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?Pas de fonctionnaires aux ?boards? des entreprises étatiques?

10 septembre 2003, 00:00

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- Quels sont les objectifs de la Commonwealth Association for Corporate Governance (CACG) ?

La CACG fut fondée il y a une quinzaine d?années à la suite d?une conférence du Commonwealth, qui déjà, à cette époque, s?intéressait à la question de la bonne gouvernance. Nous avons à ce jour 35 pays membres et 40 institutions à travers le monde qui sont affiliées à notre organisation. Notre but est de diffuser les normes de bonne gouvernance à travers l?éducation et la formation. Depuis sa création, la CACG a formé des milliers de directeurs de compagnies.

Nous prônons une approche pratique dans la formation. Nous sommes là pour aider, non pas pour imposer un modèle quelconque sur les entreprises. Nous agissons plutôt en tant que facilitateur. Le plus gros problème vient des consultants. Ceux-ci, tout comme les comptables, ne peuvent vous apporter la solution en termes de gouvernement d?entreprise. Par exemple, vous ne demanderez pas à un pharmacien de vous extraire une dent?

Je constate que Maurice a réalisé des progrès intéressants dans le domaine du gouvernement d?entreprise. Le comité Taylor sur la gouvernance a produit un excellent code pour les entreprises, et cela, après avoir passé en revue plusieurs modèles de gouvernement d?entreprise à travers le monde.

- L?actionnariat à Maurice reste concentré entre les mains de quelques groupes. Comment, dans ces conditions, peut-on vraiment promouvoir la bonne gouvernance au sein des sociétés ?

Il y a un mythe selon lequel la richesse est dispersée. Mais la propriété économique est effectivement très concentrée. Il y a toutefois d?autres façons de voir les choses. La bonne gouvernance n?est pas une fin en soi. Elle doit être utilisée pour apporter de la valeur ajoutée aux actionnaires.

Il faut d?abord clarifier certains points concernant les directeurs qui siègent à un conseil d?administration. Un directeur de compagnie doit représenter les intérêts de tous les actionnaires, et non les groupes qui les nomment. Les directeurs qui ne respectent pas ces principes peuvent être sanctionnés par les actionnaires ou par les créditeurs. Ce qui fait que les directeurs de compagnies familiales devront désormais faire très attention.

En Australie, il existe des dispositions légales dans le domaine du tort qui exposent ? dans une plus large mesure ? les directeurs détenant plus d?informations que les autres membres du conseil d?administration aux sanctions.

- Mais les conseils de direction ne sont-ils pas censés être homogènes?

Certes, le conseil se doit d?opérer sur une base consensuelle. Mais les tribunaux australiens ont décrété que ceux qui détiennent des informations au détriment des autres courent plus de risques d?êtres punis. Tous les directeurs doivent se sentir libres de demander n?importe quelle information. Au conseil d?administration, il ne doit y avoir aucune restriction en termes d?informations.

- La nomination des directeurs indépendants devrait en principe améliorer la transparence. Que se passera-t-il si les principaux groupes d?actionnaires décident de nommer ?leurs? directeurs ?indépendants? ?

Il est nécessaire de bien définir ce qu?est un directeur indépendant. De manière générale, un directeur indépendant ne doit avoir aucun intérêt financier dans la compagnie à part celui de percevoir les director?s fees auxquels il a droit. Les directeurs sont élus par les actionnaires. Si le principal actionnaire ou groupe d?actionnaires fait nommer un directeur, celui-ci ne peut être considéré indépendant.

Tous les pays dépendent de l?influx de fonds des investisseurs. Il serait vraiment irréfléchi d?ignorer les gros fonds d?investissements. Si ces derniers estiment que les personnes qui représentent les principaux actionnaires ne sont pas indispensables à la bonne marche de l?entreprise, ou encore s?ils jugent qu?il faut une majorité de directeurs indépendants sur le conseil, autant les écouter. Au cas échéant, vous vous privez l?accès à leurs investissements.

Beaucoup dépendent du marché boursier. Vous avez ici un marché avec des bonnes règles. Il y a aussi un code de gouvernement d?entreprise qui est très avant-gardiste. Vous avez tous les ingrédients pour pouvoir attirer des investissements étrangers. Maurice est, sur ce plan, beaucoup mieux placée que beaucoup d?autres pays.

Il vous faut toutefois développer la capacité institutionnelle afin d?avoir des directeurs formés et informés. Je vois un brillant avenir ici.

- Gouvernement d?entreprise équivaut à des changements en profondeur au niveau de la structure des conseils d?admi-

nistration?

Pas nécessairement. Il faut cependant prôner la transparence, la responsabilité et l?intégrité. Les directeurs doivent servir la compagnie aussi longtemps qu?ils sont en mesure d?y ajouter de la valeur. L?âge n?a rien à voir avec cela.

- Comment faire pour éviter des frictions entre le conseil d?administration et le management ?

Les conseils d?administration doivent savoir quels sont leurs rôles et leurs fonctions. Il faut une charte qui établirait les responsabilités qu?ils doivent assumer et celles qu?ils doivent déléguer au management. Du point de vue du droit, les directeurs sont les seules personnes qui sont responsables de la compagnie devant la loi. Ils devront donc savoir comment déléguer les tâches.

Le conseil d?administration et le management doivent rester séparés. Il faut surtout éviter que ce soit le Managing Director (MD) qui préside le conseil. C?est justement ce genre de situation qui finit par créer des problèmes, des démêlés avec la justice ou des sociétés en faillite?

- La séparation entre le conseil d?administration et le management ne risque-t-elle pas d?entraîner des problèmes pratiques et, surtout, des divergences stratégiques au sein de la compagnie ?

Le board doit expliquer au MD qu?il va s?occuper de la stratégie de la compagnie. Le MD devra, lui, mettre en place les opérations afin de mettre en oeuvre cette stratégie. La tendance mondiale est à la formation des directeurs.

Cela s?applique aussi aux conseils d?administration des organismes parapublics et des compagnies appartenant à l?Etat. Les fonctionnaires ne doivent pas siéger aux boards des organismes parapublics et des sociétés étatiques. Ils ne sont pas formés pour ce genre de travail et n?ont pas une culture d?entreprise. Ils n?ajoutent pas, de ce fait, à la valeur de l?entreprise.

C?est une pratique courante à Maurice d?avoir des officiers de l?Etat aux conseils de direction. On m?avait expliqué que c?était un des moyens utilisés pour augmenter les salaires des haut cadres de la fonction publique par le biais des director?s fees, et ce, dans le but de les retenir dans le service. Il s?agit là d?une absurdité. On est en train de mettre en place un old boys club. Cette pratique a été encouragée par les fonctionnaires eux-mêmes.

- Ne devront-il pas siéger au moins dans les sociétés qui sont détenues à 100% par l?Etat ?

Non. Je peux vous citer l?exemple de la New Zealand Post qui est détenue à 100 % par le gouvernement, mais qui n?a aucun fonctionnaire siégeant au conseil d?administration. La compagnie est très pro-fitable et agit même en tant que conseillère auprès de plusieurs entreprises de services postaux à travers le monde.

La première chose à faire quand vous entamez un processus de ?corporatisation? est de remplacer tous les fonctionnaires par des cadres qui ont un esprit commercial. Ensuite, vous mettez en place des mécanismes qui permettront aux compagnies et organismes concernés de répondre convenablement à leurs ministères de tutelle et au Parlement.

- Faut-il légiférer pour rendre les principes du gouvernement d?entreprise obligatoires ?

Je pense que vous avez déjà une loi sur les compagnies qui est assez exhaustive. Les listing rules du marché boursier sont également très utiles. Vous avez tout ce qu?il faut pour attirer les capitaux. Il faut cependant songer à vous débarrasser des fonctionnaires siégeant aux conseils d?administration des organismes parapublics et des compagnies d?Etat.

Propos recueillis par Akilesh ROOPUN

Tous les directeurs doivent se sentir libres de demander n?importe quelle information. Au conseil d?administration, il ne doit y avoir aucune restriction en termes d?informations.