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1968 - 2025
Construire un pont vers une Nation plus prospère et plus technologique
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1968 - 2025
Construire un pont vers une Nation plus prospère et plus technologique
12 mars 1968. Il est midi. Au Champ de Mars, le moment est solennel. Sir Seewoosagur Ramgoolam se tient à côté du gouverneur général, sir John Shaw Rennie. L’Union Jack est abaissé, alors que le quadricolore national est élevé tout en haut du mât. C’est le symbole que l’île Maurice n’est plus une colonie britannique et que désormais, elle allait prendre son destin en main.
À l’époque, la partie est loin d’être gagnée. Déjà, en 1961, le futur prix Nobel de l’économie, James Meade, publiait un article intitulé Mauritius: a case study in Malthusian economics dans l’Economic Journal, dans lequel il affirmait que le pays était voué au tiers-mondisme et que nous étions un cas d’école de ce qu’on appelle le piège malthusien ou le piège démographique. Avait-il tort ? Pas vraiment. Il faut savoir que James Meade s’était appuyé sur les statistiques officielles sur la période de 1954 à 1958. Premier constat : la croissance démographique était en moyenne de 3 % par an, alors que la croissance du PIB réel était de seulement 0,7 % sur cette période. Deuxième constat : Maurice était toujours une société de plantation dédiée à la monoculture de la canne à sucre. D’ailleurs, 99 % des recettes d’exportation provenaient de la vente du sucre et de ses sous-produits. Finalement, il n’y avait aucune indication que le pays allait s’industrialiser. Car seule une révolution industrielle pouvait permettre au pays de créer suffisamment de richesse pour contrer les effets délétères du piège malthusien.
La suite de l’histoire, on la connaît. Visionnaires, les décideurs politiques et économiques de l’époque vont travailler main dans la main pour développer l’industrie de substitution à l’importation, puis le secteur industriel avec l’avènement de la zone franche dans les années 70. Contre vents et marées, Maurice va systématiquement revoir son modèle économique lors des décennies à venir.
Dans les années 90, c’est la création de l’offshore. Les années 2000 sont marquées par la création de l’immobilier de luxe, la mise en orbite du secteur des Tic-BPO et le décollage de la grande distribution. La diversification et l’ouverture de l’économie sont demeurées des forces constantes dans notre histoire. Aujourd’hui, le secteur des services représente près de 75,1 % du PIB. Alors que la contribution du secteur primaire et secteur manufacturier sont de seulement 20,3 % et 4,3 % respectivement. En valeur nominale, le PIB est passé de Rs 1 milliard en 1958 à Rs 698 milliards en 2024.
Durant ces 57 dernières années, la lutte était perpétuelle. Constamment, nos intérêts économiques ont été menacés. Sur le marché de l’Union européenne, les filets de protection ont été enlevés par phases. On pense là à la fin du Protocole sucre et au démantèlement de l’accord multifibres dans les années 2000. Pour les opérateurs, la parade a toujours été leur capacité à se diversifier dans de nouvelles filières porteuses, à ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier. L’offshore a connu ses propres déboires avec les attaques de puissants lobbies indiens ayant mené à la révision du traité Inde-Maurice en 2016, les exigences de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour qu’on réforme notre cadre réglementaire et fiscal et, plus récemment, notre inclusion pendant une période de deux ans sur la liste noire de la Commission européenne.
Après chaque épreuve, l’on est sorti grandi et toujours un peu plus fort. Et dans ce monde en pleine effervescence, ce ne sont pas les challenges qui manqueront. Cette décennie est celle des grandes disruptions. Au sortir de la pandémie, l’on a eu droit à la guerre en Ukraine, dont l’une des conséquences a été le soutien appuyé des pays du Sud à la Russie, notamment du monde arabe. Ce qui a donné lieu à l’élargissement du Groupe des BRICS qui, aujourd’hui, englobe 10 pays dont le poids économique représente plus de 35 % du PIB mondial.
Nous basculons dans un monde multipolaire. L’Occident perd graduellement de son influence et l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche et la guerre commerciale qu’il est en train d’engager avec ses alliés traditionnels que sont l’Union européenne et le Canada, ainsi que sa proximité avec Vladimir Poutine envoient des signaux flous et dissonants. Ce qui semble intéresser Donald Trump, c’est avant tout le pouvoir économique et technologique, c’est son projet de rendre «America Great Again» et de garder une longueur d’avance sur sa concurrente, la Chine. Contrairement à Joe Biden, il semble déterminé à reléguer au second plan les stratégies militaires.
Par la force des choses, Maurice se retrouve au cœur de tout ce maelström. Le débat sur la rétrocession des Chagos à la République de Maurice tient en haleine les Américains comme les Britanniques. Pour l’heure, l’administration Trump a tout l’air d’être favorable à l’accord conclu entre le Royaume-Uni et Maurice. Le président américain semble rassuré et ne pas prêter foi aux théories complotistes selon lesquelles Maurice se laisserait manipuler en coulisse par les Chinois.
En attendant un dénouement favorable au deal des Chagos, Maurice doit s’adapter à ce monde en pleine transformation. Dans notre projet de construction d’une Nation océan, nous devons veiller à entretenir des relations saines avec nos partenaires économiques ayant un réel intérêt pour l’océan Indien. On pense surtout là à l’Inde, à la Chine, mais aussi aux Émirats arabes unis. Mais, dans ce processus, n’oublions pas que notre souveraineté est sacrée. En aucun cas, nous ne devons laisser la perception que nous sommes inféodés à aucune grande puissance comme c’est le cas pour les Maldives où le pouvoir politique est tantôt pro-Chine, tantôt pro-Inde.
Par ailleurs, il est essentiel de s’ouvrir aux idées nouvelles. Par exemple, l’intelligence artificielle générative occupe aujourd’hui une place prépondérante dans la vie économique. Tout comme par le passé, les décideurs économiques et politiques doivent être proactifs et poser les jalons pour bâtir ensemble une société plus technologique.
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