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Rose-Hill: une page se tourne…

30 juin 2019, 20:15

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Rose-Hill: une page se tourne…
 
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La ville – temporairement défigurée – change de visage. Le métro arrive, le passé s’en va. Les souvenirs restent. Le petit pincement au cœur aussi.

Une chaussure rouge abandonnée sous un abribus. Des barrières en tôle bleu ciel, plus nombreuses que les nuages gris. De la poussière marron, de la boue caca d’oie aux pieds des colosses en béton. Rose-Hill en voit de toutes les couleurs.

À la gare, les bus valsent toujours, mais plus sur la même musique. Le rythme est lent, le temps s’est figé. On attend le métro, le progrès est en marche. Les pigeons roucoulent. Les collégiens, «galan polipot» en mal d’amour, eux, ont déserté les lieux, hormis quelques diehard.

Bouffée de nostalgie pour Meenakshi, 33 ans. «Monn zwenn mo bolom Rose-Hill mem. Nou ti pe frékanté kan mo ti pe travay magazin, inn gagn 10-z-an. Nepli éna mem sarm aster.» La maman de trois enfants, qui se cache derrière les plumes de paon pour qu’on la prenne en photo, tient une échoppe au marché. Difficile de tout balayer d’un coup de pelleteuse. «Travay inn tonbé, pena lanbians. Leker inpé fermal kan pans lepok lontan…»

À quelques pas, chez le marchand de tisanes, les grilles sont fermées en ce jeudi après-midi. Le bazar n’est plus aussi joyeux qu’avant, à la foire. Installées au milieu des feuilles sèches, les pancartes proposent des remèdes contre la constipation, les ulcères. Pas de laxatif pour évacuer la mélancolie, pour effacer les souvenirs bulldozés par les grues.

Eux rient de bon cœur, avalent des bières dans des gobelets en plastique, à côté de leurs papayes étalées à même le sol. Gervais Caliste, 44 ans, et Kursley, 28 ans, marchands ambulants, se rappellent le bon vieux temps. «Wawa, nou res Rose-Hill meme nou. Pa pé dir pa bizin éna progré, mé lanbians-la dan bez pou lé moman. Pa parey. Tiabon kan zafer métro-la vini pou pli sérié, kouma avan.» Et d’ajouter: «Get sa gajak-la enn kout, enn lespes dipin nounn asté kot sa *** (censuré). Sinon Rose-Hill inpé prizon-la.» Et de rajouter, entre parenthèses: «É, fer koné sinon ki bizin legalize it ein, simik pe touy zanfan dimounn…»

Des barres de ferraille planent au-dessus des têtes, à l’endroit où se dressait jadis Arab Town. Des ouvriers souriants mettent le cœur à l’ouvrage, le travail va bon train. Autour, peu d’entrain. Au milieu des rares passants, à côté des poubelles, une chaise qui a fait son temps. Décidément, ça ne ressemble plus au Rose-Hill d’antan.

 Retour à la gare, histoire d’y jeter enn dernié regar. Attendant sagement, des chauffeurs de taxi, alignés en rang. Parmi eux, Shriva, 55 ans. «Fer 15-z-an mo Rose-Hill, monn trouv bann zafer sanzé, mé zamé otan. Mo pa dir li pa bon, bizin progré...»

 Plus loin, les images défilent dans la tête de Romesh (prénom d’emprunt), 62 ans, marchand de gâteaux. Il esquisse un sourire maussade, tient à préciser que non, il n’est pas malheureux. N’empêche qu’il a lui aussi du mal à dire, au vieux Rose-Hill, adieu.

Rose-Hill, Metro Express et travaux.
Rose-Hill, Metro Express et travaux.