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Emprunter la voie des réformes après une décennie de largesses
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Emprunter la voie des réformes après une décennie de largesses

Pendant trop longtemps, le pays a vécu au-delà de ses moyens. Pendant dix ans, l’ancien gouvernement a joué avec le feu en se lançant dans une politique fiscale expansionniste et inflationniste pour financer son ambitieux programme de développement socio-économique centré sur l’humain. Ce que l’ex-ministre des Finances, Renganaden Padayachy, appelait l’économie de la vie.
Malgré la pandémie qui a coûté à l’économie mauricienne plus de Rs 100 milliards rien que pour l’année 2020 avec une contraction de 15,9 % du PIB à la clé, l’administration Jugnauth ne s’est pas départie de ses convictions et n’a pas eu la sagesse de se remettre en question. Ainsi, l’on a fait rouler à fond la planche à billets et la Banque de Maurice a accordé une contribution unique de Rs 60 milliards au Trésor public pour financer le Budget 2020-2021. C’était, à l’époque, une impérieuse nécessité car l’État n’avait pas les ressources adéquates pour financer ses projets économiques et sociaux, ainsi que pour honorer ses engagements vis-à-vis des bailleurs de fonds ou encore pour payer les salaires des fonctionnaires. Par contre, ce qui était déroutant, pour ne pas dire suicidaire, c’était cet entêtement du tandem Jugnauth-Padayachy à vouloir honorer coûte que coûte son programme quinquennal. Au lieu de s’engager dans la voie du pragmatisme économique au moyen d’une discipline de fer et de réformes courageuses pour assainir les finances publiques, l’ancien régime a choisi de nager à contre-courant en tablant sur une politique de relance par la consommation, plutôt que par la production et l’investissement.
C’était une stratégie kamikaze qui a néanmoins eu un certain succès. Car, reconnaissons-le, l’économie mauricienne a bel et bien connu une reprise. Pour l’année 2024, l’on a enregistré une croissance de 5,1 %. Cela se reflète dans le bilan des entreprises, le plus évocateur étant le cap des Rs 100 milliards de revenus franchi par le Groupe IBL pour l’exercice 2023-2024. Quant au chômage, il est calculé à 7 % pour l’année dernière.
Mais le revers de la médaille de cette politique économique, cela a été une dette publique enflée et un creusement du déficit budgétaire. Une performance que l’ancien régime a voulu cacher non seulement à la population, mais aussi aux institutions internationales comme Moody’s, le Fonds monétaire internationale et la Banque mondiale.
Le rapport sur le State of the Economy rendu public le 11 décembre a eu l’effet d’une bombe, confirmant ce que les observateurs aguerris redoutaient, à savoir que les indicateurs qu’on nous fait miroiter n’étaient qu’illusion. L’on retiendra deux indicateurs clés, à savoir la dette publique qui a été revue à 83,4 % du PIB à fin juin 2024 contre 77,6 % et le déficit budgétaire, qui tournera autour de 6,7 % du PIB (Rs 48,5 milliards) contre des estimations initiales de 3,4 % (Rs 26,8 milliards) pour l’exercice fiscal 2024-2025.
D’aucuns diront que le gouvernement a pris un risque démesuré en divulguant ces chiffres, sachant que cela nous placerait tout de go sous le radar de Moody’s. Mais le véritable piège, cela aurait été qu’on s’enferme dans ce mensonge institutionnel. En remettant les pendules à zéro, nos gouvernants ont, parallèlement, relevé le pari d’améliorer l’état des finances publiques. Cela passera inévitablement par des réformes pour (1) assainir la trésorerie publique et ramener la dette publique autour de 60 % à long terme ; (2) redresser les institutions parapubliques lourdement déficitaires comme le Central Electricity Board, la Central Water Authority et Metro Express Limited ; (3) et changer la trajectoire de croissance en créant un environnement des affaires propice à la productivité et à l’investissement.
Comme il fallait s’y attendre, et c’est de bonne guerre, Moody’s nous a servi un sérieux avertissement lors de sa dernière évaluation. Ainsi, l’agence de notation a maintenu la note souveraine du pays à Baa3, mais avec une perspective négative au lieu de stable. Concrètement, cela signifie que nous sommes à seulement un pas de perdre notre statut de pays investissable (Investment grade). Quoique attendue, cette nouvelle note de Moody’s est extrêmement préoccupante. Si le pays rétrograde d’un cran et bascule dans la catégorie Ba1, cela signifie que les obligations à long terme de l’État mauricien seront considérées comme étant de nature spéculative ou pourries (junk). Et qu’on serait potentiellement en situation de défaut de paiement. Ce serait un véritable choc sismique pour le système financier et bancaire. Aux yeux des investisseurs, notamment ceux utilisant le global business pour leurs investissements transfrontaliers, Maurice deviendrait moins attrayant. Cela pourrait amener certains investisseurs à quitter notre centre financier, avec un impact manifeste sur le secteur bancaire, car 55 % des dépôts dans les banques proviennent des activités offshore. Par ailleurs, une pression à la hausse serait exercée sur les taux d’intérêt car les acquéreurs d’obligations mauriciennes exigeront une prime de risque.
L’heure est désormais à l’action. L’État doit prendre au plus vite la voie de la discipline fiscale. D’ailleurs, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a exprimé le souhait de s’engager sur ce chemin. Dans ce contexte, il faudra faire diligence concernant l’adoption du Fiscal Responsibility Act. Moody’s s’attend à ce qu’on adopte un programme de consolidation fiscale et des réformes structurelles profondes. L’échec n’est pas permis. L’enjeu est trop grand.
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