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C’est foutu ?

10 décembre 2023, 09:25

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C’est foutu ?

Le Financial Crimes Commission (FCC) Bill, comme le Prosecution Commission Bill de 2016, se présente au Parlement à la veille de la période festive qui, inévitablement, détourne les regards et atténue les élans de conscience. Coïncidence ? Pas sûr du tout ! Comme ne l’est pas, non plus, au vu de la controverse, la considération minimale accordée au public, à la société civile et à tous les concernés de premier rang, d’avoir le temps de lire le projet de loi, de consulter autour d’eux, de réfléchir et de bien soupeser si cette loi est effectivement un progrès pour le pays. Ou, au contraire, si nous sommes face à une tentative additionnelle de nos dirigeants d’ajouter des leviers afin de mieux tourmenter tous ceux qui les gênent et les interpellent et qui représentent donc des menaces…

A priori, le FCC Bill représenterait une tentative de mieux combattre la fraude, la corruption et le blanchiment d’argent. En regroupant le champ d’action de l’ICAC, de l’IRSA et de l’ARID ; la FCC, nous explique-t-on, deviendra plus efficace puisque moins écartelée sur des institutions qui ne chassent pas toujours de manière cohérente. Ça se tient pour la théorie.

Par contre, en pratique, on se propose de créer une «Apex Agency» avec des pouvoirs décuplés, qui sera dirigée non pas par quelqu’un d’indépendant choisi collégialement, mais par un nominé politique sélectionné… par le seul Premier ministre (PM). Cette agence, beaucoup plus musclée que l’ICAC actuelle, puisqu’elle pourra désormais «… detect, investigate and prosecute financial crimes such as corruption offences, money laundering offences, fraud offences, the financing of drug dealing offences and any other ancillary offence connected thereto» (c’est nous qui soulignons…) sera directement redevable au PM et ne sera donc pas, a priori, une institution souveraine et autonome, mais bien un autre bras agissant de l’exécutif ! C’est foutu ?

Le Premier ministre, se voulant rassurant, déclare que «si ou pann fer nanyé mové, ou péna pou per», ajoutant, innocemment «kouma mwa». Il souligne aussi la réactivation d’un «Operations Review Committee», comme garant de ce que fera la FCC, sans préciser qui en fera partie. Cependant, la clé de la confiance ne réside pas seulement dans ces «garanties», mais aussi et surtout dans la bonne foi et la crédibilité de ceux qui proposent ces lois et qui vont pouvoir les utiliser !

À ce titre, et bien au-delà des débats absolument nécessaires sur la constitutionalité ou non de la loi et le pouvoir du nouveau (ancien ?) commissaire d’enquêter, de poursuivre, de faire arrêter ou même de confisquer les biens de citoyens visés ; réside, crucialement, cette question de bonne foi exercée dans l’application de la loi. Les précédents, comme pour le Prosecution Commission Bill, les arrestations arbitraires d’adversaires, les regards détournés pour les protégés du pouvoir en infraction, les charges provisoires instrumentalisées, la loi spéciale pour faire évacuer le pilote Hofman d’Air Mauritius, le dévergondage du Parlement pour ne citer que ces seules situations, n’augurent, de prime abord, rien de bon.

Et, en passant, si le FCC Bill est urgent, le Police and Criminal Evidence (PACE) Bill ne l’était-il pas ? Pourquoi choisir une loi qui consolide la répression plutôt qu’une autre qui réduirait l’arbitraire et renforcerait les libertés ? Le gouvernement ne voit-il pas comment il pourrit son image, en confirmant ses pires instincts ?

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La nouvelle publiée par le Daily Telegraph de Londres à l’effet que le gouvernement britannique s’apprêtait à faire machine arrière sur les discussions entamées avec Maurice sur la souveraineté de notre pays sur les Chagos a jeté la consternation, même si elle n’a pas été confirmée à l’officiel.

Et pour cause ! Car l’argument principal des néo-cons du parti conservateur est que Maurice est sous influence… chinoise, ce qui rendrait, prétendon, possible une base de Xi à proximité de Diego Garcia, même si nous accordions un bail à longue durée sur Diego Garcia aux Américains.

Cette idée est évidemment ridicule, d’abord parce que notre ‘sugar daddy’ attitré depuis des années, c’est l’Inde et pas la Chine. L’Inde s’est d’ailleurs blottie confortablement à Agaléga et, ayant plus d’une fois démontré, à notre grande honte, son ascendance sur notre souveraineté nationale (le responsable de la sécurité nationale, depuis 1983, est toujours un citoyen indien !), elle aura clairement son mot à dire sur toute présence militaire chinoise sur notre territoire, a fortiori aux Chagos. Or l’Inde, qui est membre du QUAD, connaît des relations tendues avec la Chine et ne sera sûrement pas accommodante, d’autant plus après avoir été invitée à quitter les Maldives après les récentes élections, ce qui ne fait guère ses affaires dans ‘son’ océan…

Cette idée est farfelue aussi parce qu’il y a un prix douloureux à payer pour les grandes démocraties qui ne respectent pas l’ordre mondial qu’ils ont eux-mêmes mis en place et demandé aux autres de suivre après la guerre de 1939-45. La Grande- Bretagne a été mise à l’index par la Cour internationale de justice en février 2019, par un vote de 13 juges contre 1 (l’Américain …), invitant la Grande-Bretagne à compléter la décolonisation de Maurice au plus vite. À la suite de quoi, en mai 2019, par un vote de 116 contre 6 (Hongrie, Israël, G.B, USA, Maldives et Australie), l’Assemblée générale des Nations unies demandait aux Britanniques d’évacuer son administration coloniale des Chagos, lui donnant six mois pour le faire.

Le fait que l’on discute toujours du retrait de Londres plus de quatre ans après, «is bad enough», mais le vrai risque multilatéral c’est que le non-respect de la loi internationale engendre des précédents qui sont dangereux et déstabilisateurs.

Comment, en effet alors condamner la Russie, qui veut au moins réviser la souveraineté nationale de l’Ukraine en l’envahissant ? Qui va écouter la Grande-Bretagne ou son parrain américain quand ils tenteront d’imposer la paix (et des frontières !) entre Israéliens et Palestiniens, après Gaza ? Pourquoi le Venezuela serait-il condamné pour revoir la frontière qui le sépare de la République Coopérative du Guyana, à l’Est, en prétendant reprendre 2/3 du territoire de ce dernier, pourtant déjà finalisé en 1899 (*). Que pourront dire les grandes démocraties si, comme cela paraît probable, l’Éthiopie envahit l’Érythrée pour retrouver les accès à la mer Rouge qu’elle aura perdu après les guerres d’indépendance de 1991 et l’indépendance de jure de 1993 ? Etc…

La planète est, il est vrai, dans une phase plutôt mal foutue. Même les États-Unis pourraient, grâce au culte envoûtant de Donald Trump, basculer dans un ‘nouvel ordre mondial’ peuplé d’hommes ‘forts’ ne tolérant aucune dissidence. On y trouvera, pêlemêle, Poutine, Xi, Bin Salman Al Saud, les ayatollahs d’Iran, Al Sisi, Modi, Abiy Ahmed et maintenant Milei de l’Argentine qui souhaite dollariser son économie et couper les liens commerciaux avec… la Chine et le Brésil ! Est-ce que l’ordre établi va être défendu et va survivre ou est-ce que nous basculons crânement de l’ordre légal pour tous, à la loi du plus fort, dans tous les cas ?

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Madame la ministre de l’Éducation n’est pas dans un rôle facile dans la défense de son ministère. Mais elle en est, tout de même, la première responsable en tant que ministre et son bilan est loin d’être brillant.

Une nation qui avance a besoin de mobiliser le talent qu’elle possède. À son maximum ! Ce n’est pas ce que nous réussissons avec environ 30 % d’échecs à l’étape du PSAC et plus de 90 % de taux d’échec au niveau de l’Extended Program (EP) qui promet pourtant du ‘rattrapage’. Que fera le ‘Bright Up Programme’, pondu à la va-vite, de suffisamment différent pour éviter encore plus d’échecs ? Nul ne le sait…

On peut noter que malgré des taux de maîtrise extrêmement bas en anglais, maths, sciences, français et d’autres langues, les élèves de l’EP réussissent bien mieux en ICT, Social & Modern Studies (on y apprend quoi exactement?) et Art & Design ; même s’ils échouent dans les études ‘de base’ chères à madame la ministre. Cela devrait suggérer l’évidence de la filière technique ?

Et si l’on essayait, enfin, un franc usage du kréol comme medium d’enseignement, au moins à l’EP pour commencer ? Peut-être que l’on découvrirait… l’Amérique ?! 50 % du budget de quelque Rs 20 milliards de l’éducation est pour le secondaire qui ne bénéficie qu’à 72 % des jeunes de 12 à 19 ans et nous produisons seulement 7 000 HSC en bout de piste. C’est satisfaisant ?

Quoi qu’il en soit, le poison véritable de l’éducation nationale ce serait de continuer à baisser le niveau afin de favoriser le taux de réussite apparent. À quand la transparence et le débat sur cette question, ainsi que le test de vérité du PISA de l’OECD, pour établir où naviguent nos standards en comparaison internationale ?

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Salaire minimum à Rs 17 000 ! Compensation salariale entre Rs 1 500 et 2 000 ! Excellentes nouvelles pour ceux qui reçoivent ! Et ceux qui paient, le pourront-ils tous ? Et le serpent de l’inflation qui se mord la queue, il nous mènera où ? En Argentine ? C’est foutu, vous croyez ?

(*) Au lieu de seuls marécages et moustiques longtemps inintéressants, l’on y trouve désormais… du pétrole !