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Espèce endémique

Lueur d’espoir pour le «pink pigeon»

24 novembre 2023, 18:15

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Lueur d’espoir pour le «pink pigeon»

Colossal Biosciences, qui s’est donné pour mission de faire revenir le dodo à la vie, a annoncé un partenariat avec la Mauritian Wildlife Foundation (MWF) pour sauver le pink pigeon d’extinction. Retour sur ces projets fous mais réalisables.

Matt James, le Chief Animal Officer de Colossal Biosciences, explique que le pigeon rose est un début logique pour ce partenariat à Maurice. «Le pigeon est très étroitement lié au dodo, et comprendre son mode de reproduction aidera à travailler sur le projet du dodo», expliquet- il. De plus, la MWF a déjà parcouru du chemin en matière de protection de cet oiseau endémique de l’île. Le souci de cette espèce, dit le scientifique, est que son patrimoine génétique est très restreint car, vu le nombre limité de l’espèce en vie, les pigeons roses se reproduisent entre eux, affaiblissant ainsi l’espèce.

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Quel sera le procédé ? Matt James revêtira son manteau de technicien. Il est possible, à partir d’espèces historiques conservées dans les musées, d’avoir le patrimoine génétique historique du pink pigeon à travers le séquençage. Puis, il sera comparé au génome des espèces actuelles. «Nous avons les outils pour pouvoir définir le patrimoine génétique de l’espèce au complet, sans aucun problème. Donc, nous pourrons comparer le patrimoine historique avec l’actuel, et voir ce qui a changé dans le temps.» Il existe aujourd’hui des outils, développés par Colossal Biosciences, qui permettent de modifier l’ADN à volonté. Il est possible d’en couper un bout et de le remplacer par un autre bout, par exemple. «Ces outils existent déjà pour les mammifères. Nous travaillons déjà sur les rhinocéros blancs», dit le Chief Animal Officer. Cet espèce fait face au même problème : la consanguinité qui menace l’espèce. Le but est de diversifier le patrimoine génétique afin de les rendre plus résistants. «Nous allons par la suite adapter le même outil pour les oiseaux. Le pink pigeon sera d’ailleurs la première espèce aviaire sur lequel nous prévoyons d’utiliser cet outil», ajoute-t-il.

Selon lui, lorsque l’outil sera au point, il sera par la suite possible de l’adapter aux autres animaux de la même espèce. Par exemple, l’outil permettant la modification génétique du rhinocéros blanc pourra être utilisé pour d’autres espèces de rhinocéros et pourra aussi être adapté aux éléphants. Quant aux oiseaux, le même outil sera développé pour diversifier le patrimoine génétique du pigeon rose et sera suite adapté au dodo.

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Dans l’optique de sauver le pigeon rose, un memorandum of understanding a été signé avec la MWF. Le travail se fera en deux volets. Premièrement, Colossal Biosciences aidera l’instance dans son travail, qui a déjà débuté, dans la préservation du pink pigeon. Au-delà de la protection, il est aussi question de recréer l’habitat naturel de l’espèce. «La MWF sera aussi la locomotive en ce qui concerne la remise en nature du dodo, une fois qu’il sera là, dans un habitat naturel qui sera recréé.» Pour cela, il faudra un environnement dénué d’espèces invasives, comme les rats, les singes et autres plantes, qui ont été introduites par l’homme dans l’île. Ce travail a déjà été entrepris par la MWF dans les îles.

Qu’en est-il du dodo ?

Pour rappel, lors de la dernière rencontre avec Ben Lamm, le fondateur de Colossal Biosciences, et Beth Shapiro, biologiste, en avril, ils avaient dit que la présence du dodo sur l’île n’est pas pour demain, mais que d’ici la fin de cette année, un calendrier plus clair serait disponible. «Depuis, il y a eu beaucoup de chemin parcouru. Nous travaillons sur comment prendre un pigeon de Nicobar, l’espèce la plus proche génétiquement du dodo, et en faire un dodo par gestation à travers une autre espèce. Mais il sera un dodo à 99.9 %, avec toutes les caractéristiques du dodo. Un gros oiseau, de petites ailes, un grand bec et tout», dit Matt James.

La création du dodo ne sera que le début de l’étape, prévient toutefois Matt James. Les premières générations du dodo seront dans un environnement contrôlé pour les observer. Il faudra attendre que la population grandisse et soit stable avant de les remettre dans la nature. Et pour cela, il faudra qu’un environnement semblable à leur environnement historique soit déjà en place, et la MWF se penche déjà sur cela. «Nous sommes donc à plusieurs années du premier dodo, et à plusieurs générations avant de revoir l’oiseau mythique dans la nature.»

Ramener le dodo à la vie n’est pas le seul projet de Colossal Biosciences. Le mammouth laineux fait aussi partie des espèces que l’entreprise veut ramener à la vie, et là, le calendrier est plus ou moins précis. La première naissance est prévue pour fin 2028 et, comme le dodo, il faudra attendre quelques générations avant la réintroduction dans l’environnement naturel. Il y a aussi le tigre de Tasmanie. «Cela devrait aller plus vite car la période de gestation est de 13 jours et demi alors que pour le mammouth, il est de 22 mois», avance Matt James. La question qui se pose est : est-il plus difficile de travailler avec les espèces éteintes qu’avec les espèces en danger, comme le rhinocéros blanc et le pigeon rose ? «Il y a des avantages et des désavantages. Il y a de nombreux règlements concernant les espèces protégées. Donc, il faut des permis pour chaque étape, et nous devons respecter les lois à la lettre», dit-il. Ce problème ne se pose pas avec les espèces qui n’existent plus. Mais il est aussi plus facile de commencer avec des espèces en vie, précise-t-il.


Questions à...Vikash Tatayah, directeur de la Mauritius Wildlife Foundation lexp - 2023-11-24T202101.609.jpg

Pouvez-vous nous fournir davantage d’informations concernant l’accord conclu avec la société Colossal Biosciences ?

La société américaine sera chargée de la composante génétique, étant déjà impliquée dans le développement aviaire et le génie génétique. Il est important de noter que cela dépasse largement les capacités actuelles de Maurice. Les techniques employées par les chercheurs américains sont très avancées, incluant même des méthodes qui, à ce jour, n’existent pas, mais qu’ils s’engagent à développer. Bien que ces techniques soient coûteuses, elles seront mises en œuvre aux États-Unis. À Maurice, l’accent sera principalement mis sur la faisabilité du retour du dodo.

Dans le cadre de ce projet ambitieux, avezvous déjà déterminé l’emplacement prévu pour l’habitat du dodo, compte tenu des évolutions survenues dans le pays depuis sa disparition ?

Nous étudions attentivement la question. L’emplacement choisi devra être à distance à la fois des prédateurs, qu’ils soient animaux ou humains. De plus, les dodos devront être situés dans un habitat où ils peuvent facilement trouver leur nourriture. Cependant, la déforestation importante à Maurice pose un défi supplémentaire. Nous envisageons donc des emplacements tels que le parc national à Rivière-Noire, les réserves naturelles des îles ou même l’Est du pays, qui semblent idéaux pour accueillir les dodos. Cependant, la visibilité du public est également un facteur crucial, ce qui nous pousse à trouver des sites qui répondent à l’ensemble de ces critères.

La question qui préoccupe beaucoup de gens : quand pourra-t-on espérer voir à nouveau un dodo circuler à Maurice ?

Il est actuellement prématuré pour avancer une date. La production des oiseaux dans les laboratoires de Colossal Biosciences aux États-Unis est en cours, et des préparatifs sont également en cours sur les sites potentiels à Maurice. Les démarches législatives et l’obtention des autorisations nécessaires pour l’introduction des dodos sont également en cours. En l’absence d’obstacles significatifs, il est envisageable que cela puisse se concrétiser d’ici cinq à dix ans. Cependant, tout retard dans les laboratoires ou tout retard administratif, que ce soit à Maurice ou aux États-Unis, pourraient prolonger cette période.

Un autre projet sur lequel vous collaborez avec cette société concerne la protection du «Pink Pigeon». Pourrions-nous obtenir quelques détails supplémentaires à ce sujet ?

Nous sommes ravis à l’idée du retour potentiel du dodo à Maurice, et notre ambition est que ce partenariat renforce les efforts actuels de préservation dans le pays. Le pigeon des Mares, étant le plus proche parent survivant du dodo à Maurice et dans les Mascareignes, est également au cœur de nos préoccupations. Après des discussions fructueuses, la société Colossal Biosciences a exprimé son intérêt pour le projet de préservation du pink pigeon, contrairement au kestrel et au parakeet, qui ne sont pas apparentés au dodo.

Cependant, la restauration des habitats sur les sites sélectionnés demeure cruciale. Nous impliquerons d’autres partenaires dans la restauration de ces habitats essentiels au retour du dodo. Il est important de souligner que des années d’efforts ont été déployés pour restaurer l’écosystème, englobant des éléments tels que les insectes, les lézards, les plantes endémiques, les grosses cateaux vertes et bien d’autres, formant un écosystème complet en préparation à l’arrivée potentielle du dodo