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Narcotrafic et politique

En 1983, naissance de trois étoiles : Le «brown sugar», les Bacsoo et le MSM

11 mai 2024, 14:13

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Des crises politiques et une innovation marquante dans le domaine de la drogue dominèrent l’actualité à partir de 1983 quand le MMM connut une scission et le Mouvement socialiste militant (MSM) fut créé par Anerood Jugnauth. Ce dernier fit l’objet d’un marketing politique sans précédent en 1982 quand le Mouvement militant mauricien (MMM) le présenta comme «le Premier ministre du changement». Ce fut une guerre frontale contre le Premier ministre d’alors, sir Seewoosagur Ramgoolam (SSR). À la grande surprise des dirigeants mêmes du MMM, Anerood Jugnauth fut plébiscité, lors des élections générales de juin 1982, comme successeur de SSR par un score de 60-0, le premier dans l’histoire électorale du pays.

Suivant de profonds différends qui l’opposèrent aux dirigeants du MMM, surtout à Paul Bérenger, leader historique du parti, Anerood Jugnauth créa son propre parti avec le soutien d’Harish Boodhoo, leader du Parti socialiste mauricien (PSM). Le MSM absorba le PSM. Bien vite, le Parti travailliste et le PMSD de Gaëtan Duval apportèrent leur soutien au MSM et une nouvelle alliance «bleu-blanc-rouge» fut constituée. Le MSM monta une sainte alliance contre le MMM et Paul Bérenger. Les agents rouges et blancs se joignirent à la nouvelle armée qu’allait créer le tandem Jugnauth-Boodhoo.

Aux élections anticipées d’août 1983, le MSM et ses alliés s’engagèrent dans un combat fort musclé contre le MMM. On nota dans cette nouvelle «armée» la présence de nervis, connus alors comme «tapeurs», qui donnèrent du fil à retordre tant aux candidats qu’aux activistes du MMM. C’est ainsi que Vidula Nababsing, candidate du MMM dans le Sud, fit l’objet de maintes tracasseries de la part d’énergumènes mobilisés par les adversaires des Mauves. Très vite, une bande issue de Plaine-Verte et travaillant pour le compte du MSM se fit remarquer dans différentes circonscriptions du pays. Deux frères dirigeaient cette bande. Il s’agit de Satar et Maël Bacsoo. Un membre de cette bande fit même une démonstration de tir au revolver dans une tentative d’intimider Jean Claude de l’Estrac à La Source, qui faisait alors partie de la circonscription n°19 Stanley–Rose-Hill.

Les connexions des Bacsoo aux dirigeants Jugnauth et Boodhoo donnèrent lieu à bien des allégations. Un épisode très révélateur se produisit lors d’une garden party offerte par le gouverneur-général et le gouvernement au château du Réduit. Invités, les frères Bacsoo assistèrent à cette réception. Devind Jhundoo, du Nouveau Militant, consigna pour l’histoire la présence des frères Bacsoo au Réduit et leurs photos furent publiées dans le journal du MMM.

Les Bacsoo se firent remarquer non seulement pour leurs liens politiques. On les soupçonna aussi d’avoir introduit une nouvelle drogue à Maurice appelée brown sugar. Le pays avait jusqu’ici connu le gandia introduit d’Inde par les coolies et l’opium consommé par des riches. Le brown sugar était constitué de «déchets» résultant de la préparation de l’opium. Le brown coûtait évidemment moins cher que l’opium raffiné.

Dans une première phase, le brown fut distribué gratuitement dans certains quartiers de Port-Louis. Une fois l’accoutumance développée, la drogue fut graduellement commercialisée dans le pays. Le brown était produit en Afghanistan, puis acheminé via le Pakistan vers Mumbai, pour être finalement dirigé vers Maurice.

Le business du brown prit de l’ampleur. Alors que les Mauriciens s’apprêtaient à fêter la fin de l’année en décembre 1985, ils furent consternés d’apprendre que des députés du MSM ou alliés de ce parti avaient été arrêtés à l’aéroport d’Amsterdam avec de la drogue. Ils regagnaient l’Europe après un voyage en… Inde.

Cette affaire de drogue amena Anerood Jugnauth à instituer une commission d’enquête sur ce fléau. Sir Maurice Rault présida cette commission d’enquête au cours de laquelle bien des allégations furent faites. On apprit ainsi que les Bacsoo se rendaient chez Anerood Jugnauth avec des «tentes» remplies de billets de banque. Harish Boodhoo, s’étant dissocié de Jugnauth depuis janvier 1986, fit l’objet d’une vilaine campagne de la part du camp Jugnauth qui allégua que l’homme de Belle- Terre avait lui aussi bénéficié de don de briani de la part des frères Bacsoo.