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Portrait

Benoît Espitalier-Noël, champion d’un autre temps…

6 juillet 2025, 20:42

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Benoît Espitalier-Noël, champion d’un autre temps…

Un des doyens du monde hippique, Benoît Espitalier-Noël a eu une imposante carrière d’entraîneur.

À l’heure où la Gambling Regulatory Authority vient d’officialiser une liste partielle des entraîneurs qui seront en action en vue de la saison 2025, nous sommes partis à la rencontre de l’ancien entraîneur Benoît Espitalier-Noël. Aujourd’hui à la retraite, il est, à 86 ans, avec Rameshwar Gujadhur et à un degré moindre, Ramapatee Gujadhur – qui a fêté ses 80 printemps récemment – parmi les doyens du monde hippique.

Ces entraîneurs d’une autre époque ont vécu, quelque part, les années glorieuses du Mauritius Turf Club (MTC), et force est de constater qu’ils ont marqué de leurs empreintes, chacun à leur façon, l’histoire de nos courses. Malgré le poids de l’âge, notre interlocuteur, qui a été un sportif accompli (voir hors-texte), est toujours en pleine forme.

Après avoir parcouru pratiquement 2 km à pieds de son domicile dans la grisaille de Floréal, il nous rejoint pile à l’heure, à notre lieu de rendezvous. Autour d’une bonne tasse de café et d’un croissant chaud, il nous raconte avec passion – et une certaine malice – les histoires du passé, les anecdotes et les péripéties de son parcours au Champ-de-Mars.

Pour la jeune génération, son nom n’évoque probablement pas grand-chose, mais les plus anciens qui ont été marqués par les exploits des grands chevaux de l’époque tels que Holdall, High Hearted, Armed Guard, Potential ou encore Day To Remember ne l’ont certainement pas oublié et lui vouent encore un immense respect.

D’emblée, il faut dire que sa carrière d’entraîneur fut aussi sommaire que remplie. Il effectua ses premières armes chez l’écurie Paul Maingard en 1978. Le succès fut immédiat : après avoir remporté la Barbé Cup avec l’alezan Armed Guard, il se distingua dans le Maiden avec High Hearted, grâce à une monte mémorable de son neveu Jason Espitalier-Noël. Il nous raconte cette course comme si elle s’était déroulée la veille.

«Le Champ-de-Mars était plein à craquer, à tel point que des turfistes s’étaient massés à l’intérieur de la piste, le long des barrières extérieures, en descente ! La course ne se déroula pas comme prévu car contrairement aux instructions que je lui avais données, Jason prit l’initiative d’attaquer au 1400m. Quand il déclencha prématurément son ‘move’, j’étais dans tous mes états, et le défunt Gilbert Rousset, qui était alors mon assistant et qui regardait la course à mes côtés, essayait tant bien que mal de me calmer… Au final, cela s’avéra être une attaque décisive car High Hearted remporta la course haut la main et je ne pus que féliciter Jason pour cette monte pleine d’audace.»

Holdall un monstre

Après la fermeture de l’écurie Paul Maingard, Benoît Espitalier-Noël décida de se mettre à son propre compte l’année suivante. Comme Jason Espitalier-Noël avait décidé de mettre un terme à sa carrière suite à un problème de poids récurrent, (Ndlr : il succomba éventuellement dans un dramatique accident d’avion au large de l’île d’Ambre en 1983), le jeune entraîneur se tourna vers l’Australie pour dénicher les services de l’excellent Johny Wilson.

embed ok.jpg 🟥 Document exceptionnel pris après le sacre de l’écurie Benoit Espitalier-Noël en 1980. On y retrouve sur la photo aux côtés de Benoit Noël et son jockey Johnny Wilson, des figures emblématiques du turf telles que Gilbert Rousset, Philippe Henry, Gilbert Merven, Jean Hardy et Paul France Tenant.

Ensemble, ils enchaînèrent des succès prestigieux au cours des deux prochaines saisons : tout d’abord Day To Remember marqua les esprits en surclassant le grand Azul de Roger Koenig, qui était durant ce temps-là un des meilleurs pur-sang de l’île. Il signa ensuite un doublé improbable dans le Maiden et la Coupe d’Or avec un certain Holdall. Il se redresse sur son siège et son regard s’illumine dès qu’il se met à parler de ce grand crack de l’époque.

«C’était un véritable monstre… de loin le meilleur cheval que j’ai eu l’occasion d’entraîner… Non ! Je dirais plutôt que c’est lui qui m’a entraîné… (rires). C’est un des rares chevaux dans l’histoire du turf à avoir gagné aussi bien sur un tour (1325m) que sur deux tours (2400m). Johnny Wilson était un excellent cavalier, mais un très mauvais juge. Initialement, il ne pensait pas que Holdall avait le stamina nécessaire pour tenir les deux tours. Personnellement, j’en étais convaincu et graduellement, je l’ai entraîné pour monter sur la distance. Sa victoire dans le Maiden en 1980 restera comme un de mes plus grands souvenirs. Wilson pouvait à peine contrôler Holdall sur la partie et le cheval finit par partir à environ 800m de l’arrivée. Il s’imposa haut la main…»

À la faveur des succès classiques récoltés au cours de la saison (Ndlr : 1980), l’écurie Benoît Espitalier-Noël fut couronnée championne. «Ce sont des souvenirs impérissables. Je dois dire qu’à l’époque il y avait de grandes figures du monde hippique qui étaient associées à mon écurie à l’image de Gilbert Rousset, Philippe Henry, Jean Hardy, Gilbert Merven, Patrick Merven, Paul France Tenant et tant d’autres…» nous confie-t-il.

L’euphorie fut toutefois de courte durée. Selon ses dires, sa fulgurante ascension semblait déranger certaines personnes dans le giron et quelque temps plus tard, suite à quelques soucis, il fut contraint de rendre son tablier.

Après avoir pris ses distances du Champ-de-Mars pendant plusieurs années, il est revenu dans le giron vers 2010 et il a collaboré pendant quelques années en tant qu’assistantentraîneur au sein de plusieurs établissements dont les écuries Maingard, Ramdour, Gujadhur et Narang avant de prendre définitivement sa retraite.

Même s’il ne vient plus au Champ-de-Mars, le vieux briscard suit toujours assidûment les courses. À cet effet, il nous a confié qu’il a eu beaucoup de mal à digérer la parenthèse People’s Turf et qu’il se réjouit pleinement du retour de l’organisateur traditionnel, le MTC. «J’ai suivi les courses de la PTP plus par habitude que par passion. Et comme beaucoup de monde, j’attends avec impatience le retour du MTC», affirme-t-il.

Compte tenu de sa grande expérience, nous l’avons invité à commenter l’évolution du métier d’entraîneur au fil des années. «Chacun a ses propres méthodes, mais je suis convaincu qu’il n’y a pas deux entraîneurs qui entraînent de la même façon. Chaque cheval est un athlète différent, donc le programme d’entraînement doit être adapté en conséquence. Personnellement, je pense que le meilleur entraîneur est celui qui entraîne au jour le jour, au feeling, en fonction des besoins du cheval», avance-t-il sur un ton catégorique.

Pour conclure, Benoît Espitalier-Noël nous a confié qu’il travaille actuellement de concer t avec son cousin et ami André Koenig sur la réalisation d’un document retraçant l’histoire et l’évolution des courses à Maurice.

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Le sport dans la peau

Même si le grand public le connaît principalement pour sa fructueuse carrière au Champ-de-Mars à la fin des années 70, il est important de souligner que Benoît Espitalier-Noël a également brillé au-delà du sport hippique.

Doté d’une morphologie taillée sur mesure et d’une condition physique hors pair, il a pratiqué plusieurs sports au niveau national. Après avoir remporté quelques tournois de tennis durant sa jeunesse, il a brillamment défendu les couleurs du Dodo Club dans le championnat de football et il a même eu l’honneur de porter le maillot de la sélection nationale.

Parallèlement, il a excellé au squash. Il a été, à juste titre, sacré plusieurs fois champion de Maurice dans cette discipline. Comme si cela ne suffisait pas, il a été également un excellent joueur de hockey sur gazon.

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