Publicité

Blanchiment

28 mars 2018, 07:27

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Depuis que Maurice commence à réfléchir audelà de la canne, ses ambitions dans le domaine de l’immobilier n’ont cessé de grandir. La clientèle est étrangère. Les fonds aussi. Mais d’où viennent ces fonds ? Que fait-on pour savoir d’où ils viennent ?

Depuis 2007, le groupe d’action financière (GAFI), une agence intergouvernementale de lutte contre le blanchiment, tire la sonnette d’alarme. L’immobilier est une filière lucrative pour le transit de l’argent mal gagné. Ce qui fait son succès c’est que les agents immobiliers et développeurs sont peu ou mal préparés à repérer ces tentatives de blanchiment.

Aux États-Unis, on soupçonne que l’argent russe aurait ainsi nourri les ambitions immobilières du gendre de Donald Trump. À Vancouver, au Canada, le marché aurait flambé sous l’afflux d’argent caché de Hong Kong. Et à Londres, on s’insurge des distorsions de prix alimentées par l’argent étranger dont la provenance reste floue, qui prive les Britanniques de logements dans leur propre ville, un des griefs portés par les promoteurs du Brexit.

Les États, dit le GAFI, devraient se doter de moyens pour repérer et sanctionner ces abus.

Pour les repérer, il est possible d’identifier des scénarios-types. Chris Quick, un ancien agent du FBI spécialisé dans les délits financiers, présente dans le «Washington Post» une de ces méthodes : «Comme pour toute forme de blanchiment d’argent, ce qu’on tente de réaliser est que l’argent mal acquis passe pour des gains légitimes. Donc, le plus simple est d’acheter une propriété avec des fonds illégaux, de la détenir un moment, d’en tirer des revenus de location afin que les loyers passent pour légitimes et, par la suite, de revendre le bien afin que les recettes de la vente passent aussi pour légitimes».

Dans les grandes métropoles, le réveil des régulateurs a placé les professionnels de l’immobilier face à leurs responsabilités. Plus question pour les vendeurs de plaider la naïveté. Des questions simples méritent d’être posées pour repérer les transactions à risque : le client achète-t-il pour ses propres besoins ? Les prix des transactions immobilières sont-ils sous- ou surévalués ? Le client achète-t-il sans même avoir visité ? Le financement est-il personnel ou est-il caché par des sociétés écran ? Les vendeurs désormais sont tenus de se tenir à distance de situations ambigües et, au besoin, d’alerter les autorités.

À cela s’ajoutent de nécessaires sanctions.En France, un organisme dédié au contrôle des flux financiers dans l’immobilier a été institué en 2009. Les premières sanctions sont tombées en 2013. À Londres, il a fallu attendre 2017 pour voir les premières saisies de biens soupçonnés d’avoir servi au blanchiment.

Les barrières réglementaires sont désormais plus difficiles à franchir dans les grandes métropoles. Reste encore dans le monde une masse d’argent sale à blanchir. Un argent susceptible d’être redirigé vers d’autres destinations. C’est ce qu’anticipe le GAFI qui, depuis 2007, estime que les pays en développement se prêtent à ce genre de transactions. Dans ces cas, l’absence de véritable marché bien organisé, l’absence de structures de comparaison des prix, et les accords faciles avec les banquiers, notaires, cadastres et réseaux d’agents immobiliers rendent les enquêtes plus difficiles.

La destination Maurice peut prétendre prendre la place des grandes métropoles dans la filière du blanchiment : une offre abondante de propriétés clé en main, des forces de vente de projets immobiliers peu ou pas du tout formées, un marché pas assez dynamique, propice à des variations de prix inexpliquées, des obligations légales faiblement contraignantes. Ajoutons à cela des dirigeants qui estiment le premier coup d’oeil à l’investisseur un mode de «due diligence» normal. Toutes les conditions sont réunies pour que les blanchisseurs reconnaissent dans notre comportement un appel accueillant et bienveillant à déposer les fonds à blanchir.

Ne serait-il pas temps que le pays se réveille et se donne les moyens de mieux réglementer cette filière ?