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Une lame de fond porte Pravind Jugnauth au pouvoir

13 novembre 2019, 06:53

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Maintenant que les clameurs se sont tues et que l’émotion retombe peu à peu, il est nécessaire de prendre du recul pour comprendre la victoire de Pravind Jugnauth. Car c’est effectivement sa victoire, une victoire construite à partir de rien dès son installation au bâtiment du Trésor.

Attaqué et vilipendé par ses adversaires pour avoir succédé à son père sans un plébiscite populaire, il a su, non sans peine, garder son sang-froid. Cette posture était voulue car c’est sur elle que reposait la stratégie visant à faire sortir Pravind Jugnauth de l’ombre de sir Anerood. Une tâche difficile et compliquée mais qui ne s’est pas révélée impossible.

Le calme affiché par le Premier ministre face aux coups de semonce de ses détracteurs lors des deux dernières années s’inscrit également dans la même logique de construction d’image. Soit de contraster celle de Pravind Jugnauth avec ses principaux challengers. D’où les moyens déployés pour se démarquer du leader du Parti travailliste, Navin Ramgoolam, et ainsi émerger comme un bosseur et quelqu’un qui tient ses promesses aux yeux de la population.

Une fois les bases jetées, il a commencé à construire les marches pour atteindre le sommet. C’est ainsi que nous avons vu se dessiner une nouvelle philosophie économique dont il s’est voulu porteur. Contrairement à ses prédécesseurs, ses discours économiques ont été le plus souvent positifs. En cherchant à placer l’humain au centre de sa vision, il a fini par marquer des points, pour ne pas dire gagner le coeur de nombre de nos compatriotes.

Si l’introduction du salaire minimum a été un tournant majeur, les autres mesures à portée sociale n’ont fait que renforcer cette image d’un chef du gouvernement qui se soucie du peuple. Quitte à se déconnecter de son gouvernement accusé de plusieurs scandales.

Sa vie a été rendue encore plus facile par ses adversaires qui systématiquement critiquaient sa «distribution de cadeaux », affirmant que l’économie était au plus mal. Or, lors de la campagne, ils ont dû changer de discours afin de se livrer à une surenchère électorale. Une démarche qui a mis à mal leur crédibilité. Car parler de catastrophe économique tout en promettant des «cadeaux» ne fait aucun sens.

L’ossature de sa stratégie mise en place, Pravind Jugnauth pouvait donc s’installer devant son tableau de bord afin de suivre la courbe de l’évolution de sa popularité et essayer d’agir à chaque fois que celle-ci fléchissait. C’est ce à quoi il s’est attelé depuis fin 2018, aidé en cela, il faut le dire, par le verdict du Conseil privé de la Reine dans l’affaire Medpoint, la tenue des Jeux des îles et la visite du pape François à Maurice.

Pendant ce temps, ses adversaires, dont principalement Navin Ramgoolam, n’étaient pas en reste. À la faveur de plusieurs accusations rayées devant les tribunaux, le leader du Parti travailliste avait commencé à reprendre du poil de la bête. Cette tendance qui s’est certainement affichée sur le tableau de bord de Pravind Jugnauth n’a pas pour autant influé sur sa stratégie politique.

Car alors que les observateurs avertis clamaient sur tous les toits qu’il était pratiquement impossible pour un parti de gagner seul les élections à Maurice, le leader du MSM était pour sa part convaincu du contraire.

Du coup, il fallait s’assurer que tous les partis briguent les suffrages en ordre dispersé. Paul Bérenger et Navin Ramgoolam ayant tous deux affirmé publiquement qu’ils iront seuls aux élections, la partie d’échecs pouvait donc commencer. Il ne restait que le PMSD. Xavier-Luc Duval, n’ayant pas vraiment de visibilité sur ce qui se tramait sur la scène politique, a tenu jusqu’au dernier moment avant de se jeter dans les bras du Parti travailliste. Un mauvais calcul mais que les analystes et autres observateurs avaient assimilé à une remontée de l’opposition au point d’y voir une nouvelle dynamique sur l’échiquier politique. Dès lors, toutes les analyses faisaient état d’une lutte serrée avec un avantage à l’Alliance Nationale. Tandis qu’on ressassait le discours de la lutte serrée, Pravind Jugnauth prenait une longueur d’avance en annonçant aux seniors le doublement de leur pension de vieillesse. Critiques au départ, ses adversaires ont fini par comprendre qu’ils faisaient fausse route. Il était trop tard lorsqu’ils se sont ravisés.

À ce moment précis, la campagne battait son plein et Pravind Jugnauth poursuivait sa tournée des circonscriptions, mettant en avant son bilan et invitant l’électorat à choisir entre Navin Ramgoolam et lui pour diriger le pays. Nous étions alors à quelques jours des consultations populaires. Tandis que certains continuaient à scruter la surface et n’y décelant aucune vague, ils étaient parvenus à la conclusion que le nombre d’indécis était élevé. Or, sous ce calme apparent une lame de fond se préparait.

S’il y a une leçon à tirer des législatives 2019, c’est que les nouvelles dynamiques rendent caduques les prédictions basées sur des données dépassées.