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Santé

Husnoo aura sa clinique privée lui aussi

24 avril 2024, 19:00

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Husnoo aura sa clinique privée lui aussi

La progression des cliniques privées en parallèle au déclin des services de santé publique est surprenante. Elle l’est encore plus lorsque l’on réalise que beaucoup de ces nouveaux établissements privés sont la propriété de proches du pouvoir, quand elle n’est pas carrément la propriété des hommes du pouvoir. Comme le Dr Anwar Husnoo, vice-Premier ministre et ministre des Collectivités locales.

C’est Joanna Bérenger qui a levé le lièvre en consultant les demandes de certificat d’Environmental Impact Assessment (EIA) au ministère de l’Environnement et en découvrant celle émanant du couple Anwar et Khursheed Husnoo. Elle concerne un projet de clinique privée, Vital Care, à l’avenue Belcourt, n°8, morcellement St-Jean, Quatre-Bornes, presque au bord de l’autoroute. Le couple a investi Rs 200 millions dans ce projet de 80 lits. Vital Care a été incorporée le 26 juillet 2023. Ce sont les seuls renseignements que l’on a pu avoir du Registrar of Companies.

Dossier disparu ?

Les détails du dossier de demande d’EIA de Vital Care qui se trouvaient sur le site de l’Economic Development Board (EDB) ne sont plus disponibles depuis quelques jours. Cela, alors que l’on peut accéder aux autres demandes d’EIA. Contacté, un haut cadre de l’EDB nous parle d’un problème informatique… Cependant, selon les informations recueillies par notre confrère, Le Défi, avant que ces informations ne disparaissent du site de l’EDB, le terrain de 0,75 arpent a été acquis par le couple Husnoo pour Rs 19,6 M. Est aussi mentionnée dans le dossier la raison pour laquelle le Dr Anwar Husnoo veut lancer une clinique privée : puisque seulement 32,6 % des accouchements se font dans des cliniques privées au lieu des hôpitaux publics, il y a urgence d’augmenter le nombre de lits dans le privé pour répondre à la demande croissante des futures mères.

«Les Husnoo ne disent pas qu’ils veulent tout simplement capter ce business, mais ils semblent vouloir dire qu’ils ont à cœur la santé des futures mères et des futurs bébés», avance un médecin. «Au lieu de proposer d’améliorer les services des hôpitaux, nous dit de son côté Joanna Bérenger, l’ex ministre de la Santé veut attirer le chaland vers le privé et plus particulièrement vers sa clinique. Ils sont en train de se faire de l’argent sur la souffrance des autres. Je me demande si ce n’est pas pour cela que les hôpitaux sont laissés à l’abandon, pour pousser les malades vers leurs cliniques. Je me demande aussi si ces projets privés n’expliquent pas la lenteur des projets d’hôpitaux publics.»

Lenteur des projets publics

On se le demande aussi. La vitesse à laquelle ces projets privés sont lancés et mis en route est à mettre en contraste avec la lenteur des projets d’hôpitaux publics. Prenons le Cancer Hospital qui se trouve à quelques centaines de mètres du projet de clinique de Husnoo. On attend toujours la livraison de cet hôpital, promis par Husnoo lui-même, alors ministre de la Santé en 2017, d’être le meilleur d’Afrique. Le projet a été annoncé en 2015. La première phase ne concernait que des travaux de rénovation de l’exMedPoint qui avait commencé avec un retard de trois ans, soit en novembre 2018, et terminé en octobre 2019. Quant à la deuxième phase comprenant la construction du nouveau bloc, commencée en novembre 2018, elle a été livrée fin 2022. Le retard est mis sur le dos du Covid. Cependant, à ce jour, le deuxième bloc n’est pas encore opérationnel, quoique le plus gros du travail ait été abattu. Pourquoi ? L’achat des équipements aurait pris plus d’un an !

Pour l’hôpital de Flacq ou New Flacq Teaching Hospital, qui se veut être une sorte de centre hospitalier universitaire mauricien et dont la construction a débuté en août 2021, il devait être prêt en juillet 2022. Il n’a pas été livré et la raison invoquée pour le retard a été le Covid-19, bien sûr. Vingt et un mois plus tard, soit le 11 avril 2024, le ministre de la Santé Kailesh Jagutpal a annoncé qu’il sera opérationnel en juillet/août. Aucune raison convaincante pour ce deuxième retard n’a été donnée. Les infrastructures de 94 250 mètres carrés accueilleront environ 575 lits. Coût budgété : Rs 2,6 milliards.

Le projet du New Eye Hospital à Réduit, lui, a commencé en juin 2022. Le 17 mai 2023, on a appris que ce petit hôpital de 117 lits serait prêt fin mars 2024. Or, à ce jour, les travaux ne sont pas encore terminés. Coût du projet : Rs 715 millions, financé par l*’Abu Dhabi Development Fund*.

En revanche, les projets de cliniques privées du Dr Zouberr Joomaye avancent à grande vitesse. La clinique de Curepipe, Artemis, mise en route en 2021, a été opérationnelle dès juin 2023. C’est une infrastructure ayant coûté Rs 1,6 milliard, de 10 000 mètres carrés et avec 80 lits. La construction de la deuxième clinique comptant 120 lits du Dr Joomaye, l’Artemis Coromandel Hospital, a commencé en août 2023. Elle sera spécialisée dans le traitement du cancer et sera prête très bientôt, nous dit un cadre. Et on le croit. La troisième clinique du même docteur Joomaye, à Cascavelle, sera pour sa part dotée de 111 lits.

Et Vinash Gopee dans tout cela ? Il a RGT (Healthcare) Ltd. La demande de certificat EIA a été soumise en septembre 2018 et acceptée en janvier 2019, soit quatre mois après. En fait, le projet est surtout immobilier, un luxury apartment complex, mais doté d’un centre de soins médicaux de 54 chambres-lits. Pour ce projet, Vinash Gopee a obtenu six arpents de l’État au Triangle de Réduit. Il faut savoir que ce promoteur immobilier est très proche du pouvoir. Il a été nommé à la tête de la Mauritius Tourism Authority et de la Drains Infrastructure Construction Ltd.

À Vacoas, une commerçante soupire : «J’ai appris qu’un ministre s’occupait de son projet de clinique privée en parallèle à son travail au ministre. C’est pour cela qu’il n’a pas le temps de se pencher sur les problèmes de ses mandants et des Mauriciens en général, notamment concernant les inondations.»