?Voir les Mauriciens ainsi unis, en liesse, et crier Allez Maurice est un événement trop rare mais tellement beau?, avoue avec un pincement dans la voix, Steve Gungadin, Youth Officer du centre de jeunesse de Bambous. Il a vécu l?euphorie avec les jeunes dont il s?occupe dans l?Ouest. Cette célébration de l?unité et de la solidarité n?a épargné personne depuis que la flamme survole l?île...

Ce sentiment s?explique aisément. Il faut d?abord reconnaître à l?organisation des 6es Jeux des îles de l?océan Indien, une très bonne ?vision dans la préparation?. ?Les gens ont été bien informés, les jeunes par les clubs sportifs, et d?autres par les différents moyens de communication?, explique Steve Gungadin.

Par nature, le sport rassemble. Que ce soit à Maurice pour les Jeux des îles, en France pour les championnats d?Athlétisme, au Japon pour la Coupe du monde de foot, aux jeux Olympiques, d?hier et d?aujourd?hui.

D?autre part, l?attrait exercé par la compétition sur les sportifs et les spectateurs tient de la mise en scène d?un combat entre l?homme et la mort (la mort étant symbolique) et des significations de ce combat.

Cette explication remonte à l?Antiquité, où l?on a compris l?importance culturelle du sport, dans le sens où les philosophes trouvaient dans le combat sportif leur modèle dialectique et qu?à leurs yeux, le progrès résulte de l?opposition.

Le sportif s?oppose à tout ce qui l?entoure, à commencer par ses adversaires pour finir par lui-même, de sorte qu?il combat ses propres limites. Il lutte tel un guerrier. Et la nation lutte avec lui.

Le patriotisme tel qu?il se manifeste aujourd?hui est issu de la volonté, souvent provoquée, de chacun d?encourager sa patrie, de la défendre envers et contre tout.

?Nous sommes déjà fiers d?être Mauriciens, fiers de nos sportifs. Et toute la famille, même nos enfants qui n?ont que deux et quatre ans, les suivront pendant les Jeux?, assure Silla Luk Ting, une mère de famille habitant Arsenal.

On se retrouve derrière les sportifs comme une armée derrière ses généraux. Mais cette guerre est noble car prônant les vertus telles que le courage, la patience, le fair-play, et le dépassement de soi.

?Ce qui doit unir, c?est l?ambiance, l?amour du sport, le sentiment d?appartenance, mais bien souvent, ce qui prend le dessus, c?est la victoire. On oublie que l?on est des êtres humains?, ajoute de son côté, le Dr Anand Awootar, directeur de la School of Applied Sciences au Mauritius Institute of Education et vice-président du Sports Research Council,.

Ce que l?on redoute également c?est l?après-jeux. Que va devenir la solidarité dont les Mauriciens font preuve en ce moment ? Les pessimistes ont peur. De voir la morosité réapparaître, d?entendre de nouveaux scandales, d?assister à l?effacement du sport.

?J?ai peur que l?élan ne soit qu?un éclair. Il devra être soutenu par tous après les Jeux, par les écoles, les parents, les médias, et le gouvernement. Il faudra développer une plus grande culture sportive?, poursuit le Dr Anand Awootar.

Le sociologue Ibrahim Koodoruth estime que ?l?élan patriotique va disparaître de toutes les façons?. Que répondent à cela ces Mauriciens qui célèbrent la flamme à travers le pays ?

Silla Luk Ting pense que l?on ne pourra sortir que gagnant d?un tel mouvement de solidarité et d?unité.

Jean-Marc Carver, jeune sportif de 20 ans, originaire de Terre-Rouge ajoute : ?C?est le pays qui est mis en avant. Si on n?a pas beaucoup de médailles, on sera un peu démoralisé, mais c?est tout.? En d?autres termes, l?ambiance euphorique qui a grimpé en flèche ces derniers temps ne redescendra pas de sitôt.

Au départ de l?élan patriotique, il y avait les étudiants, des plus petits, à qui l?on apprend les couleurs du drapeau de Maurice, aux plus grands, qui s?investissent corps et âme dans les deux thèmes de ces Jeux, à savoir l?environnement et l?unité. Loin des clichés communaux de leurs aînés, portés par des valeurs nobles inhérentes au sport, ils portent en eux l?innocence juste et nécessaire, pour la consolidation ou la reconstruction de l?unité nationale. 1985 n?est plus si loin.