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Réussite picturale autour de Malcolm de Chazal

19 mars 2006, 00:00

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Une agréable surprise attend les visiteurs à la galerie Malcolm-de-Chazal, à la patinoire Lake Point, dans la cour de l?hôtel de ville de Curepipe. L?exposition « Autour de Malcolm de Chazal », organisée dans le cadre de la célébration de notre fête nationale, regroupe un certain nombre d??uvres d?art qu?on découvre ou qu?on retrouve avec un plaisir inattendu ou renouvelé.

Il faut citer, en tout premier lieu, un bloc de basalte à demi taillé par Jeanne Gerval-Arouff, montrant un Malcolm de Chazal plus vrai que nature et son génie à l?état pur. La ressemblance est, bien sûr, fortement aidée par les accessoires or-nant ce roc qu?il est dans la pensée, dans la littérature mais aussi dans la peinture de Maurice. Nous voulons parler des éternels attributs de la pensée chazalienne que sont le feutre noir, dont il ne se séparait jamais, ses épaisses lunettes noires, son éternel n?ud papillon.

Mais il y a dans la taille, à coups de machette, de ce bloc de basalte, qu?on voudrait plus massif, d?indiscutables vestiges de son image altière, de son incontestable supériorité, de sa condescendance méprisante à l?égard de toute critique et de toute objection à son génie transcendant. Ces qualités sculpturales font que l??uvre de Jeanne Gerval-Arouff constitue le plus bel hommage qu?un artiste puisse génialement rendre à notre Malcolm de Chazal.

Un hôtelier avisé financerait à coup sûr l?aménagement dans l?enceinte de son établissement d?une réplique géante de cette ébauche. Mais peut-on garantir la réussite d?une réplique d?une entaille aussi géniale, pouvant donner à un bloc de basalte toute la détermination contenue dans un menton chazalien, dressé en avant pour répliquer par avance à toute contestation possible et future de son incontestable génie ?

Une saine vision caricaturale

En cas de réussite, nous pouvons, en tout cas, lui garantir que nos centaines de milliers de visiteurs annuels se bousculeront à l?entrée de son établissement pour venir admirer cette représenta-tion de ce génie gigantesque, à tous points de vue.

De Jeanne Gerval-Arouff nous passons directement à Roger Merven, autre talentueux artiste, aussi génial que notre Malcolm national mais agissant de préférence par le biais d?un humour corrosif mais tout autant efficace. Rog, c?est la goutte d?acide, sinon de vitriol, tombant sur le crâne lisse et poli (?) de Malcolm de Chazal, distillant une saine vision caricaturale, pouvant ramener notre génie national à des dimensions plus modestes et plus réelles. Le génie doit pouvoir affronter avec succès l?épreuve de ce filtre à la poudre d?émeri. Un peu de papier sablé n?a d?ailleurs jamais fait du tort à une quelconque renommée.

Pour commencer, Roger Merven à l?instar de son compagnon de farces et d?attrapes, l?ineffable Volcy, posant à notre Malcolm national 33 questions du style « des trois mamelles laquelle est la fausse ? » ou encore « la pluie se mouille-t-elle en tombant à l?eau ? », notre Rog national ose croiser le fer avec ce génie avec ses propres armes et sur son terrain préféré.

Rog dessine Malcolm à la manière de Chazal mais en le dédoublant et même en le triplant, faisant apparaître une double personnalité, le contraignant même à devenir le contraire de ce qu?il prétend être. Du coup, la toile chazalienne de Rog devient le chef-d??uvre de toute la peinture chazalienne. Rog aurait même pu mettre sa signature au-dessus de celle de Chazal, tant son savoir-faire pictural dépasse en perfection, en harmonie et en composition, les meilleures peintures chazaliennes.

L?art d?harmoniser les couleurs

Mais Rog va plus loin encore. Sa caricature en relief de Malcolm avec de simples morceaux de papier pour faire son nez proéminent, son menton mussolinien, son col en bataille, ses lunettes dressées comme des ergots, servant de garde à un nez que n?aurait pas dédaigné Cyrano de Bergerac, un nez aussi menaçant que la lance de Don Quichotte, défiant le qu?en-dira-t-on et tous nos lieux communs. Ces moulins à vent n?ont qu?à bien se tenir. Léon Bloy aurait apprécié. La caricature montrant Malcolm alpiniste chevronné, allant d?une cime à l?autre, prêchant le malcolmisme au reste de l?univers, paraît fade à côté des précédentes réussites.

Sachant que Rog compte à son actif toute une collection de caricatures de politiciens des années 1980, réalisées à l?aide de morceaux de papier se prêtant de bonne grâce à toutes les facéties méchantes et caricaturales de ce dessinateur hors pair, nous sommes en mesure d?avancer que les promoteurs de la Galerie Malcolm-de-Chazal seraient bien inspirés, en décidant de nous organiser, au plus vite, une exposition, mettant en exergue tout le savoir-faire de l?inimitable Roger Merven.

Après Jeanne Gerval-Arouff et Rog, le regard du visiteur avisé se tourne naturellement vers la participation de Saïd Aniff Hossanee et de Rikesh Boodhun. Ils ont appris de Malcolm de Chazal l?art de conjuguer, d?opposer mais aussi d?harmoniser les couleurs. Boodhun y met davantage de structures pour obtenir des compositions plus élaborées. Plus chazalien, Hossanee se laisse griser par le mouvement de son pinceau et des couleurs. L??uvre est plus élaborée que celle plus simple, plus unitaire, que les peintures chazaliennes. L?émo-tion qu?elle suscite est pourtant la même.

Nathalie Louise se révèle une redoutable portraitiste. Elle maîtrise assez le clair-obscur pour diriger la lumière sur l?âme chazalienne, révélée par un regard rieur, plein d?assurance et de supériorité. Cela fait un peu film américain de série noire mais avec une dérision qui donne à la fois de la légèreté et du sérieux à un portrait plutôt réussi et faisant honneur à l?exposition « Autour de Malcolm ».

Laval Ng, en revanche, est très peu chazalien. Sa toile est pourtant belle et donne l?impression d?une réalisation d?Éléonore Fini mais avec une virilité, une fermeté dont elle serait peut-être incapable de faire montre. Laval Ng prouve qu?il peut être onirique quand il le veut. Sa toile est hermétique à souhait. On ne se lasse pourtant pas de la contem-pler et de l?admirer. Elle invite au rêve. L?essentiel est atteint.

Sylvio de la Peyre, Shiam Persand, Joanne Martingale, Paméla Venkatasamy, Vijayluxmi Beeharry-Panray, Geeta Rampersad, Anna Lam, Nathalie Perrichon, Nirmala Luckeenarain complètent, avec plus ou moins de réussite, cette exposition à la gloire de Malcolm de Chazal. On peut regretter l?absence d?Alain K?nig, de Véronique Leclézio et d?autres peintres ayant été grandement influencés par le renouvellement donné à la peinture mauricienne par l?éternel Malcolm de Chazal.