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Village de La Valette : Les raisons de la colère noire de Xavier-Luc Duval

12 juin 2011, 00:00

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Village de La Valette : Les raisons de la colère noire de Xavier-Luc Duval

La Valette a été dans l’actualité récemment à la suite de la menace d’expulsion proférée par le ministre de l’Intégration sociale, Xavier-Luc Duval, à l’encontre de ces familles qui ne respectent pas le contrat social. Incursion au cœur de ce premier village intégré de la NEF.

De la route principale à Bambous, c’est au bout d’un parcours de 1,2 kilomètre qu’on aperçoit La Valette. A quelques mètres de l’entrée du village, des jeunes ont fait d’un lopin de terre, avec des mauvaises herbes ici et là, leur terrain de foot. Plus loin, deux jeunes femmes font leur lessive à un point d’eau, qui sert aussi à l’arrosage des champs de canne.

De l’autre côté de la rue, se dresse une pâtée de maisons identiques, de couleur beige. Trois pièces chacune, en sus des toilettes et d’une salle de bain, cour clôturée, elles sont toutes équipées d’un réservoir d’eau de 450 litres et d’un chauffe-eau solaire.

Au total, 198 familles occupent ces logements construits depuis 2009 et loués à Rs 800 mensuellement par la National Empowerment Foundation (NEF). Pour en jouir, il faut respecter un contrat social, qui est de réapprendre un mode de vie en communauté après avoir habité des logements précaires ou vécu comme des squatters.

En plein cœur du village de La Valette, des garçonnets nu-pieds et torse nue, jouent à même la rue. A proximité, la construction de ce qui abritera une crèche et une école maternelle va bon train. Près du terrain de basket, deux containers abritent une supérette. Son propriétaire, plutôt hostile, ne souhaite parler de son parcours, à la suite de certains propos rapportés dans la presse.

La tournée se poursuit. Chez l’un des premiers habitants, la musique joue à fond la caisse. La cour est abandonnée. A part les mauvaises herbes, pas une seule culture de légumes ou de fruits. Trois hommes démontent les sièges d’une vieille voiture, sous le regard de leurs conjointes et d’une ribambelle d’enfants.

Changement de paysage à l’angle d’une rue attenante. Bred giraumon, bred de Chine, margoze, petsay, bananes sont cultivés chez Belinda. Elle n’est pas la seule à bien entretenir son chez-soi et à respecter son contrat social. Comme elles, plusieurs familles ont saisi cette opportunité et démarré une nouvelle vie depuis leur arrivée à La Valette.

Cathy, mère de trois enfants, s’attelle à préparer le dîner. Ce soir, ce sera bouillon de bred cresson et poisson frit. Son mari travaille pour une société de construction. Avec sa famille, elle a quitté Roche-Bois un an et demi de cela, pour s’installer à La Valette. Depuis, dit-elle, sa famille a beaucoup progressé économiquement.

« Auparavant, il nous fallait trouver Rs 2 500 par mois pour la location. Ici, nous avons de la chance d’avoir eu un logement à ce coût ainsi qu’un espace potager et un petit élevage de poulet. Mes deux aînés ont pu terminer leur scolarité et aujourd’hui l’un travaille dans le secteur du BPO et l’autre en tant que comptable dans un magasin », confie Belinda. Elle est à la recherche d’un travail à mi-temps pour pouvoir s’occuper de sa benjamine à son retour de l’école.

Cependant, elle ne cache pas la dure réalité de La Valette. Une poignée de ses habitants serait sans travail et Belinda avance que c’est surtout ceux qui ne veulent faire d’effort. Ils seraient endettés jusqu’au cou.

« En semaine, ils ne font que se plaindre de leur sort. Mais chaque samedi, c’est la fête dans le village. On se demande bien d’où ils sortent cet argent pour s’acheter des boissons alcoolisées. A un moment, ils avaient même saccagé les lampadaires avant de se mettre à détrousser les gens du village même en début de soirée », raconte Belinda. Celle-ci rêve d’un redressement de la situation pour une meilleure La Valette, où tout le monde vivrait en paix et en harmonie.

A 21 ans, Herman est employé par une compagnie de pose de faux-plafonds. Il nourrit le rêve de devenir menuisier professionnel et dit se démarquer de ces jeunes qui aiment vagabonder dans le quartier. Son plus gros regret : avoir dû arrêter l’école à 13 ans. Il aimerait aujourd’hui suivre des cours pour atteindre ses buts.

Il déplore toutefois le manque d’activités à La Valette pour les jeunes comme lui. Notamment, un terrain de football. Celui du village de Bambous, dit-il, se trouve plusieurs kilomètres plus loin, ce qui n’est pas du tout pratique pour ceux qui reviennent du travail tard dans l’après-midi.

Nous croisons Sadna, 22 ans, bientôt infirmière qualifiée. Elle raconte le changement de vie de sa famille depuis leur arrivée à La Valette. A Port-Louis, où elle résidait avec ses parents et ses quatre frères et sœurs, ils ont connu la misère 20 ans durant. Sadna, qui passe la majeure partie de son temps au travail, dit n’avoir rien à reprocher à ses nouveaux voisins.
Le tour de La Valette se termine avec Jimmy Carr et Ben Schulz. Ces deux jeunes Britanniques de 19 ans habitent La Valette depuis dix mois. Travailleurs sociaux œuvrant pour le compte du Project Trust, la NEF les héberge dans l’une des maisons de La Valette.

Alors que Jimmy apporte un soutien scolaire aux enfants du village en leur enseignant l’anglais, l’informatique et en leur apprenant le dessin, Ben est lui professeur de musique. Il donne des cours de guitare aux enfants et aux jeunes. Tous deux sont aussi accompagnateurs et veillent à ce que les enfants ne ratent pas l’école.

« Ici, nous avons des enfants qui ne veulent pas aller à l’école. D’autres sont abusés physiquement par leurs parents. Ces derniers sont tellement dans le besoin qu’ils n’arrivent pas à payer leur loyer, l’eau et l’électricité. Toutefois, avec la construction de la crèche et de l’école maternelle, beaucoup de femmes jusque-là au chômage pourront aller travailler pour subvenir aux besoins de la famille », confie Jimmy, à l’aise dans un kreol entrecoupé de bribes d’anglais.

Avec son ami et quelques jeunes de la localité, ils ont également organisé des journées récréatives pour les familles à La Valette. Hier, samedi 11 juin, ils devaient rentrer en Angleterre, leur séjour bénévole arrivant à échéance.

« Nous avons eu une aventure riche en rencontres et en événements à La Valette. Les habitants nous ont accueillis chaleureusement et nous espérons que les plus petits et les jeunes mettront en pratique ce que nous leur avons inculqué », a conclu Ben.