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Une question d’eau

10 novembre 2014, 13:56

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Prenant exemple sur Singapour, qui a su accompagner son développement économique de l’amélioration continue de son système d’approvisionnement en eau, l’auteur appelle l’Etat et la population à se pencher sur ce problème.

 

Passons sur les récriminations et les manifestations des usagers lésés par la CWA. Voyons le fond du problème de l’eau surgissant chaque année, à partir du mois d’octobre, avec l’annonce par la CWA et le ministère responsable de la situation chaotique de nos réservoirs et des nappes phréatiques. Les explications archi répétées quant aux causes prétendues de cette situation ne convainquent plus personne.  Il y a à peine deux ans que le niveau des réservoirs était tombé autour de 25% de leurs capacités normales. Les autorités avaient dû d’urgence avoir recours à des moyens extraordinaires, comme détourner Mare Longue vers Mare aux Vacoas, ou encore avoir recours à des experts singapouriens pour trouver une solution durable à ce problème. Les Singapouriens sont depuis partis et ont sans doute remis leur rapport, mais depuis, on entend plus rien et le problème reste entier.

 

Justement, on pourrait se demander : pourquoi les Singapouriens ? Il faut savoir que Singapour est une ville-Etat  de 680 km2, dont la population est presque 5 fois plus grande que celle de Maurice, et dont la croissance  économique tourne autour de 13 à 15 %. Et cela malgré le fait que ce pays était incapable de stocker l’abondante eau de pluie dont il bénéficiait de par le fait qu’il est situé tout près de l’Équateur. De plus, Singapour ne possède pas de nappes phréatiques. Donc jusqu’aux années 1990 et 2000, ce pays était obligé d’importer de l’eau de la Malaisie voisine à travers, d’un contrat qui liait les deux Etats depuis que Singapour a obtenu son indépendance le 9 août 1965. Singapour a aussi pour surnom «la Ville Jardin» du fait que la végétation y est omniprésente.

 

Dès 1963, le gouvernement d’alors, conscient du problème d’eau à Singapour, créa le Public Utilities Board (PUB) pour gérer ce dossier, avant même le grand développement économique qui a fait de ce pays ce qu’il est aujourd’hui. Après l’indépendance, le gouvernement fit du développement de l’eau une «priorité politique, scientifique et économique» pour affranchir le pays des importations d’eau.  Et en sus de l’assainissement des cours d’eau autrefois hyper pollués, il existe aujourd’hui 14 réservoirs dans le pays, dont le plus important est le Marina Dam. De plus, du point de vue des ressources en eau, le réaménagement et le nettoyage ont permis de séparer complètement les systèmes de drainage et d'égout, ce qui a ensuite été indispensable pour le développement des futures ressources en eau.  Malgré l’efficacité de la dépollution et des aménagements pour l’approvisionnement en eau, Singapour possédait toujours des ressources insuffisantes en 2000. Donc si ce pays est aujourd’hui presque autosuffisant en eau, la bataille n’a été livrée et gagnée que durant les 14 dernières années.

 

Il reste encore à faire. Notamment au niveau de l’accord entre Singapour et la Malaisie pour l’exploitation de l’eau de Johar, petit Etat au sud de la Malaisie. La dépendance de Singapour en eau importée l'a forcé à accélérer la mise en place de nouvelles technologies pour produire ses propres ressources en eau. La cité-Etat a développé le projetNEWater pour la récupération des eaux usées et a construit récemment la plus grande usine de dessalement d'eau de mer en Asie, ainsi que de nombreux barrages et réservoirs. Elle vise à être totalement indépendante à l’horizon 2060.

 

On comprend mieux à partir de ce document le pourquoi du recours à l’expertise singapourienne  par le gouvernement sortant. Mais il faudrait surtout ne pas laisser le rapport de ces experts au fond d’un tiroir. Si Singapour a su accompagner son développement économique de l’amélioration de l’approvisionnement d’eau, Maurice aurait du s’y atteler depuis un certain temps déjà, soit depuis le commencement du développement économique. On nous posera le problème de financement.  Là, se posera la question de l’importance du métro léger par rapport à celui de l’eau. Depuis le Midlands Dam en 2004, le pays a connu la création de la cité d’affaires d’Ebène, les nombreux nouveaux hôtels, les shopping malls tels que Bagatelle ou Cascavelle, et tant d’autres activités qui représentent tant de nouveaux consommateurs d’eau, sans compter le rêve de 2 millions de touristes, tandis que les ressources en eau sont restées les mêmes. En cette veille de législatives, il  est plus qu’important que les Mauriciens dépassent les cancans électoraux habituels pour questionner les candidats sur le  besoin de développer nos ressources  en eau.