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Barbaries

25 octobre 2023, 08:33

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Barbaries

Le sursaut collectif pour condamner les événements de la Citadelle se révèle salutaire. Une fois le choc initial passé, la société civile, les artistes, les politiciens du pouvoir comme de l’opposition ne cessent de crier leur colère, révolte et tristesse. La police, après avoir failli à sa tâche, n’a pas tardé à se ressaisir, surtout après la sortie en règle du Premier ministre et du ministre des Finances, qui ont compris l’urgence de tuer dans l’œuf cette effervescence radicale qui tend à monter en puissance depuis le conflit israélo-palestinien.

Les parallèles entre les actes de violence au «Gran Konser» samedi dernier à Port-Louis et les actes terroristes du samedi 7 octobre, revendiqués par le Hamas, dans le kibboutz de Réïm, dans le sud d’Israël, ont tétanisé les esprits de ceux présents à la Citadelle, qui pensaient revivre les mêmes scènes d’horreur. Les propos proférés et les slogans brandis par les fauteurs de troubles, dont certains étaient encagoulés, faisaient partie d’un plan pour précisément semer la terreur alors que la musique, qui nourrit l’âme, jouait.

Les fauteurs de troubles «Made in Mauritius» sont bien connus de la police. Certains avaient même pris le chemin de la Syrie pour tenter de rejoindre les forces armées pour mener le Jihad. Certains y ont laissé la vie. Les autorités mauriciennes ont toujours choisi de pousser le dossier sous le tapis. Les extrémistes locaux sont peu nombreux mais demeurent actifs dans l’ombre, une fois la nuit tombée sur la capitale. Ils avaient déjà annoncé la couleur auparavant pour gâcher la fête du Collectif Arc-en-Ciel. Leur méthode d’intimidation ne fonctionne pas toujours, surtout au grand jour, mais quand des durs à cuire, comme Rama Valayden, choisissent de se plier devant leurs menaces, quitte à s’éloigner de la cause palestinienne, ces fanatiques encagoulés, qui se prennent pour les successeurs des escadrons de la mort de sinistre mémoire, ou pour les redresseurs de torts israéliens... Quand ils entrent en scène, tous les amalgames sont permis. D’où le danger. Les politiciens ne doivent pas les tolérer en leur sein, s’ils ne veulent pas voir couler le sang.


L’horreur a-t-elle atteint ses limites ? Des journalistes couvrant le conflit israélo-palestinien ont été invités par les dirigeants israéliens à visionner des images de la tuerie du 7 octobre, filmées par les go-pro des terroristes. Beaucoup de nos confrères n’ont pas pu rester jusqu’au bout du «film» de 44 minutes tellement le sang giclait de partout. Un des tueurs a posté un message pour ses parents : «Papa, maman, soyez fiers. J’ai les mains pleines de sang. Je viens de tuer de mes propres mains 10 Juifs. 10 Juifs, c’est moi qui les ai tués !»

De l’autre côté de la frontière, des Palestiniens demandent à la presse étrangère de venir compter les cadavres, par milliers, des enfants, ensevelis sous les débris en béton. Les enfants, morts, aux corps démembrés, ont un étrange sourire sur les lèvres, qu’on ne peut pas expliquer. Certains l’attribuent au passage de vie à trépas, vécu comme une délivrance. Ici aussi les journalistes ne peuvent pas tout assimiler. En Israël comme en Palestine, l’horreur a pris ses quartiers, de plus en plus nombreux.


Depuis les deux guerres mondiales, la fin du nazisme, le 11 septembre 2001, le Bataclan en 2015, avons-nous vu autant de violence sur nos écrans ? Quel est notre seuil de tolérance à ces images ?

Steven Pinker, psychologue qui se penche sur la violence extrémiste, dit que celle-ci a… diminué au fil du temps. Il argumente que, bien que les conflits mondiaux et les génocides aient marqué l’histoire humaine, le monde est devenu plus pacifique et moins violent au fil des siècles. Dans les années 1950, les guerres provoquaient la mort de 65 000 personnes chaque année, bien loin des 2 000 par an des années 2000. Depuis la fin de la guerre froide, il y a eu globalement moins de guerres civiles, moins de génocides. «Le taux mondial de morts au combat a bondi depuis son minimum de 2005, principalement à cause de la guerre civile syrienne. Mais si la récente augmentation des guerres civiles et des morts au combat est préoccupante, il faut la mettre en perspective. Les chiffres des violences sont bien en deçà de ceux des années 1990 et n’ont absolument rien de comparable avec ceux des années 1940, 1950, 1960, 1970 ou 1980», résume Pinker.

Les avancées sociales, politiques et technologiques ont contribué à réduire la violence et à améliorer le bienêtre général. Bien évidemment, cela ne veut pas dire que la violence a disparu, ni que le monde s’approche de la perfection. Des conflits armés, des actes terroristes et des violences criminelles continuent de se produire, et certains endroits du monde sont plus touchés que d’autres. Mais en prenant du recul et en regardant les tendances à long terme, il est manifeste que nous vivons dans une période relativement paisible de l’histoire humaine.

L’idée générale que la violence a diminué au fil du temps reste un point de vue intéressant et optimiste sur le monde d’aujourd’hui. Raison de plus pour maintenir la vigilance citoyenne et freiner ceux qui veulent régner par la peur et par l’émotion, au détriment de la raison et des droits humains et démocratiques.