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Sans toit ni loi

23 avril 2024, 09:24

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La maison qui s’est effondrée à Tranquebar n’est pas l’arbre qui cache la forêt. Cette métaphore nous conseille de ne pas se focaliser uniquement sur une maison mais sur toutes les zones inondables et à risques du pays.

À une PNQ de Xavier-Luc Duval, le 16 juin 2022, le ministre des Infrastructures nationales avait refusé de jouer la carte de la transparence par rapport à la nécessité et l’urgence de rendre public le Land Drainage Master Plan, un rapport détaillé d’experts australiens sur les zones inondables de Maurice. Depuis tout ce temps, le rapport, pourtant essentiel, reste au fond d’un tiroir cadenassé.

Pourquoi ?

Les récentes inondations pourraient bien provoquer une crise sur le marché immobilier… Qui va, en effet, acheter un terrain ou construire une propriété s’il ou elle ne peut pas savoir, en amont, si le terrain est, oui ou non, situé dans une zone inondable ?

Chez nous, contrairement à ailleurs, on n’a pas eu l’habitude d’évaluer un terrain par rapport au code-couleurs ou aux risques d’inondations. Si la démarche d’inclure ces risques qui sont accentués par le changement climatique est bonne, en revanche, il faudrait jouer la carte de la transparence totale, d’autant plus que la question des terres et de la propriété individuelle reste sensible quand ce n’est pas épidermique.

Ce n’est pas acceptable que le Mauricien lambda qui achète son terrain après des années de sacrifices soit privé d’un état des risques naturels comme aux États-Unis. Là-bas, si vous voulez prendre le risque d’acheter en zone inondable, vous pouvez opter pour une zone bleue, où le risque de sinistre y est moindre qu’en zone rouge. Il vous faudra alors souscrire une assurance habitation couvrant tous les risques, mais le prix du terrain sera plus abordable. La transaction est faite en toute connaissance de cause car le vendeur doit obligatoirement vous fournir une liste des risques naturels que le bien pourrait subir. De plus, il doit aussi vous donner par écrit un historique des sinistres passés qui ont donné lieu à une indemnité pour catastrophes naturelles. Le plan des zones inondables est aussi disponible en ligne.

En France aussi, le nombre de biens situés en zone inondable s’avère plus élevé qu’on pourrait l’imaginer. Presque 10 % des biens immobiliers en France sont concernés par ce type de risque. Certains biens en zone inondable sont d’ailleurs très attractifs. L’immobilier devient alors un exercice d’équilibriste entre l’attractivité d’un bien et le niveau de risque qu’il comporte.

À Maurice, quelques autorités ont donné des permis de construire à quasiment tout le monde, sans un vrai travail de vérification. Les dessous-de-table suffisent largement dans plusieurs cas. Et aujourd’hui, on a peur de jouer la carte de la transparence !

La question des terres risque de prendre de l’ampleur si on laisse la Land Drainage Authority et ses nominés politiques patauger dans l’opacité, propice à la corruption. Il s’agit de l’argent public et du droit à la propriété.

En 2017, la Land Drainage Authority nous avait été décrite comme un événement «upcoming». Rs 1,3 milliard de travaux de drains étaient alors triomphalement annoncés pour les trois ans à venir. En 2018, l’on annonce l’acquisition d’un «high resolution and aerial 3D imagery Digital Elevation Model» pour développer avec des images satellitaires la carte des zones inondables. L’objectif étant de préparer un «fullfledged Land Drainage Master Plan».

Le discours du Budget 2019-20 évoque ensuite 40 «high risk flood prone zones» et «earmark» Rs 650 millions de plus. En 2020, la facture pour les drains s’élève à Rs 1,2 milliard. Et en 2021, le gouvernement annonce… Rs 11,7 milliards de plus pour les trois ans à venir.