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Démission de Kailash Purryag : SAJ, le fin stratège

30 mai 2015, 14:00

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Démission de Kailash Purryag : SAJ, le fin stratège
Sir Anerood Jugnauth vient une fois de plus  démontrer qu’il est un fin stratège politique malgré ses 85 ans. Dans un communiqué laconique émis hier après-midi pour officialiser sa démission comme président de la République, Kailash Purryag a fait une étonnante révélation. Il indique dès la première phrase qu’il a conclu un accord avec le chef du gouvernement le 29 janvier pour qu’il fasse une croix sur Le Réduit à la fin de ce mois.
 
«Le président de la République tient à informer le public en général qu’un accord a été convenu le 29 janvier 2015, entre lui-même et le Premier ministre, qu’il démissionnerait de son poste fin mai 2015», indique le document faxé aux différentes rédactions par la State House à 14 h 33 hier. «Le président a honoré son engagement et a remis sa lettre de démission au Speaker de l’Assemblée nationale cet après-midi», est-il ajouté.
 
Dès ce  jeudi 28 mai, lorsque la nouvelle du départ de Kailash Purryag s’est répandue comme une traînée de poudre, la question du timing a été sur toutes les lèvres. Que ce soit au sein de la majorité ou de l’opposition. Chacun y est allé de son couplet, la rumeur d’un accord secret entre le président de la République et le Premier ministre ayant été alimentée depuis plusieurs semaines au sein de la classe politique sans que l’alliance Lepep ne bronche. 
 
Le communiqué de Kailash Purryag vient, pour ainsi dire, confirmer que sir Anerood Jugnauth a très bien calculé son coup. En effet, le choix de la date des élections municipales, qui auront lieu le 14 juin, était aussi de son ressort. Avec la nomination de la chercheuse Ameenah Gurib-Fakim comme future locataire du Réduit mercredi ou jeudi, les résultats du scrutin risquent fort d’être en faveur de l’alliance Lepep, plus particulièrement à Port-Louis et à Vacoas-Phoenix où celle-ci pensait perdre pied avec la chute du Groupe British American Investment.
 
La scientifique mondialement primée fait figure de symbole car elle sera la première femme, qui n’a pas été mêlée à la politique de surcroît, à accéder à un tel poste. La nomination d’Ameenah Gurib-Fakim pourrait être un baume au cœur pour une partie de l’électorat de ces deux villes…
 
Le n°4 du gouvernement Ivan Collendavelloo est le ministre qui a émis les critiques les plus virulentes contre Kailash Purryag depuis la prestation de serment du 18 décembre. Cela, d’autant plus que c’est le Muvman Liberater dont il est le leader qui a choisi Ameenah Gurib-Fakim. Il avoue aujourd’hui qu’il était au courant de l’accord et que c’est la raison pour laquelle il a cessé d’inviter Kailash Purryag à prendre la porte de sortie depuis le début de février. 
 
 
Outre sir Anerood Jugnauth, les leaders des trois partis composant l’alliance Lepep étaient dans le secret des dieux. Nul n’a cependant  révélé cet arrangement et c’est la déclaration de Showkutally Soodhun hier après-midi qui amuse. Ce vendredi 29 mai, il a dit à l’issue d’une conférence de presse sur les squatters que Kailash Purryag est parti de son plein gré. Sans pression aucune de l’alliance Lepep.
 
Dans les faits, le Premier ministre aurait fait comprendre à Kailash Purryag qu’il serait dans l’intérêt de tout le monde qu’il tire sa révérence. Et qu’avec l’avènement d’une nouvelle équipe gouvernementale après le scrutin du 10 décembre, il valait mieux que la présidente choisie par celle-ci prête serment.
 
Respectueux des traditions et du protocole, sir Anerood Jugnauth s’est peut-être attaqué à Kailash Purryag durant la dernière campagne électorale mais il s’est vite ressaisi lorsqu’il a été réélu. Il s’est même prêté à la traditionnelle séance de photo aux côtés de ce dernier lors de la prestation de serment des ministres de l’alliance Lepep le 18 décembre au Réduit. 
 
Au sein de l’hôtel du gouvernement, l’on souligne que sir Anerood Jugnauth aurait fait comprendre à Kailash Purryag qu’il a tout fait pour ne pas l’embarrasser. Soit, contrairement à Navin Ramgoolam. Ce dernier,  en 2005, l’avait incité à «lev paké» après l’humiliant exercice de prestation de serment de l’alliance Sociale sur la voie publique, en face de l’hôtel du gouvernement, en juillet 2005. Toutefois, sir Anerood Jugnauth n’avait pas cédé. 
 
Alors que l’opposition se réserve le droit d’évoquer le départ de Kailash Purryag ce matin, en attendant la traditionnelle conférence de presse hebdomadaire, le chef de file des députés travaillistes à l’Assemblée nationale se lâche auprès de l’express. 
 
Shakeel Mohamed exhorte Ameenah Gurib-Fakim à ne pas prêter serment cette semaine. «Je suis très heureux qu’elle ait été choisie pour être la future présidente de la République alors qu’elle n’a été membre d’aucun parti politique. Mais je lui dirai ceci : ayez le courage de montrer que vous pouvez attendre jusqu’au 15 juin», lance-t-il. 
 
Le député rouge explique que cette période de campagne électorale pour les municipales n’est pas indiquée pour qu’Ameenah Gurib-Fakim accède à ce poste. «Sinon, on aura l’impression qu’elle a été instrumentalisée par le parti au pouvoir», dit-il. «Quand sir Anerood a demandé à Kailash Purryag de partir, il n’était pas encore au courant de la date des élections municipales», assure un cadre de l’alliance Lepep.
 
Au sein de la majorité, la décision d’appeler les élections a été motivée par les divisions parmi les conseillers de la mairie de Port-Louis. «Il était plus dans l’intérêt de l’alliance Lepep d’attendre l’année prochaine pour une telle échéance», fait valoir un ministre. «Kailash Purryag devait toutefois partir pour permettre à sir Anerood d’honorer la promesse faite durant la campagne pour les législatives», plaide un cadre du Mouvement socialiste militant.
 
Reste maintenant à savoir quelle suite Kailash Purryag donnera à sa carrière. Ancien leader adjoint du Parti travailliste (PTr), il pourrait en prendre les rênes, le leader Navin Ramgoolam traînant plusieurs casseroles depuis février. Dans son entourage, l’on confie toutefois qu’il se consacrera à la promotion de l’éducation, son dada, et à la spiritualité. À 67 ans et avec une carrière bien remplie aux côtés du PTr, il veut se donner du temps avec ses petits-enfants. Et  à lui-même. ‏