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Françoise Degeorges: «Passer par la musique pour parler de la vie des gens c’est la chose la plus magnifique qui soit»
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Françoise Degeorges: «Passer par la musique pour parler de la vie des gens c’est la chose la plus magnifique qui soit»
Le groupe Tiombô, réunissant Menwar, le percussionniste Kersley Sham, le chanteur Olivier Araste (Lindigo) de La Réunion et Fixi, accordéoniste de France, se produira le premier soir du Festival du livre de Trou d’Eau Douce, à l’IFM. Françoise Degeorges, directrice artistique du groupe nous en parle.
Parlez-nous du groupe que vous avez construit autour de Menwar. Il sera présent au Festival du livre de Trou d’Eau Douce.
Il s’appelle Tiombô, qui veut dire «Tiens bon». Kersley Sham, le percussionniste mauricien est à l’origine du groupe avec moi. Il en avait déjà l’idée, quand il m’en a parlé, je lui ai dit, tope-là, on le fait ensemble, parce que c’est une idée extraordinaire. Il faut vraiment y aller à fond.
De productrice sur France Musique à directrice artistique de Tiombô, il n’y avait qu’un pas ?
Je ne fais pas souvent ça, mais seulement quand j’ai de très grands coups de coeur. C’est la deuxième fois que je le fais. J’avais crée un groupe dans le nord-est du Brésil, le Pernambouco Quartet, avec quatre solistes extraordinaires.
Tiombô, c’est la rencontre de quatre personnes : Kersley Sham, Menwar, Olivier Araste de La Réunion et Fixi, accordéoniste de France. C’est la rencontre de générations, de respect l’une en vers l’autre. C’est une rencontre presque d’ordre spirituelle. Il y a des messages qui doivent être relayés. Il y a des artistes qui sont à un point de leur carrière. Toute cette alchimie fait quelque chose de très puissant et de très particulier.
Comment un tel groupe s’intègre-t-il dans la programmation du Festival du livre de Trou d’Eau Douce ?
On peut tout faire avec le festival du livre. C’est le festival de l’imagination aussi. Tiombô c’est justement une porte ouverte sur les imaginaires, sur le monde au sens le plus métissé du terme. Tiombô est comme un livre ouvert. Le groupe a été crée il y a un an et demi. On n’a pas beaucoup joué parce que c’est compliqué entre Olivier Araste qui est à La Réunion, Menwar à Maurice, Kersley Sham et moi à Paris. Mais ça va changer. Dans le cadre du festival, le groupe se produira le jeudi 6 octobre à l’Institut Français de Maurice, après la journée professionnelle.
Et après le festival, le groupe sera sur les routes ?
Oui, il y a un programme d’engagements, de tournée et d’enregistrement d’album à la fin de l’année.
L’étiquette «Musiques du monde» ça vous va ou ça vous irrite ?
Je m’en fiche. Je ne comprends pas du tout cette barrière entre les musiques. Je viens de la musique classique, j’ai dansé la musique traditionnelle parce que je suis d’origine basque, j’ai chanté toutes les musiques pendant des années.
Pour parler de Tiombô, il faudrait dire quoi ?
C’est une musique qui porte en elle les origines, l’histoire de ces îles et qui est en même transfiguré par les artistes qui la porte.
Votre parcours donne l’impression que vous connaissez la musique mauricienne mieux que les mauriciens.
Cela arrive quelque fois. Cela fait plus de 25 ans que j’aime cette île. Je viens très souvent, j’y ai beaucoup d’amis. Forcément, j’ai réfléchi à la musique, à la culture, à la société de l’île Maurice à travers des artistes comme Menwar et aussi Fanfan. J’ai fait des disques pour la collection Ocora, dont un avec Fanfan (NdlR : sorti en 2017) que j’aime beaucoup. C’est vrai que j’ai vu l’île Maurice de l’intérieur. J’ai une longue histoire avec l’île Maurice et n’oublions surtout pas l’île Rodrigues.
Comment démarre votre histoire avec la république de Maurice ?
Par hasard. J’ai une petite fille brésilienne. Nous venons passer des vacances. Je vais à Péreybère et je rencontre un pêcheur qui vient là tous les jours. Il est en fait le neveu d’une chanteuse traditionnelle de l’île Rodrigues qui s’appelle Gro Fi. Quand je suis repartie à Paris, je rencontre des gens d’Air Mauritius. Ils me disent qu’ils connaissent mon émission (NdlR : Ocora Couleurs du monde sur France Musique). Ils me demandent si je serais intéressée par un sujet à l’île Maurice. J’ai dit oui, que j’avais justement envie de revenir à l’île Maurice après ce premier voyage et de rencontrer Fanfan que je connaissais par ses engagements et par ses textes poétiques. Et pourvoir aussi aller à l’île Rodrigues rencontrer Gro Fi et tous les autres musiciens et chanteurs que j’ai rencontré par la suite comme Lorenza Gaspard, Tino Samoisy et beaucoup de gens (NdlR : le disque Sega ravanne mauricien et Sega tambour de l’le Rodrigues est sorti pour la première fois dans la collection Ocora en 1983). Ocora c’est la collection patrimoniale de Radio France.
On connait surtout le disque Ocora consacré à Ti Frer.
Ti Frer, cela a été l’un des premiers disques avec l’île Maurice. Ensuite, il y a eu Fanfan, c’est celui que j’ai fait. Il y a aussi eu l’hommage à la ravanne avec Menwar qui avait invité beaucoup d’amis à lui à venir jouer sur cet enregistrement pour célébrer cet instrument emblématique de l’histoire de l’île Maurice.
Pendant le premier voyage à Maurice et Rodrigues, je suis aussi passée à La Réunion avec Firmin Viry (NdlR : grande figure du maloya). Suite à ce voyage, je suis revenue pour faire un disque avec Firmin Viry, un autre avec Fanfan. C’était mon premier disque, il s’appelait Réunion Maurice Rodrigues chez Auvidis Silex où j’intégrais Gro Fi, Lorenza Gaspard et d’autres de Rodrigues.
Qu’est-ce qui vous plaît autant dans ces musiques des Mascareignes ? Des musiques qui sont loin des circuits commerciaux.
C’est pas tellement la musique. La musique je l’adore. J’aborde toujours la musique à travers l’histoire des personnes. Ce qui m’a plu c’est le contact que j’ai eu avec la population à l’île Maurice et à Rodrigues. J’ai été extrêmement touchée par les gens.
J’intègre aussi, avec Menwar l’histoire des Chagos qui n’est pas loin, qui est aussi une histoire difficile. J’ai vraiment eu envie d’être avec eux. J’ai enregistré grâce à Menwar des artistes chagossiens qui sont à Maurice. Il y avait Lisette Talate surtout. Ce n’est pas moi qui ai fait le disque sur Charlesia Alexis, je ne l’ai pas rencontrée.
La musique a une fonction. Elle exprime toute la vie des gens. Passer par la musique pour parler de la vie des gens c’est la chose la plus magnifique qui soit.
Vous avez appris le créole ?
Je le comprends. Je ne le parle pas. Il faudrait rester en immersion pour ça. Quand les gens parlent vite entre eux, je ne comprends rien.
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