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Trisha Boodhoo: «La Suède a impressionné par l’accent mis sur la participation des enfants»

2 février 2023, 18:00

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Trisha Boodhoo: «La Suède a impressionné par l’accent mis sur la participation des enfants»

La psychologue clinicienne au sein du Centre d’éducation et de développement pour les enfants mauriciens (CEDEM) était la seule représentante de la société civile à la 92e session du Comité des droits de l’enfant à Genève, au cours de laquelle les experts ont interrogé les délégations de sept États membres, dont celle de Maurice, sur leur appropriation de la Convention relative aux droits de l’enfant et ses protocoles facultatifs. Elle fait une appréciation de ce qu’elle a vu et entendu, notamment sur la prestation de la délégation mauricienne.

Pour ceux qui ne le savent pas encore, qu’est-ce que le comité des droits de l’enfant ?

Ce comité est composé de 18 experts indépendants, qui ont des connaissances très pointues sur les réalités des enfants à travers le monde. Ils sont chargés de surveiller l’appropriation et l’application de la convention relative aux droits de l’enfant et ses protocoles facultatifs notamment celui ayant trait à la vente d’enfants, la prostitution des mineurs, la pornographie mettant en scène des enfants, signé et ratifié par Maurice, celui portant sur l’implication des enfants dans les conflits armés, signé et ratifié par Maurice, et celui axé sur une procédure de présentation de communications, signé mais non ratifié par le gouvernement mauricien.

Au cours de cette 92e session, qui se déroule depuis le 16 janvier, et ce, jusqu’au 3 février, au Palais Wilson de l’Organisation des Nations unies (ONU) à Genève, en Suisse, ces experts interrogent les délégations officielles des pays membres sur les rapports qu’ils ont déjà soumis. Si les délégations n’ont pu répondre à toutes les questions, elles ont 48 heures pour revenir avec les réponses appropriées. La délégation mauricienne, qui était dirigée notamment par la ministre de l’Égalité des genres et du Bien-être de la famille, Kalpana Koonjoo-Shah, a été interrogée les 17 et 18 janvier.

 En quelle capacité étiez vous présente à cette 92e session ?

Depuis 2017, le CEDEM a un statut consultatif spécial au sein de l’Economic and Social Council (ECOSOC) de l’ONU, ce qui nous permet de nous inscrire et d’assister aux événements de l’ONU. Le CEDEM a toujours été intéressé à trouver les moyens pour s’y rendre afin de mieux comprendre le fonctionnement du système de l’ONU et voir comment mieux se conformer aux normes internationales. Le CEDEM reçoit régulièrement des sollicitations en ligne d’ECOSOC pour que nous puissions apporter notre contribution sur la situation des enfants à Maurice. Je tiens à préciser que, dans le passé, le CEDEM a même mobilisé la participation de quelques enfants aux Nations unies à New York.

 En tant qu’observatrice du CEDEM, comment avez-vous trouvé la prestation de la délégation mauricienne ?

J’ai constaté que la délégation mauricienne était préparée pour faire face aux questions spécifiques et très ciblées des experts sur différentes thématiques. Par exemple, les experts ont voulu savoir pourquoi les données sur les enfants mauriciens n’étaient pas suffisamment ventilées afin de permettre une meilleure analyse de leur situation. La ministre a reconnu qu’il faudrait améliorer la base de données les concernant. (...) Les membres du comité ont aussi fait ressortir qu’ils apprécient le fait que le gouvernement ait introduit plusieurs législations concernant les enfants, telles que la Children’s Act, la Child Sex Offender Register Act ou encore la Children’s Court Act. Mais ils se demandent pourquoi les dispositions de la convention n’ont pas été incorporées telles quelles dans lesdites lois. Ce à quoi la ministre a répondu que l’esprit de ces lois se rapproche des dispositions de la convention. Les experts ont tenu à s’assurer que la punition corporelle ne s’appliquait pas dans les écoles et ailleurs et aussi quel était le budget alloué aux enfants. (...)

 Parmi les sept pays interrogés sur leur rapport, lequel a été considéré le meilleur élève ?

Je ne peux pas répondre à cette question car je n’ai pas assisté à toutes les présentations des sept pays. Par contre, je dois insister sur le fait que la Suède m’a impressionnée, en particulier sur la thématique de Child Participation. J’ai eu l’occasion de converser avec des membres de cette délégation, qui étaient accompagnés d’un représentant de Save The Children Sweden. Ils ont soumis plus d’une vingtaine de rapports d’enquêtes menées sur le terrain par des enfants dans leurs régions respectives. Ces derniers étaient bien sûr encadrés par des adultes. Leurs données ont été soumises au comité interrégional et compilées dans le rapport national, rédigé lui aussi par des enfants. Le comité d’experts a beaucoup apprécié le rapport présenté par ces jeunes voix de la Suède. Il y avait d’ailleurs cinq enfants suédois du comité interrégional, qui étaient présents. Le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme a d’ailleurs organisé une réunion séparée avec eux pour savoir ce qu’ils pensent et s’ils sont satisfaits de la performance de leur pays. Cela m’a donné des idées sur l’encadrement des enfants pour Maurice, sur comment on peut les former, les écouter et les préparer à prendre les devants.

 Les autorités mauriciennes encouragent-elles la participation des enfants par rapport aux projets de loi les concernant ?

La question a été posée par les experts car dans le contexte de l’ONU, la voix des enfants a autant d’importance que celle des adultes. La ministre a répondu que les enfants sont consultés. Je sais que le ministère organise des formations et d’autres activités et que les enfants sont invités. Il y a aussi le bureau de l’Ombudsperson for Children, qui valorise la parole de l’enfant. La question des experts était : est-ce que les enfants sont consultés au préalable par rapport aux législations qui vont les concerner et leurs opinions par rapport à ces lois sont-elles considérées ? Je crois qu’il y a des efforts à faire à ce niveau. La participation des enfants, ce n’est pas les mettre rien que pour la galerie. Il faut autonomiser les enfants pour qu’ils comprennent ce qui est attendu d’eux et qu’ils puissent alors exprimer clairement leurs opinions. Il faut préparer les enfants pour qu’ils assument des responsabilités. C’est ainsi que la convention prendra vie à travers les enfants.
 

Bio express

<p>Cette Vacoassienne, dont le père est un ancien maître d&rsquo;école et la mère enseignante de hindi, a fréquenté l&rsquo;école primaire Aryan Vedic Aided School et s&rsquo;est classée 42e à l&rsquo;examen du CPE. Ce qui lui a ouvert les portes du Queen Elizabeth College. C&rsquo;est son frère aîné qui lui a fait connaître le CEDEM et depuis l&rsquo;âge de 17 ans, elle y agit comme volontaire durant son temps libre. À la fin de sa scolarité au secondaire, qu&rsquo;elle réussit brillamment, lorsque se pose son choix de carrière, la première idée qui lui vient en tête est comment elle peut contribuer à améliorer le sort des enfants de cette organisation non gouvernementale. Si les options qui feraient plaisir à ses parents sont la médecine ou encore l&rsquo;ingénierie, elle pense aussi à la psychologie. Elle fait des demandes d&rsquo;admission pour ces matières auprès de l&rsquo;université de Maurice et la première faculté à l&rsquo;accepter est celle de psychologie. Elle se jette à l&rsquo;eau et obtient sa licence avec un &laquo;First Class Honours&raquo;. Comme il n&rsquo;y avait pas de possibilité de faire une maîtrise à Maurice à l&rsquo;époque, vu sa passion pour cette discipline, ses parents acceptent de se &lsquo;saigner&rsquo; pour l&rsquo;envoyer faire des études supérieures à l&rsquo;université de Leicester en Grande-Bretagne. Elle est la seule parmi la cohorte d&rsquo;étudiants étrangers à compléter et réussir son doctorat en psychologie clinique qu&rsquo;elle termine en 2016. La même année, elle est embauchée par le Royal Free London NHS Hospital et encadre des enfants souffrant de troubles psychologiques. Elle aurait pu faire carrière en Grande-Bretagne mais décide de regagner Maurice à la fin 2017 car elle est consciente qu&rsquo;il y a beaucoup à faire pour les enfants vulnérables. En 2018, elle est recrutée par le CEDEM, qui cherchait une psychologue clinicienne pour deux de ses centres. Et quand l&rsquo;organisation ouvre un troisième centre cofinancé par l&rsquo;Union européenne en avril dernier à Floréal, elle y agit aussi comme &laquo;Project Manager&raquo;. Le CEDEM accueille des enfants victimes de diverses formes d&rsquo;abus, tous référés par la CDU.</p>