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Quand les entreprises fusionnent les emplois font grise mine

21 septembre 2003, 00:00

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Pour mieux faire face aux défis économiques, certaines entreprises étudient toutes les stratégies possibles pour assurer leur survie. Dans cette perspective, de nombreuses solutions sont élaborées. On peut ainsi recourir à des regroupements (clusters), des alliances ou des rachats.

Mais le bonheur des uns, c?est connu, fait parfois le malheur des autres. La plupart du temps, ce sont les employés qui en font les frais car ce qui représente une solution pour les entreprises se métamorphose souvent en cauchemar pour les employés. En effet, la restructuration d?une entreprise entraîne parfois une vague de licenciements collectifs avec les répercussions psychologiques et sociales que cela implique.

Au groupe Rogers, qui a été cité dans des cas récents de restructuration de Scott & Cie Ltée et d?Aqualia ainsi que la fusion de Rogers Cargo Services et Cargo Express, on récuse le terme de licenciement. Un cadre de Rogers s?explique : « Il ne s?agit pas de licenciements, mais bien de départs volontaires proposés aux employés avec une compensation négociée entre eux et la direction. Dans tous les cas, l?indemnité offerte est supérieure au quantum prévu par la loi. Dans d?autres cas, le reclassement dans d?autres compagnies du groupe est également possible. »

Les syndicats, quant à eux, estiment que le reclassement est préférable au licenciement car il permet à un employé de garder non seulement son travail, mais aussi sa dignité. Atma Shanto, de la Federation of Progressive Union (FPU), farouchement opposé à la mondialisation et au clustering, regrette qu?en cas de reclassement, les conditions de travail se dégradent.

« En fait de mondialisation de l?économie, c?est plutôt à une mondialisation de la pauvreté que l?on assiste, avec des suppressions d?emplois dans de nombreux cas. Il est inacceptable qu?une compagnie qui se classe parmi les meilleures de Maurice puisse éprouver des difficultés financières au point d?être obligée de recourir aux licenciements. Ces nouvelles techniques à la mode telles que fusion, rachat, clustering etc. ne peuvent être avantageuses que pour employeurs et non les salariés. J?ai connu trop d?exemples comme Lord Jim et Manupan. Il n?y a pas longtemps, nous avons eu le cas de la brasserie de Ph?nix et de Coca-Cola. Mais quoi qu?il arrive, les conditions de travail ne sont plus les mêmes », s?insurge le représentant de la FPU.

Des propos qui attirent la réponse suivante : « Il faut savoir que les conditions de travail de tous les employés du groupe évoluent de manière souple en fonction des exigences des métiers respectifs de chaque compagnie. En tout cas, lors d?un reclassement, l?employé est mis au courant des exigences de son nouveau poste et il est libre d?accepter ou de refuser les nouvelles conditions. Dans ce dernier cas, le groupe essaie de trouver une autre solution comme le départ volontaire », indique-t-on à Rogers. Le cadre de ce groupe ajoute que la réduction d?effectifs est souvent le dernier recours et peut donc prendre des allures de fait accompli.

Atma Shanto rejette en bloc ces arguments : « Ce n?est pas qu?une perception car les employés se retrouvent souvent devant des faits accomplis. Bien sûr, beaucoup ont entendu des rumeurs, mais n?en font pas grands cas et sont souvent les premiers surpris quand les mesures de restructuration sont déjà entamées. Alors ils n?ont pas beaucoup de choix entre le reclassement dans des conditions inférieures, le licenciement et le départ volontaire. Une pratique que nous dénonçons avec force. »

Sur ce point, le syndicaliste se dit scandalisé par le fait que le Voluntary Retirement Scheme (VRS) ? qui ne devait concerner au départ que les employés de l?industrie sucrière ? est en train de s?institutionnaliser et de pénétrer toutes les sphères du secteur privé.

Les regroupements de grandes compagnies et la concentration de l?économie finiront, selon Atma Shanto, par porter un grave préjudice aux petites et moyennes entreprises et à l?île Maurice en général.

« La concentration des richesses ne peut être une bonne chose car seul le secteur privé en bénéficie. Les autorités semblent ne pas comprendre que le privé ne cherche que son propre intérêt et n??uvre pas pour le bien-être de la collectivité. Le secteur privé ne va pas régler les problèmes sociaux auxquels le pays est confronté. Dans toute cette histoire, l?impression qui se dégage, c?est que le gouvernement semble avoir donné carte blanche au secteur privé pour trouver une solution aux problèmes nationaux alors que celui-ci ne s?intéresse qu?à lui-même et à ses propres problèmes », souligne-t- il.

Rogers maintient le contraire et insiste sur le fait que quand une restructuration se produit, c?est que toutes les options ont été étudiées et qu?il n?y a vraiment rien d?autre à faire. « Les difficultés de Scott sont toujours sérieuses et en l?absence d?une restructuration de grande envergure, c?est l?existence même de Scott qui est menacée. Une réduction d?effectifs s?avère plus que nécessaire ». Les mêmes raisons sont invoquées pour justifier la fusion de Rogers Cargo Services et Cargo Express. En ce qui concerne le regroupement d?Aqualia et de Scott, la restructuration avait déjà commencé en 2001.

Mais le syndicaliste n?en démord pas. Selon lui, le dialogue entre les parties est toujours possible.

« Le concept des tripartites doit être sauvegardé et on peut trouver des solutions autour d?une table pour tenter d?éviter les destructions d?emplois », conclut-il.