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Vijay Naraidoo : «C’est malheureux qu’il y ait un nombre grandissant de plaintes émanant de personnes âgées»

3 mai 2024, 22:00

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Vijay Naraidoo : «C’est malheureux qu’il y ait un nombre grandissant de plaintes émanant de personnes âgées»

Vijay Naraidoo, coordinateur de la Commission des droits des personnes agées, Dis-Moi.

L’association Droits Humains Océan Indien (Dis-Moi) a lancé, depuis le samedi le 27 avril, une campagne intitulée «Ageing with rights». Vijay Naraidoo, coordinateur de la Commission des droits des personnes âgées, nous en parle.

Parlez-nous de la campagne «Ageing with rights».

Dis-Moi s’est donnée pour mission de sensibiliser la population aux droits humains, qui sont indivisibles et qui, de ce fait, s’appliquent à toutes les tranches d’âge. J’ajoute que notre vision est celle d’une région, le Sud-ouest de l’océan Indien, où une culture des droits humains serait bien enracinée. Cette campagne est menée par la Commission des droits des personnes agées dont je suis le coordinateur au sein de Dis-Moi. Nous étions conscients, bien avant la création de Dis-Moi en 2011, du vieillissement de la population au niveau mondial. Notre pays n’y échappe pas. Le phénomène de vieillissement de la population pose un certain nombre de problématiques: la place même des personnes âgées au sein de la famille, de la société, comment elles sont traitées par leurs proches, par les membres du public, par les prestataires de services tant publics que privés, bref dans la vie quotidienne. Souvent l’âge rend vulnérable une personne âgée physiquement et cela a un impact sur son psyché. Il y a ce qu’on appelle une attitude négative, voire de l’âgisme. Dire à une personne âgée «ou ankor krent sa laz la» relève de l’âgisme. Comme si la personne avait tort d’être en parfaite santé à un âge avancé. Dis-Moi est membre de la Global Alliance for the Rights of Older Persons (GAROP) et nous nous classons dans la mouvance de tirer la sonnette d’alarme sur le sort des personnes âgées dont les droits ne changent pas avec l’âge. Cette campagne a pour ambition de galvaniser l’opinion publique à Maurice et dans les îles de l’océan Indien où nous avons développé des liens forts avec d’autres entités Dis-Moi, qui sont bien ancrées alors que d’autres sont en gestation. Il faut changer de mentalité.

Comment allez-vous sensibiliser le public aux problèmes liés au vieillissement et aux droits des personnes âgées ?

Nous avons une audience plurielle : les jeunes des collèges, ceux en apprentissage et ceux qui sont à l’université. Ensuite, nous avons les jeunes adultes qui travaillent, hommes et femmes, et les personnes âgées. Nous allons dans leur milieu, soit les écoles secondaires, les universités, au sein de leur syndicat et des associations des personnes âgées. Nous répondons aux appels qui nous sont faits en parallèle. En principe, nous expliquons le motif de notre campagne, pourquoi et comment une personne âgée doit vivre dans le respect de ses droits garantis par la Constitution, tout en gardant en tête l’esprit de la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Charte africaine des droits de l’homme de l’Union africaine dont Maurice est membre, bien évidemment. Avec la mise en place des clubs Dis-Moi dans les collèges et institutions universitaires, il y a une animation qui est assurée par la Commission Jeunes de Dis-Moi. Pour ceux qui ne sont plus au collège, nous avons prévu des cours de formation en ligne, consolidés ensuite par les mêmes cours mais à un niveau avancé et en présentiel. Nous avons huit modules dont l’un porte sur les droits des personnes âgées. Nous privilégions le contact direct avec les personnes âgées dans leur milieu, que ce soit à Maurice et à Rodrigues. Nous avons une équipe d’animateurs, des travailleurs engagés dans le social, des pédagogues, des femmes et des hommes dans le domaine légal, des personnes ressources quand le besoin se fait sentir. Dans chacune de nos interventions, le message est le même : une personne âgée doit pouvoir vivre dans le respect de ses droits.

En cour, on voit tous les jours des procès où des personnes âgées accusent leurs proches de violence domestique. Quelles sont les mesures concrètes proposées dans cette campagne pour garantir le respect des droits des personnes âgées dans différents aspects de leur vie ?

Il est malheureux de constater un nombre grandissant de plaintes, de dénonciations et de cris d’alarme émanant de personnes âgées. Il semble qu’il y ait un lien commun entre les différents cas d’abus allégués : l’abus et la maltraitance perpétrés par leurs proches, souvent par nul autre que leur fils, qui arrache leur carte de pension de vieillesse, leur faisant du chantage émotionnel et étant violent envers elles. Notre campagne de sensibilisation comprend, outre les causeries et autres cours de formation, des interventions dans les médias et sur les réseaux sociaux, d’une manière systématique ; la production de vidéo clips comme l’ont fait nos amis de Rodrigues et dont les vidéos ont été distribuées à l’international et mises en ligne par la GAROP l’année dernière ; la production des pamphlets pour être distribués à ceux qui ne peuvent s’approprier l’outil informatique et une tournée en autobus afin de mettre en pratique ce que nous prêchons ou walk the talk, comme on dit. J’ajoute que nous faisons un sondage à Maurice et à Rodrigues pour mesurer à quel point les personnes âgées sont victimes de l’âgisme. Et cet exercice figurera aussi au calendrier des activités des autres îles. Il est évident que Dis-Moi mènera campagne en tant que stakeholder, partenaire des autorités dont la National Human Rights Commission et le National Mechanism for Reporting and Follow Up. Dans tous nos discours, nous allons relever l’importance de la Protection of Elderly Act et la Elderly Watch Unit, inspirée de la même législation. Cette instance doit prouver sa capacité à protéger les personnes âgées sujettes à de la maltraitance et à d’autres abus. J’ai mentionné la formation des jeunes non seulement par rapport à leurs droits personnels mais aussi par rapport à leurs responsabilités de contribuer au bonheur des aînés parce que nous appelons de tout notre cœur le dialogue intergénérationnel.

Quels droits spécifiques des personnes âgées que cette campagne vise à promouvoir et à protéger ?

Les droits des personnes âgées ne changent pas avec l’âge. Elles ont les mêmes droits que les autres, à savoir le droit à la vie, à l’expression, à la nourriture, à porter des habits, à avoir un toit sur leur tête. Elles ont besoin de sécurité, de pouvoir exercer leur autonomie et leur indépendance, de faire leurs choix. Elles doivent pouvoir sortir, voir des amis, travailler, retourner à l’école/l’université, aspirer à assumer des responsabilités. On ne fait pas la charité aux personnes âgées. Elles sont propriétaires de leurs droits, owners of their rights. Dis-Moi a, et ceci depuis une dizaine d’années, un locus standi pour cela, d’où notre crédibilité et légitimité à intervenir au nom des personnes âgées. C’est ainsi que nous avons entamé notre campagne. Celle-ci comprend un volet éminemment important et historique : nous demandons au gouvernement de réitérer la position de Maurice en faveur d’une Convention des droits des personnes âgées aux Nations Unies lors des travaux de la 14e session de l’Open-Ended Working Group on Ageing, qui se tiendra du 20 au 24 mai, et deuxièmement de ratifier et de domestiquer le Protocole des droits des Personnes Agées, inspiré par la Charte Africaine des Droits de l’Homme. Maurice a signé ce protocole en mai 2021. Comprendre l’importance d’une convention et d’un protocole c’est mettre en place des garde-fous pour une protection et un respect profond des droits des personnes âgées. Il y va de leur dignité.