.» Il critique les revirements politiques : «Après trois ans, certains s’asseyent avec ceux qu’ils dénonçaient hier, assoiffés d’un poste ministériel. C’est une trahison.»

620 x 330 (14).png La foule quelque peu timide au début de la réunion a quand même répondu présente.

Radhakrishna Sadien ajoute : «Ils ont dupé la population. Ils savaient qu’il y avait un vieillissement de la population. Pendant ce temps, des ministres partent en mission, voyagent aux frais de l’État.»

Reeaz Chuttoo, pour sa part, dénonce une attaque frontale contre l’Étatprovidence. «Ce gouvernement a détruit notre système. Ils ne font pas que toucher à la pension, ils écrasent l’ensemble du modèle social.» Il rappelle que de nombreux travailleurs n’ont jamais vu leur salaire réajusté pendant des décennies. «La pension est une forme de réparation. Aujourd’hui, le système fabrique des pauvres qui travaillent.» Il dénonce l’attitude d’un gouvernement qui, selon lui, «n’a pas de cœur».

Ashvin Gudday, lui, fait remarquer : «On nous dit qu’il n’y a pas d’argent. Mais l’argent existe. Il suffit d’arrêter le gaspillage, de lutter contre la fraude.» Il appelle à rendre le pouvoir au peuple : «Si vous n’êtes pas capables, passez la main.»

620 x 330 (15).png Bruneau Laurette ou encore Rama Valayden ont été présents au Plaza.

Pour Haniff Peerun, la réforme est une trahison envers les électeurs. «Si le gouvernement avait dit qu’il allait reculer la pension à 65 ans, aurait-il été élu ?» Il demande l’organisation d’un référendum. Sharvin Sunassee souligne l’incohérence : «Rs 10 000 suffiraient à une vieille dame pour vivre, mais les parlementaires doivent toucher Rs 15 000 ?»

Deepak Benydin annonce une tournée à travers l’île pour mobiliser les travailleurs. «Nous devons faire comprendre ce qui se passe. On nous prive de nos droits acquis.» Narendranath Gopee est tout aussi direct : «La pension est un droit, pas une faveur. Cette femme de ménage qui paie la TVA contribue elle aussi au Budget national.» De son côté, Arvind Bhojun ajoute cette mise en garde : «Le jour où les syndicats passeront à l’action, il ne faudra pas oublier que c’est la classe travailleuse qui se soulève.»

Plusieurs autres personnalités ont pris la parole dont Amarjeet Seetohul, Rajen Valayden, Dev Ramano alors que Rama Valayden, George Ah Yan, Bruneau Laurette, Nita Deerpalsing, Sheila Bunwaree ou encore Dave Kissoondoyal étaient également présents à Rose-Hill.


Soutien aux sexagénaires : ce que prévoit le gouvernement

Dès le 1er septembre 2025, une aide mensuelle de Rs 10 000 sera accordée aux personnes atteignant 60 ans, sous conditions de revenus. Ce soutien vise à soulager les retraités, travailleurs, indépendants et ménagères à faibles revenus. C’est ce qu’a déclaré le Premier ministre, Navin Ramgoolam, vendredi au Parlement.

Pour être éligible, un célibataire doit percevoir moins de Rs 10 000 par mois (hors indemnités de départ et aides sociales). Pour un couple marié, le revenu combiné ne doit pas excéder Rs 20 000, avec les mêmes exclusions. La «Mauritius Revenue Authority» (MRA) sera chargée du paiement, après une demande unique. L’allocation sera versée directement sur le compte bancaire du bénéficiaire.

Cette mesure intervient dans un contexte de vieillissement rapide de la population. Entre 2015 et 2024, le nombre de Mauriciens de 60 ans et plus est passé de 186 400 à 257 600, et atteindra environ 315 000 d’ici 2038. Sans réforme, la pension universelle pourrait coûter plus de Rs 100 milliards par an et devenir insoutenable. Le gouvernement souligne qu’il y va de la survie du système : sans ajustement, il n’y aura demain de pension pour personne.

En moyenne, 7 500 personnes par an seront concernées, pour un coût de Rs 8,7 milliards sur cinq ans.


Réactions

Shakeel, 57 ans : «Les ‘ti dimouns’, toujours les perdants»

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«Il ne faut pas toucher à la pension», lance Shakeel. «Kas la bizin kone kot pou tir li, kapav tir lot plas sa!» Il souligne qu’il y a bien un contraste entre les riches et les pauvres quant à la gestion des fonds publics. «Le président de la République est allé aux Comores pour quatre jours. Quatre jours pour les célébrations de l’Indépendance ! Il faut savoir combien ça a coûté.» D’ajouter que les per diems perçus par le président de la République, selon lui, équivalent au salaire minimum. Pour lui, ce sont les «ti dimouns» qui sont toujours les perdants.

Viswen, 62 ans : «Tout le monde ne peut pas travailler jusqu’à 65 ans»

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Pour ce manifestant, le gouvernement ne respecte pas ses promesses faites avant les élections. «Ils avaient promis des vans scolaires gratuits, le transport gratuit pour tout le monde, Internet gratuit, double pension pour les veuves et invalides, voyage à La Réunion pour les personnes du troisième âge… Aujourd’hui, ils font le contraire. Ce n’est pas tout le monde qui peut travailler jusqu’à 65 ans.» Pour lui, c’est la même chose avec les gouvernements qui se succèdent depuis l’Indépendance. «Si aujourd’hui nous sommes dans cette situation, c’est à cause des politiciens. Ils font la pluie et le beau temps. Bann seki inn kokin bisin retourn sa kas-la.» Parlant des Rs 10 000 que le gouvernement souhaite payer aux célibataires touchant moins de Rs 10 000, et aux couples touchant moins de Rs 20 000 : «Dir zot gard zot sarité!»

Judith, 28 ans : «Des salaires de misère»

«Je suis à cette manifestation parce que je ne veux pas travailler jusqu’à l’âge de 65 ans pour les salaires de misère qui sont payés à Maurice.» D’ajouter : «Kisanla ki gagn saler Rs 10 000 zordi zour dan sa pei-la?» Pour elle, les mesures annoncées à l’issue des travaux des deux comités sur la réforme de la pension sont une «farce». Reprenant sur les Rs 10 000, elle déclare : «Quelle différence entre ça et le montant actuel de la pension ? Un système qui est simple, ils le compliquent. Là, les gens auront à faire la queue comme des mendiants pour avoir leur dû. Nu enn pei travayer, napa gagn drwa tir sa ek nou!»

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