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Roupsha Balisson: un mental d'acier

17 juillet 2017, 01:30

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Roupsha Balisson: un mental d'acier

Une battante. C’est le sentiment que laisse cette jeune fille de 18 ans, à la santé fragile. Elle souffre d’anémie et a eu des transfusions sanguines à plusieurs reprises durant les cinq dernières années. Mercredi, lors de notre visite chez elle à Cité Anoska, 16e Mille, elle a dû se rendre d’urgence à l’hôpital Jawaharlall Nehru, en raison de douleurs au ventre et de faiblesse. Elle tient, malgré tout, à faire l’interview à son retour. Roupsha Balisson est clairement en sous-poids. Elle pèse 38 kilos pour 1 m 58.

Même si son physique est frêle, son mental est solide comme le roc. «Mo anvi tir mo fami dan sa problem povrété-la ek fer Cité Anoska vinn enn Heaven», dit-elle avec détermination. La pauvreté, cette aînée d’une famille de trois enfants la vit depuis qu’elle est en bas âge. Tout allait bien lorsque son père Devjeet, 35 ans, travaillait pour le groupe Samlo. Sauf qu’à un moment, des saignements répétés du nez l’obligent à aller consulter un médecin et à subir des examens. Les résultats sont catastrophiques : il souffre d’un trouble cardiovasculaire sérieux, couplé à un ulcère et à une complication à la colonne vertébrale. Les travaux lourds lui sont interdits. Il est contraint d’abandonner son emploi.

Et ce n’est pas Artee, son épouse, qui plante des fruits et légumes dans un potager devant leur maison à des fins de vente, qui peut subvenir aux besoins de la famille. Car, en sus de Roupsha, il y a aussi Rish et Ashiana, 11 et trois ans respectivement aujourd’hui. «Lorsque mon père a dû quitter son travail, notre situation s’est compliquée. Nou ti pé manz boukou diri ek dilé an poud déléyé dan dilo. Mwa monn grandi avek kestard. Poul ek pwason, bien rar ti pé asté. Souvan arivé ki mama bizin fer griy lafarinn pou donn nou manzé ou fer roti pou plin nou vant. Zamé nounn konn al bazar asté légim. Mem aster nou pa kapav afford sa», confie-t-elle.

C’est à la Midlands Government School qu’elle fait ses études primaires. Elle a de bons résultats, mais elle se fait harceler par des enfants. Sa mère décide alors de l’envoyer à la Ste Thérèse RCA, à Curepipe. Toutefois, elle ne s’y plaît que moyennement et cela influe sur ses performances scolaires. Ayant obtenu 13 unités au Certificate of Primary Education, elle est admise au Presidency College. «Mes performances se sont améliorées là-bas et cela, malgré mon anémie et mes traitements», raconte-t-elle. De la Form I à la FormVI, Roupsha Balisson obtient plus de 90 % dans toutes ses matières, remportant chaque année le titre de Best Performance. Certains de ses enseignants l’encouragent à quitter l’école pour intégrer un établissement au statut plus réputé et tenter d’avoir une bourse de fin d’études. Roupsha Balisson tient bon. «Mo perswadé ki sé pa kolez ki fer zanfan aprann. Sé zanfan-la mem ki anvi aprann.» En Form V et VI, ne pouvant se payer des leçons particulières, elle va faire ses devoirs à la bibliothèque municipale de Curepipe.

Drapeau mauricien

Pour ses examens du Higher School Certificate, elle opte pour les Business Studies, car «séki monn aprann mo trouv li arivé dan lavi toulézour. Sé bann facts of life et sa motiv mwa konn plis ladan». Elle étudie aussi la comptabilité et l’hindouisme. Elle a pris part à l’examen final et attend ses résultats.

L’organisation SOS Village de Curepipe l’aidant pour ses études, elle est approchée, en avril 2016, par des responsables et par Yamal Matabadul, qui siège sur le comité national. Ils lui proposent de la parrainer pour une bourse d’études de deux ans à l’UWC de Costa Rica. L’UWC est un mouvement de 11 collèges, fondé en 1962 dans le sud du Pays de Galles. Il a pour objectif de réunir des jeunes de différents univers et de leur dispenser une éducation basée sur le partage, la collaboration et la compréhension.

Pour qu’elle puisse communiquer par Skype avec les responsables de l’UWC, son père s’endette pour lui acheter un ordinateur qui lui coûte Rs 675 mensuellement. Sans compter leur maison de la cité, dont le loyer est de Rs 350 par mois. Ils vivent sur sa pension d’invalidité, sur ce que gagne sa mère de la vente des fruits et légumes et sur des revenus offerts par leur dadi, qui donne un petit emploi à son père dans un carreau de légumes.

Roupsha Balisson passe tous les entretiens requis et est acceptée par l’UWC. Si sa bourse comprend son billet d’avion, l’hébergement, l’alimentation, les soins médicaux, l’assurance et 60 dollars américains d’argent de poche par an (Rs 1 800 environ), quelques vêtements chauds et une valise, il lui manque beaucoup de choses pour remplir ce bagage.

À commencer par des vêtements d’été et de grandes occasionspour, notamment, la participation au concours Model United Nations, entre autres, un imperméable, un maillot de bain, des serviettes, des chaussures de sport, des savates, des vêtements chauds pour la saison des pluies, des sous-vêtements, des affaires de toilette, du shampooing, de la crème solaire, de l’anti- moustique, des vêtements pour dormir et d’autres vêtements légers, un costume national, un drapeau mauricien, des draps et un oreiller.

Wonder Woman

Si elle va emporter son laptop avec elle, elle doit impérativement trouver une calculatrice scientifique et une autre graphique, des stylos, des pinceaux, de la peinture, une multiprise, un sac à dos pour transporter son matériel scolaire et des médicaments. Autant dire que ce sont des produits que Roupsha Balisson ne peut se permettre. «Je sais, il me manque beaucoup de choses. Mais cette bourse est la chance de ma vie. Je ne peux pas la laisser passer.»

De plus, les étudiants qui ont suivi les formations à l’UWC sont presque assurés d’obtenir une bourse d’études supérieures par la suite. Roupsha Balisson mise dessus, car elle veut se spécialiser en études environnementales, droits humains et politique internationale. Après quoi, elle remettra le cap sur Maurice. C’est vite dit. Et si elle y rencontrait l’homme de sa vie ? «Lomla nou pou gété apré mo retour. Apré, si enn dimounn kontan mwa, li pou ed mwa réaliz mo rev fer mo paran ek bann fami Cité Anoska sorti dan lamizer. Mem si nou pa mem etni, zamé personn isi inn mank mwa di respé. Kan ou dan difikilté dan Cité Anoska, sé bann étranzé ki pou dibout pou ou. Mo anvi fer sa bann dimounn-la avansé», dit-elle en remerciant tous ceux qui l’ont aidée. À l’instar des responsables de SOS Village, de Yamal Matabadul, de Maitreyi Singh, «kinn débat pou mwa», de la famille Bertrand, ainsi que tous ceux qui l’aideront à constituer et à boucler sa valise avant de commencer les cours au Costa Rica le 13 ou 14 août…

Pour la première fois la semaine dernière, et grâce à KIP Centre, elle a pu assister à une séance de cinéma en 3D au MCiné de Trianon. On y projetait le film WonderWoman. Elle a trouvé des similitudes entre l’actrice et elle. «Monn santi mo-mem enn Wonder Woman. Mo pa lé servi lafors kouma aktris-la mé lintélizans ek motivasion pou resi. Avec cela, rien n’est impossible.»