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L’importation d’oeufs et de poulets de Rodrigues interdite

17 août 2016, 08:42

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L’importation d’oeufs et de poulets de Rodrigues interdite

 

Alors que la fièvre aphteuse ne cesse de gagner du terrain à Maurice, le ministère de l’Agro-industrie a décidé d’interdire l’importation d’œufs et de poulets de Rodrigues. Une mesure temporaire, précise-t-on. Et en attendant le lancement d’une campagne de vaccination, plus d’une centaine d’animaux seront abattus cette semaine à Notre-Dame et Highlands.

Le ministère y a envoyé des machines, hier, afin de creuser des fosses pour enterrer les bêtes. À Notre-Dame, un taureau malade a été identifié dans une ferme, dimanche. Vu qu’il a été en contact avec d’autres animaux, décision a été prise de tuer 22 taureaux et une douzaine de moutons aujourd’hui. Même scénario à Highlands. Une bête a contracté la fièvre aphteuse et une cinquantaine d’autres seront abattues cette semaine.

Et, par mesure de sécurité, les porcs élevés illégalement sur le flanc de la montagne de Cité-la-Cure seront abattus. Selon les vétérinaires du ministère, il y a un risque qu’ils propagent la maladie.

Pendant ce temps, à Rodrigues, les éleveurs broient du noir. À l’instar de Jockenson Carpenen, 66 ans, que nous avons rencontré hier, mardi 16 août, à son domicile.

«Mo pié larzan inn fini»

Jockenson Carpenen, éleveur à Montagne-Croupier, réclame une rencontre avec les autorités locales.
Jockenson Carpenen, éleveur à Montagne-Croupier, réclame une rencontre avec les autorités locales.

Un véhicule de la Special Mobile Force passe devant la porte de Jockenson Carpenen, qui le suit du regard. Il nous informe que les soldats se dirigent vers Montagne- Croupier, à Rodrigues, là où il a son troupeau. «Zot pé al touy mo bann mouton…», lance cet habitant de Baie-Topaze. Il n’aura pas la force d’assister à la mise à mort de ses 90 moutons, tous souffrant de la fièvre aphteuse.

«Mo bizin vinn kasiet dan lakaz. Léker fer mal kan ou get bann lotorité pé touy ou zanimo koumsa», dit-il, la voix empreinte de tristesse. «Mo lelvaz sé mo lavi. Mo pié larzan inn fini.»

L’élevage est une histoire de famille chez les Carpenen. Le fils de Jockenson a d’ailleurs suivi ses traces. «Lui aussi a commencé jeune. Comme le marché est restreint dans l’île, je lui ai légué mes cabris. Son cheptel, d’une cinquantaine de têtes, n’a heureusement pas été touché. On espère que la maladie va les épargner», soupire-t-il.

Malgré les pertes subies à cause de la fièvre aphteuse, il refuse de se laisser abattre. Et entend tout recommencer. «Il faut que je nourrisse ma famille. Nous sommes à huit. Cela m’aide aussi à rester actif», souligne le sexagénaire, tout en reconnaissant que la tâche ne sera pas aisée. «Aujourd’hui, je me retrouve au chômage. J’ai une pension de vieillesse, mais ça va être très dur pour tenir la maison.»

La décision d’accorder une compensation aux éleveurs est ainsi saluée. «Mais je ne comprends pas ce grand écart entre ce que toucheront les éleveurs rodriguais et mauriciens. Rodrigues fait partie de la République», tonne-t-il.

«Véritable calvaire»

«La misère va s’installer dans l’île. Ça va être un véritable calvaire d’attendre trois ans», soutient Jockenson Carpenen. «Et qui sait combien de temps encore Rodrigues aura cette étiquette de zone infectée. Pour relancer l’élevage, il faudra que l’épidémie soit complètement éradiquée. Et, après ces trois ans, qui nous garantit que le marché de l’exportation sera toujours ouvert pour les éleveurs de l’île ?»

Comme beaucoup d’autres éleveurs, Jockenson Carpenen souhaite qu’une rencontre soit organisée avec les autorités locales. «On parle d’un plan de relance. Personnellement, j’aurais aimé qu’on nous donne la garantie qu’on pourra vendre nos bêtes comme c’est le cas depuis des générations.»

Sa suggestion ? «Le gouvernement devrait, après l’éradication de la maladie, faire provision pour d’autres bêtes afin de nous aider à redémarrer convenablement. L’élevage doit reprendre sa place dans l’île. On en a besoin.»

En attendant, Jockenson Carpenen s’est tourné vers l’agriculture. «Mais le manque d’eau constitue un problème. Cette année, j’ai perdu ma récolte d’haricots. Il y a un mois, j’étais en Inde où j’ai suivi une formation en agriculture pour exploiter les excréments des animaux au lieu des fertilisants, pesticides et autres. Malheureusement, avec cette épidémie, l’alternative du bio n’est pas exploitable.»

Des fosses ont été creusées à Notre-Dame, hier, afin d’y enterrer les animaux qui seront abattus.
Des fosses ont été creusées à Notre-Dame, hier, afin d’y enterrer les animaux qui seront abattus.