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Interview
Joe Lesjongard, leader de l’opposition et président du MSM : «On s’est bel et bien relevé après un premier 60-0 en 1995»
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Interview
Joe Lesjongard, leader de l’opposition et président du MSM : «On s’est bel et bien relevé après un premier 60-0 en 1995»

PHOTOS : VASHISH SOOKRAH
Joe Lesjongard, avez-vous fait le deuil des dernières élections ?
Les derniers jours avant les élections étaient bien difficiles pour les politiciens qui ont quelques années d’expérience. Ils ont eu des difficultés sur le terrain. Avant, on était bien confiant même si sur le terrain certains faisaient déjà des pronostics. Plus nous nous approchions des élections, plus je sentais que ça allait être difficile. Même nos partisans ont beaucoup travaillé. Personnellement, quelques jours avant les élections, j’avais déjà compris que la victoire n’était pas à portée de main. Nous avons travaillé quand-même. Cependant, je note, avec mes années d’expérience en politique, que la campagne était d’une vulgarité déconcertante. Je ne suis pas d’accord que la campagne se fasse dans un langage qui n’est pas correct....
Et le 60-0 ?
Nous reconnaissons que l’adversaire a eu une grande victoire. Un 60-0 inédit, si j’ose dire. C’est la deuxième fois que le MSM perd par 60-0. C’est ce qui est bien pour notre pays; car souvent certains disent que nous nous éloignons de la démocratie. Le plus important c’est que la passation de pouvoir s’est faite tranquillement. Nous avons un nouveau gouvernement en place. Tel était le vœu de la population. Nounn ena enn lopozision kinn rant dan Parlman avek Best Loser system. Pann Eli. C’est une opposition avec initialement deux membres seulement et on verra l’évolution au fil du temps. C’est la volonté du peuple. Nous allons travailler.
D’après vous, cette défaite est liée à quoi ? Est-ce l’impact de Misie Moustas ou d’autres scandales comme le Wakashio ou les manifestations organisées, entre autres, par Bruneau Laurette ? On vous sentait confiant jusqu’à la dernière minute lors de la campagne.
La première raison, quand j’analyse personnellement, c’est ce qu’on appelle l’usure du pouvoir car le MSM se dirigeait vers un troisième mandat. Néanmoins , certaines choses se sont produites pour accentuer l’usure du pouvoir. Vous en avez mentionné quelques-unes. Il y en a certains dont je suis d’accord avec vous et d’autres non. Il y avait une série d’événements. Le Covid-19 a impacté sur notre mandat car pendant deux ans nous avons lutté contre un phénomène dont personne n’avait l’expérience de gestion à Maurice. On a pris des décisions en mettant l’état de santé de la population en priorité. La première menace, c’était que les gens auraient pu perdre la vie et ont perdu la vie avec la pandémie. Vous réalisez qu’un gouvernement a eu cette pandémie à gérer lors de son premier mandat ? Nous l’avons gérée correctement, mais en sus de cela, il y a eu d’autres facteurs comme l’économie ou social qui ont laissé des séquelles et une certaine psychose. Le Wakashio, effectivement. L’environnement est primordial pour la jeunesse d’aujourd’hui. Quand ils ont senti quelque chose qui affectait l’environnement, ils se sont naturellement mobilisés sur le plan national et international. Ce qui s’est passé avec le Wakashio demandait une gestion. On l’a fait car ça a affecté toute l’île. Ces choses ont pesé dans la balance et je reconnais que le gouvernement actuel qui était dans l’opposition à l’époque a su exploiter cette situation avec beaucoup de démagogie aussi. Je sais qu’il y a eu d’autres facteurs aussi néanmoins qui ont poussé le peuple à faire ce choix électoral.
Et l’analyse du parti de cette défaite...
On a une structure à plusieurs niveaux. On a mis en place des comités pour analyser la défaite et ces comités vont faire un rapport au parti et à partir de là, on va entrer plus en profondeur. Les comités vont activement travailler au niveau régional mais aussi national sur le terrain. Quand toutes ces informations vont remonter au parti, on aura un débat plus en profondeur au sein du parti.
Dans votre carrière politique, avez-vous déjà vu des Mauriciens voter avec leurs propres plumes...
Il y a beaucoup de choses qui se sont produites pour la première fois et dont il est de notre devoir d’éclaircir. Je pense qu’à ce niveau là.... avant les élections, l’ancien gouvernement avait décidé de mettre en place une commission d’enquête mais je n’entends rien à ce sujet en ce moment. On doit savoir qui est ce, qui a eu accès à ce genre d’informations. Il est un devoir de donner ces réponses car nous sommes dans une situation floue dans le sens que nous voulons savoir si les équipements utilisés sont toujours là, est-ce que les enregistrements se font toujours ou pas . Personnellement, j’ai été candidat pendant deux ou trois élections, ce phénomène de “pran plim al vote”, je pense que c’est la campagne de l’actuel gouvernement qui a mis en place dans la tête des Mauriciens depuis 2019 après leur défaite. Ça c’est grave pour moi que de penser que les élections peuvent être truquées à Maurice. Il y a eu des cas en cou à ce sujet par le gouvernement actuel dans le passé et ils ont perdu en cour. Beaucoup d’activistes travaillent le jour des élections, ils sont dans les classes, sur le terrain et lors du dépouillement. Alors à quel niveau peut-on dire qu’il y a eu trucage ? Les dernières élections ont prouvé que ce n’est pas le cas. Malheureusement on a traîné une institution importante dans la boue et même la personne à la tête de cette institution. Nou osi nou ti kapav dir inn kokin eleksion kan nounn gagn bate 60-0. Pour moi, c’est la première fois que j’ai vu des gens aller voter avec leurs plumes. L’Etat doit venir dire à la population et rassurer sur le prochain déroulement des élections.
Le leader du MSM parlait des «Moustas Leaks» comme des produits de l’intelligence artificielle. Qu’en pensez-vous ?
Je pense beaucoup de choses mais je préfère voir les choses concrètement. C’est pour cela que je parle d’une commission d’enquête car ça va permettre à qui veut venir faire des commentaires de le faire.
Juste après les élections, il y a eu l’interpellation de Pravind Jugnauth par la Financial Crimes Commission : des images fortes. Comment interprétez-vous cela ?
C’est vrai que ce sont des images marquantes pour la personne et sa famille mais aussi la population..nous vivons dans un Etat de droit où les institutions font leur travail mais ça donne l’impression qu’il y a une machination politique en place. Je ne suis pas allé plus loin sur des commentaires car il y a une enquête en cours sauf que nous voyons clairement que c’était faux quand l’actuel gouvernement disait qu’après une victoire de leur part qu’il n’y aurait pas de chasse aux sorcières ni de politique de vengeance.
Au sein du parti, cette interpellation a t-elle suscité des doutes sur le leadership?
Nous fonctionnons démocratiquement. Quand celà s’est produit, le leader est venu devant l’instance suprême du parti et a demandé s’il a le soutien du Parti et le bureau politique a dit oui. C’est sûr que cette interpellation et accusations ont eu un coup sur la morale du parti alors que nous étions encore au plus bas. Ce n’est pas le premier 60-0 que nous vivons. Nounn deza viv li e releve avek air Anerood Jugnauth ek la nou pou releve avek Pravind Jugnauth. Donnons au temps le temps et laissons cicatriser certaines choses pour nous reconstruire et on verra plus tard.....
Donc ceux qui disent que c’est fini pour le MSM après les 60-0 se trompent ?
Enfin, zot kapav dir sa me nou sa lafors ki bizin pou rekonstrir nou la nou kone kot pou al pwiz sa. On est déjà tombé une première fois et tomber une deuxième fois, on se relève avec une meilleure force et plus consciente de ce qui nous attend devant.
En tant que leader de l’opposition au Parlement et président du MSM vous êtes seuls contre tous face aux critiques de l’actuel gouvernement contre votre parti. Comment vous le vivez ?
Si je suis au Parlement, c’est qu’il y a bien une raison. Comme je le dis si bien, Adrien Duval et moi sommes au Parlement grâce au Best Loser System. Quand je regarde cette situation, ce n’est pas du tout facile. Par contre, le respect que j’ai pour la démocratie fait que je l’accepte car c’est le vœu du peuple. Kan nou asiz dan sa parlman la nou bizin defann lepep e mwa se sa mo rol principal. Il y a des outils de travail qui me permettent de questionner le gouvernement sur ses agissements. Deuxièmement, c’est vrai que ce n’est pas évident de faire face à un gouvernement en surnombre. Au Parlement , il y a les Standing Orders et tant qu’on opère d’après ces Standings Orders, je me sens à l’aise pour faire mon travail. Des fois j’écoute ce qu’ils disent et des fois non, pour ne pas laisser des choses négatives embrouiller mon esprit. Je suis une personne qui croit en son Créateur. S’il m’a mis là-bas, il sait quel genre de courage il me donne pour faire mon travail. Sak mardi mo kone ki kouraz mo pran pou al defann mo popilasion.
Votre relation avec Franco Quirin est comment ? Quelle serait votre position si demain Franco Quirin et Adrien Duval font la paire ?
J’ai déjà entendu ça il y a quelque temps de cela. Toute collaboration est la bienvenue au sein de l’opposition. Je fonctionne d’une manière. Je remercie Adrien Duval qui m’a appelé un fois après la parution d’un article qui disait que j’allais perdre ma place de leader de l’opposition. Il m’avait appelé pour me demander de ne pas me soucier de cet article. J’ai apprécié cela. C’est applicable aussi pour Franco avec qui j’ai de très bonnes relations. Je dois le dire, car cela doit venir d’un politicien pour que les gens puissent comprendre, je suis triste pour ce qui s’est passé avec Franco Quirin. Je me suis assis près de 25 ans au sein de ce Parlement et j’ai côtoyé Franco Quirin comme un membre du parti, comme un membre du gouvernement et aussi comme membre de l’opposition. Franco Quirin est un bosseur qui travaille et qui était responsable du dossier sport et je ne peux pas le critiquer car il a fait son travail correctement et il ne mérite pas ce qui s’est passé. Parfois en politique, ce qui se passe vous marque pour toute une vie. Je n’aurais pas aimé être à la place de Franco Quirin.
Il se peut qu’il rejoigne le MSM ?
C’est sa décision. À chaque fois à Maurice, quand il y a ce genre de choses, les gens se demandent s’il y a eu des négociations. Ça ne fonctionne pas comme ça. La personne siège en indépendant aujourd’hui et je le respecte mais si demain Franco Quirin souhaite avoir une continuité politique, ce n’est pas en indépendant qu’il le fera. Il devra rejoindre un parti politique. S’il fait la demande demain, on va étudier au sein du parti et ce sera principalement le leader qui va décider.
Il y a eu des étincelles récemment entre vous et Paul Bérenger lors des travaux parlementaires...
Oui et j’ai rappelé à l’ordre Madame Speaker. Je suis à cheval sur les Standing Orders. Je ne dis pas qu’il y aura ce genre de choses mais il y a une limite qui ne doit pas être traversée. Quand cette limite est dépassée, les Standing Orders disent comment réagir. Si la Speaker avait fait cela, elle aurait réagi sur le moment. Paul Bérenger, c’est Paul Bérenger. Sauf que quand il dépasse certaines limites, il faut le rappeler à l’ordre. Il est vrai qu’il a droit à un certain respect comme vice-Premier ministre mais je mérite le même respect. J’occupe un poste constitutionnel comme leader de l’opposition. La politesse parlementaire n’est pas donnée à tout le monde mais j’aurais aimé qu’elle soit donnée à tout le monde. La speaker aurait eu moins de travail à faire au Parlement (rires). Je ne vais pas tenir Bérenger rigueur de cela car il est en politique depuis longtemps et la population connaît son caractère. Je reconnais qu’il a retiré ses propos mais on n’avait pas besoin d’aller jusque là.
Vous n’avez pas hésité à commenter sur le document «State of Economy». Vous avez posé la question sur l’origine de ce rapport?
C’est bon que vous me posiez cette question car c’est basé sur ce document que aujourd’hui le gouvernement vient dire certaines choses. J’écoute leurs discours très bien. Ils utilisent comme prétexte ce rapport pour dire que l’état de l’économie n’est pas en bonne santé. Pour moi ils sont en train de préparer l’opinion publique avec l’approche du Budget 2025- 2026. Je maintiens ce que je dis sur ce rapport. Il dit que le bureau des statistiques a subi des pressions pour manipuler des chiffres pour montrer que la situation va bien dans le pays alors que ce n’était pas le cas. Le bureau des statistiques zot latet lor biyo couma nou dir an kreol. Qui sont les personnes qui ont travaillé sur ce rapport qu’ils ont rendu public ? Est-ce que ce sont les mêmes personnes du bureau des statistiques qui l’ont fait ou d’autres personnes? Quand je regarde ce rapport et ce que les institutions internationales disent sur la situation économique de notre pays, comme la FMI ou la banque mondiale, ils n’ont pas le même discours. Il y a une disparité. Est-ce que ce n’est pas le devoir du gouvernement de dire qu’ils ont demandé à des personnes de travailler, de faire une enquête, de venir de l’avant avec ces chiffres, de rendre public tout ce qu’il faut rendre public. Sur la base de ce document, le gouvernement dit certaines choses. L’annonce du paiement du 14eme mois était un Game Changer lors de la campagne électorale. Il avait été dit que tout le monde allait recevoir ce paiement mais là ce n’est pas le cas. Inn kre de kategori dimounn la me pa de kategori dimounn ki ti al vote. Avek sa promes la finn diviz sa popilasion la. Ce n’est pas possible.
J’espère que le gouvernement viendra fournir ces réponses avant d’aller vers le budget sinon on aura droit à un certain discours du genre qu’il faut se serrer la ceinture. Si ou gagn Misie Rama Sithanen ki prepar sa bidze la, nou kone ki kalite bidze li pou été. On a un projet de loi qui sera débattu mardi prochain. On retourne à l’ancien système de quand on faisait le Program Based Budgeting. Il faut respecter l’annonce que vous avez faite avant les élections comme pour la baisse des produits pétroliers.
(Le directeur des publications Nad Sivaramen et le leader de l’opposition faisant un tour d’horizon des actualités avant l’interview «Décryptage» au QG de l’express, à Riche-Terre.)
Shakeel Mohamed, qui était l’invité de Décryptage la semaine dernière, a commenté la question relative à ‘Qui est l’auteur du rapport de State of Economy?’. Il a dit qu’il faut que le leader du MSM Pravind Jugnauth et son épouse présentent d’abord des excuses au peuple pour les écoutes téléphoniques pour qu’il vous prenne au sérieux.
Il a clairement évité votre question. Ils sont au pouvoir. On avait mis une commission d’enquête pour les écoutes. Certaines personnes seront appelées à déposer. Le leader du MSM sera appelé à déposer. On ne pourra pas faire autrement. La loi qui régit les commissions d’enquête est comme ça. Même si demain la femme de l’ex premier ministre est appelée à déposer, elle devra le faire. Même si je suis appelé à le faire, je le ferai.
Le gouvernement a parlé de Rs 700 millions qui ont disparu de la caisse de la CWA. Vous répondez quoi ?
On dit certaines choses sans donner les explications et ce n’est pas correct. Quand j’étais ministre, il y avait un rapport fait par la responsable de l’audit de la CWA. J’avais dit au niveau du ministère de tout bloquer car on devait débourser une certaine somme. On devait vérifier ce qu’il y avait. En même temps, j’avais demandé au board de la CWA d’enquêter sur les plaintes que la dame avait faites. L’argent qui a été utilisé, c’est facile de vérifier où ça a été dépensé. Rien ne les empêche de le faire. C’est tout comme pour le réservoir de Cluny.
Le réservoir de Cluny qui a coûté Rs 74 millions aux contribuables et qui présente des fissures aujourd’hui....
Oui. Le réservoir de Cluny était un projet design and built. La CWA a fait ce projet de cette façon c’est-à- dire que celui qui a conçu ce projet va être lui-même qui va construire ce réservoir. Le design ne vient pas jusqu’au ministre mais les ingénieurs de la CWA s’occupent eux-mêmes de ce design. Le contracteur qui a eu ce design and built. Il y a des termes du contrat et des ingénieurs qui suivent l’implémentation. Kouma ki feray ki mete dan rezervwar, kantite sima ou makadam ki mete. Pa rol enn minis sa. Maintenant s’il y a des fissures, je pense que les termes du contrat disent clairement ce qu’il faut faire. J’ai posé la question au ministre et il a dit qu’il faut démolir le réservoir. J’ai demandé s’il y a un rapport qui dit qu’il faut démolir ce réservoir. Par exemple, ounn mont enn lakaz, letan lapli tonbe ou lakaz koule. Kpav se twatir ki pe fer ou lakaz koule. Ki ou fer? Enn waterproofing. Ou pa kraz lakaz la. Ou kraz li si inzenyer la dir ou striktir la pa bon. Quand j’ai posé la question au ministre pour savoir s’il y a un rapport qui dit qu’il faut démolir le réservoir, il ne m’a pas donné les réponses qu’il fallait. J’ai quelques années d’expérience en politique et j’ai occupé des fonctions pour mon pays et je remercie mon créateur pour cela. On doit savoir quel langage tenir en politique. Pour moi, s’il y a eu des problèmes concernant le réservoir de Cluny, le contrat entre la CWA et le contracteur doit prendre en considération cela.
Et quid de l’avenir pour le MSM ?
Le leader avait dit une chose et moi aussi. Il y a un nouveau gouvernement en place. Il faut leur donner le temps de s’installer et après on fera des commentaires. Il y a des défis majeurs qui nous attendent. Il y a des dossiers comme les Chagos ou l’économie. Donnons le temps au gouvernement pour s’installer. Le Premier ministre a dit qu’il viendra s’adresser à la nation chaque 100 jours pour expliquer comment se passent les choses. Nous aurons des conférences de presse sur des dossiers. On aura une stratégie au sein du parti, une stratégie à la reconquête du pouvoir. Nous aurons un calendrier. Ce sont des étapes que nous n’allons pas brûler. Dans un premier temps, nous allons digérer la défaite. C’est important de faire le deuil pour pouvoir progresser....
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