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Exposition
Audrey Albert : «Les Chagos ne sont pas une commodité»
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Audrey Albert : «Les Chagos ne sont pas une commodité»

Leanna and Shannah; Chagossian heritage on the de-privatised and free Pomponette beach in Bel Air, Mauritius.»
Alors que les Chagos font l’objet de nombreux débats, l’artiste Audrey Albert propose une exposition intitulée «Belongers» à Cardiff, au pays de Galles. Présentée à la Ffotogallery, l’exposition ouvrira ses portes au public du 7 février au 10 mai.
Un regard artistique sur l’identité chagossienne
Originaire de Maurice et d’ascendance chagossienne, Audrey Albert ancre son travail artistique dans l’histoire et la culture de cette communauté. «Mes grands-parents sont originaires de Diego Garcia. Il est donc essentiel pour moi de comprendre mon identité et de raconter leur histoire ainsi que celle des personnes que j’ai croisées», confie-t-elle.
Fruit de plus de sept ans de recherche, Belongers trouve son origine dans les études de l’artiste à la Manchester Metropolitan University en 2017. «Ce projet a débuté avec une exposition itinérante internationale à laquelle j’ai participé. Progressivement, il s’est transformé en une initiative communautaire avec Chagosians of Manchester, un espace où j’organise des ateliers intergénérationnels, en utilisant la photographie pour raconter notre histoire. C’est aussi un lieu de partage, où nous parlons créole et évoquons nos souvenirs», explique-t-elle.
Un projet soutenu par la communauté
Comme nombre d’artistes, Audrey Albert doit faire face à des défis financiers pour concrétiser ses projets. Malgré ces contraintes, elle a collaboré en 2022 et 2023 avec le collectif Imiloa à Maurice sur Ble Kouler Lakaz, une initiative centrée sur la communauté chagossienne, incluant ateliers et expositions à Lakaz Flanbwayan et au Caudan Arts Centre. «Depuis que j’explore mon héritage culturel et l’histoire de mes grandsparents, de nombreuses opportunités se sont ouvertes. Beaucoup de personnes sont venues à moi», affirme-t-elle.
C’est ainsi que l’exposition Belongers a vu le jour. «Une directrice de galerie m’a contactée via les réseaux sociaux. Elle avait obtenu le soutien financier de l’Imperial War Museum et souhaitait travailler avec la communauté chagossienne. Elle m’a proposé de porter ce projet sur deux ans, une opportunité qui m’a profondément touchée. C’est un honneur et un rêve devenu réalité», partage l’artiste.
Durant cette période, Audrey Albert a accédé aux archives de l’Imperial War Museum et rencontré de nombreux membres de la communauté pour enrichir son travail. Belongers présente ainsi une diversité d’œuvres : portraits de Chagossiens, créations en cyanotype (Sun Printing), clichés de la flore chagossienne et de ses remèdes tradi- tionnels, films, archives revisitées et recons- titution immersive d’une case chagossienne. «Nous avons voulu faire appel aux sens, permettre aux visiteurs de voir et ressentir ce qu’était une case chagossienne», précise l’artiste.
Pour cette exposition, elle a aussi invité plusieurs artistes chagossiens partisans de la cause et une anthropologue à présenter leurs travaux. Parmi eux, Chrisyl Wong-HangSun, Shane Ah-Siong, Ellianne Baptiste et Charlie Bird. «J’ai co-créé avec de jeunes artistes chagossiens et il était naturel de les inclure dans cette exposition», souligne-t-elle.
Un cri du cœur pour la reconnaissance des Chagos
L’approche d’Audrey Albert repose sur une représentation authentique des Chagossiens. «J’ai laissé les participants choisir comment ils souhaitaient être photographiés: le lieu, la tenue, la posture. Mon but est d’offrir une visibilité à notre communauté et à notre culture, car beaucoup ignorent encore qui nous sommes et notre histoire.»
En travaillant sur les archives de l’Imperial War Museum, l’artiste a été frappée par une dénomination récurrente : «héritage de guerre». «Mais ce n’est pas un héritage de guerre ! Dans les discussions diplomatiques autour des Chagos, on oublie souvent qu’il s’agit avant tout d’un peuple, d’un vécu. Il est essentiel de raconter notre histoire. Notre passé est certes marqué par des douleurs et des trau- matismes, mais être Chagossien, c’est aussi une immense fierté. Nous sommes bien plus que notre souffrance.»
Cette exposition s’inscrit dans un contexte où la question de la souveraineté des Chagos est plus que jamais d’actualité. «Je ressens une grande confusion et beaucoup de questions sur la situation. Je ne connais pas la solution, mais je me demande si ce n’est pas l’occasion de repenser les choses en dehors des cadres politiques habituels. Ce qui me révolte, c’est la manière dont les gouvernements traitent les Chagos comme une simple monnaie d’échange. Sagos, pa enn prodwi-sa, se pei boukou dimounn. Nous devons rester unis et ne pas nous laisser instrumentaliser.»
Pour Audrey Albert, il est difficile d’exprimer tout ce que cette situation provoque en elle. Belongers est ainsi un cri du cœur, un rappel que les Chagos appartiennent d’abord à leur peuple et que chaque membre de cette communauté a son mot à dire. «Avant le pouvoir et l’argent, il y a l’humain.»
Moringa, Chagos Refugee Group Garden, Pointe aux Sables, Mauritius.»
Wiliam; green magician, protector of mama later (mother earth) in the Chagos Refugee Group’s garden in Pointe aux Sables, Mauritius.»
Audrey Albert en bref
Installée à Manchester depuis dix ans, Audrey Albert, 34 ans, est une artiste engagée qui milite à travers son art. Photographe avant tout, elle explore également d’autres formes d’expression et anime des ateliers créatifs auprès de publics marginalisés : personnes touchées par la migration et le déplacement forcé, jeunes neurodivergents ou encore artistes en situation de handicap. Parallèlement, elle travaille en freelance, notamment pour l’université où elle a étudié la photographie et pour un collectif œuvrant en faveur d’espaces artistiques plus inclusifs, antiracistes et ouverts à l’international.
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