Publicité

Extension de Rose-Hill à Ébène: le nouveau projet de Metro Express Ltd soulève des interrogations

2 juin 2021, 20:34

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Extension de Rose-Hill à Ébène: le nouveau projet de Metro Express Ltd soulève des interrogations

Les automobilistes qui quittent Rose-Hill en direction d’Ébène ont dû remarquer du mouvement sur le côté gauche de la route à la hauteur du parc récréatif. En effet, depuis deux semaines, Larsen & Toubro (L&T) effectue des études géotechniques dans cette région. Cela en marge des travaux pour l’extension du réseau du tram, pour connecter Rose-Hill à Réduit et qui sera achevé en 2023, selon les plans du gouvernement, comme annoncé au Parlement mardi. Le detailed design est aussi en préparation par le constructeur indien. Une extension du réseau du tram jusqu’à Ébène est-elle justifiée ?

La première fois que l’extension du tram de RoseHill à Réduit est mentionnée, c’est le 11 février par le Times of India, suivant un communiqué émis par le siège social de Larsen & Toubro (L&T). Ainsi, plusieurs autres médias indiens ont annoncé que le constructeur indien a décroché le contrat pour une extension du réseau sur une distance de 3,4 km. «Le projet comprend la construction d’un système de transport urbain léger sur rail entièrement intégré depuis l’échangeur de Rose-Hill vers Ébène jusqu’à Réduit près de l’université de Maurice. Cette extension reliera les zones densément peuplées d’Ébène Cybercity et de l’université de Maurice et donnera une impulsion supplémen- taire au développement de l’île», indique le communiqué. Selon le journal en ligne indianarra tive.com, L&T a reçu une commande de Metro Express Ltd (MEL) qui oscille entre 1 000 et 2 500 crore, soit environ Rs 5,7 milliards et 14,2 milliards pour prolonger le couloir de Rose-Hill. L’extension impliquera la construction de trois nouvelles stations, des viaducs et des ponts, des travaux de voie ferrée, des systèmes de traction électrique à courant continu, des systèmes de billetterie et d’information des passagers et l’intégration avec le trafic routier grâce à des systèmes de signalisation avancés. Les premiers coups de pioche seront donnés cette année. À noter que cette commande pour L&T inclut celle de l’Uttar Pradesh Metro Rail Corporation Limited, qui construit le métro de Kanpur et d’Agra.

Qualité/prix 

Cependant, ce nouveau contrat ne respecte pas l’article 3 de la Public Procurement Act concernant un projet G-G (gouvernement à gouvernement), comme l’a affirmé Roshi Bhadain, leader du Reform Party, samedi, lors de la conférence de presse hebdomadaire de l’Alliance de l’Espoir. «Cette section stipule que le ministère concerné doit faire un due diligence. Et de s’assurer que le procurement contienne un rapport qualité-prix. Il y a une évaluation à faire pour une extension de Rose-Hill-Ébène-Réduit pour Rs 4,55 milliards pour 3,4 km.» Au Parlement mardi, répondant à une question de Reza Uteem, député du MMM, le ministre de tutelle, Alan Ganoo, a affirmé qu’une évaluation de cette extension a été effectuée par un Due Diligence Committee (DDC). Ce comité est constitué des représentants du Bureau du Premier ministre, de la Traffic Management and Road Safety Unit (TMRSU), du ministère du Transport et du métro léger, le ministère des Finances et de Metro Express Limited (MEL) comme le stipule la Public Procurement Act sous le G-G Agreement. «Le DDC a conclu que la proposition sur le projet d’extension de L&T répondait aux exigences de MEL et représentait un bon rapport qualité-prix. Le principal contrat existant avec L&T pour le projet Metro Express est dans le cadre d’un accord G-to-G entre le gouvernement de l’Inde et celui de Maurice. Je suis informé par MEL que cette ligne d’extension est traitée selon le même arrangement que le contrat principal existant», avait-il lancé comme réponse dans l’hémicycle.

Pour Roshi Bhadain, la loi stipule clairement que c’est le ministère de tutelle qui constitue un comité qui soumet un rapport. «Les documents pour soutenir ce projet et les recommandations doivent être discutés auprès d’un High Powered Committee (HPC) constitué de fonctionnaires très haut placés notamment le Sollicitor General, le secrétaire financier et présidé par le secrétaire du Cabinet. Ils doivent s’enquérir auprès des fonctionnaires et ensuite prendre les recommandations et l’amener au niveau du Conseil des ministres pour la suite. Il n’y a aucune mention de HPC. Ce que Ganoo explique sur les représentants du DDC ce n’est pas ce que recommande la Public Procurement Act.» Autre remarque de Roshi Bhadain concerne la Singapore Corporation Enterprise (SCE). En effet, le consultant singapourien qui pourtant a modifié le tracé de la phase une ne figure pas parmi les têtes pensantes de cette extension. L’on se souvient que les consultants singapouriens n’étaient pas toujours sur la même longueur d’onde que MEL. Ont-ils été sacrifiés ? «Il n’y a aucune mention de SCE dans la réponse de Ganoo. Ki sanla ki desid rapor kalite-pri aster ? Sé MEL avek dimounn minister.» Le leader du Reform Party s’interroge également sur la nécessité de cette extension alors que le pays fait face à des difficultés économiques.

Ils sont plusieurs à s’interroger sur ce qui justifierait encore du gaspillage de l’argent public dans un projet de tram qui n’arrive pas à être rentable. «Quelle est la viabilité commerciale ? Le métro fait-il des profits ? Le système de Rose-Hill à Port-Louis sert-il au peuple ?» Selon Roshi Bhadain, il n’y a pas beaucoup de passagers dans le métro, ce qui expliquerait l’habillage des rames du métro de publicité. «Certes, d’un côté les pubs rapportent un peu d’argent mais de l’autre côté, c’est pour ne pas voir ce qu’il y a à l’intérieur.» Il estime que les vrais chiffres ne seront jamais révélés à la population tant qu’il n’y a pas un changement de gouvernement.

De son côté, le député Osman Mahomed fait ressortir que le ministre Alan Ganoo n’a pas fait mention du nombre de trams que cette extension nécessitera. «Le ministre avait dit qu’à l’époque, le projet était plus onéreux, maintenant le coût a été réduit. Eski dan sa Rs 4,5 mds la éna tram ladan ? Pour com- penser un surnombre de tram?» Cette question, le député du Parti travailliste voulait la poser à plusieurs reprises au Parlement, en vain. Mais il a l’intention de revenir à la charge avec une question de fond «pou trouv pli kler dan sa myster la», dès la prochaine seance de questions adressées aux ministres.

L’écologiste Adi Teelock a, elle, plusieurs interrogations concernant cette extension. «Pourquoi ce trajet ne faisait pas partie du plan initial ? Pourquoi avoir décidé de construire cette extension maintenant, comme un after thought ? Est-ce parce que les embouteillages que le métro de- vait faire disparaître ont empiré ? Ou parce que le trajet Port-LouisCurepipe ne sera pas rentable ? Y aura-t-il un autopont/échangeur à Ébène plus le Metro Express ? Quelles études ont été faites pour analyser les coûts et bénéfices des investissements pharaoniques dans le Metro Express et le Road Decongestion Programme combinés ?»

Nouveau pole

Jayen Chellum de l’ACIM campe sur sa position concernant les «Bus Way» qui aurait été la meilleure alternative contre les embouteillages. «La question qui se pose d’une manière plus aiguë avec le problème économique auquel le pays fait face, est-ce que ce projet est incontournable pour que le gouvernement s’y embarque ? Jamais il a mis en place une politique nationale de transport pour situer nos développements en fonction de notre système de transport.»

Pour Ashok Subron, de Rezistans ek Alternativ, la question du métro a été mal gérée. Selon lui, ce projet n’a pas fait partie d’un projet de réorganisation du système du transport mauricien. «Il est bon de rappeler que ce projet a vu le jour quand Bhadain est allé renégocier l’accord de double traité avec l’Inde qui a offert un genre de compensation.» Ashok Subron s’étonne de la rapidité avec laquelle est venue l’extension qui «sibtilman sorti dan zot sapo» alors qu’il existe d’autres possibilités moins onéreuses. «C’est clair qu’il y a un problème de congestion routière à la Cybercité. Mais il y aurait pu avoir une alternative en introduisant des bus électriques alimentés avec des énergies renouvelables. Nous ne sommes pas contre un transport comme le train mais on nous l’impose. S’il y avait eu des consultations, cela aurait généré des idées.»

Interrogé, Aadil Ameer Meea, député du MMM, estime que l’extension du tram entre Rose-Hill et Ébène est nécessaire car tout le trafic se trouve dans cette région. «Elle est primordiale car Ébène est le poumon de l’île Maurice. Des milliers d’employés y travaillent. Mais dès la première phase, il fallait faire la connexion. Entre Port-Louis et Ébène et non Port-Louis-Curepipe. C’est une erreur capitale. C’est normal qu’un rajout va coûter plus cher. C’est un point stratégique et économique. Mais cela ne veut pas dire que le gouvernement doit faire n’importe quoi, sans une transparence, un accountability, dans une façon raisonnable.»

Alan Ganoo avait justifié cette extension par le fait que des études ont démontré que la région d’Ébène sera développée en cinq ans avec plus de 50 000 employés, ce qui représentera près de 10 % de l’emploi total à Maurice. Par ailleurs, en termes de croissance des entreprises, la Cybercité d’Ébène est également devenue un lieu privilégié pour les bureaux tant publics que privés. Du coup, la région est considérée comme le nouveau pole d’affaires de Maurice pour le futur développement économique et le progrès. De plus, il y a une forte densité d’établissements d’enseignement et de santé dans la région d’Ébène. «On estime que la population estudiantine comprend plus de 10 000 élèves selon la Commission de l’enseignement supérieur de 2016, et représente 27 % du total des inscriptions dans l’enseignement supérieur dans le pays. L’emploi dans le secteur de la santé représentait 12,5 % de l’emploi total, soit environ 3 300 emplois équivalents à temps plein. D’où la décision du gouvernement d’étendre le réseau de métro léger à Réduit en tant que projet prioritaire.»

Avec cette extension, le gouvernement s’attend à 15 000 passagers additionnels au quotidien. Or, faut-il le rappeler, les étudiants voyagent gratuitement à bord des trams, de leur résidence à leur établissement scolaire et vice versa. À ne pas oublier également que les personnes âgées qui sont des voyageurs fréquents ne paient pas leur billet non plus.

Zoom sur le projet

Un viaduct de 548 m de long, reliant la gare de Rose-Hill à celle de l’entrée de la SSS d’Ebène. Un pont ferroviaire de 120 m qui requiert une attention technique particulière selon Alan Ganoo, en raison de sa proximité avec le barrage d’une unité de production d’électricité, au milieu d’une topographie complexe. L’ancien pont ferroviaire existant sera préservé.

Un pont de chemin de fer de 90 m à la rivière Sèche au milieu d’une topographie complexe.

 Un passage souterrain, soit un pont piétonnier à confirmer après une phase de conception détaillée pour connecter la gare d’Ébène et la Cybercité. La station surélevée de Rose-Hill connectera celle d’Ébène qui sera construite au sol ainsi que le Réduit interchange.

Deux stations d’alimentation d’électricité seront construites à Ébène et Réduit.