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BAI: le mécanisme de la fraude

12 avril 2015, 20:02

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BAI: le mécanisme de la fraude

Le rapport intérimaire des conservateurs du cabinet PricewaterhouseCoopers (PwC) remis à l’hôtel du gouvernement cette semaine est plus qu’accablant. La British American Investment (BAI) aurait bidonné ses chiffres, selon André Bonieux et Mushtaq Oosman, afin de doubler ses actifs, tout en diminuant de moitié ses passifs.

 

De la Bramer Bank, en passant par le concessionnaire Iframac et l’hôpital Apollo Bramwell, tous les chiffres ont été gonflés dans une tentative de donner une image surfaite à l’empire de Dawood Rawat. La banque fermée au début du mois, par exemple, ne valait que Rs 2 milliards alors qu’elle a été surévaluée de Rs 8 milliards au nez et à la barbe des autorités concernées.

 

Trou de Rs 12 milliards depuis 2012

 

L’hôpital Apollo Bramwell, construit avec les fonds de la BAI, ne vaut que Rs 1,8 milliard alors que le groupe l’avait estimé à Rs 4 milliards. Le bâtiment, seul, a été évalué à Rs 2,4 milliards alors que le terrain appartenant à l’Etat a été estimé à Rs 87 millions. Mais pour les conservateurs, le bâtiment, ses équipements ainsi que les opérations qui vont avec pèsent Rs 1,8 milliard.

 

Les assets de la BAI ne valent finalement que Rs 15,9 milliards alors qu’elle-même s’était évaluée à Rs 33,5 milliards. Les liabilities avaient été présentées comme étant de l’ordre de Rs 25,8 milliards alors que, concrètement, elles sont supérieures à Rs 2,2 milliards. Avec un trou de Rs 12 milliards depuis 2012, selon les conservateurs, il est clair que le groupe allait se crasher un jour prochain.

 

Envies d’expansion

 

Mais comment la BAI se serait-elle fourvoyée? Le self-made man qu’est Dawood Rawat a commencé à prendre de mauvaises décisions à partir de 1995. Alors que son corps de métier est l’assurance, il a des envies d’expansion. Il veut se lancer dans différentes activités.

 

La loi étant ce qu’elle est à l’époque, Dawood Rawat décide de créer de multiples filiales pour investir l’argent des clients du pôle assurance qui a pris de l’essor depuis 2007. Avec la taxe sur les intérêts bancaires imposée par le ministre des Finances Rama Sithanen, les clients ne cessent d’affluer, leurs placements n’étant assujetis à aucune taxe.

 

Le cash coule à flots

 

A la BAI, le cash coule à flots. Alors que les dépôts mensuels des petits clients sont investis de manière intelligente, ceux du plan Super Cash Back Gold sont réinvestis dans plusieurs sociétés que le groupe BAI parvient à mettre dans son escarcelle. A l’instar d’Iframac ou de la chaîne de magasins Courts.

 

D’autres filiales sont créées et c’est ainsi que l’hôpital Apollo Bramwell, la fierté de Dawood Rawat, voit le jour. Mais alors que l’immeuble et les équipements ont été financés par l’argent des assurés, la BA Insurance ne perçoit aucune location comme souligné par les conservateurs.

 

Circuit fermé

 

Malheureusement, la structure de la BAI est telle que l’argent des assurés qui est injecté tourne en circuit fermé. A titre d’exemple, l’ensemble des filiales achète ses véhicules à Iframac. Si Apollo Bramwell s’offre deux motos de la marque Harley-Davidson, c’est un petit cadeau que fait l’hôpital à la filiale gérée par le gendre de Dawood Rawat. Une Mercedes S250 à un directeur est une fleur à l’autre gendre qui tient les commandes d’Iframac.

 

Dans l’entourage de Dawood Rawat, l’on confie que certains investissements ont été faits selon le bon vouloir de ses proches. Pour plaire à un gendre ou à une de ses filles, Arcasa a été lancée pour une clientèle bourgeoise. Mais celle-ci voyage et peut s’offrir des babioles ou des meubles de luxe en faisant venir un conteneur.

 

Technical Fee de Rs 100 millions

 

L’ancien centre commercial Phœnix Les Halles qui est devenu le nouveau showroom d’Iframac a été acheté avec l’argent des assurés mais appartient à BA Investment. A un moment donné, celui-ci voulait le revendre à BA Insurance à Rs 380 millions, ce qui fait que les assurés allaient de nouveau être des dindons de la farce.

 

Il faut savoir que lorsqu’une firme d’assurance place l’argent de ses clients, les actionnaires ne peuvent s’offrir que 10% des profits. Quand le pôle assurance de la BAI investit dans ses différentes filiales, c’est la bérézina. Un Technical Fee de Rs 100 millions des différentes filiales était ainsi dirigé annuellement vers une antenne britannique de la BAI durant toute une décennie.

 

Pertes estimées à Rs 11 milliards au 31 décembre 2012

 

Le Technical Fee sera remplacé à partir de 2011 par des frais de gestion. Un total de Rs 8,6 milliards aurait été «détourné» par le clan de Dawood Rawat sous forme de management fees. Il s’offre, par exemple, Rs 15 millions par mois d’Iframac car l’entreprise serait profitable. Le gouvernement dirigé par Navin Ramgoolam devient soudain adepte des MG, des minibus et utilitaires Mitsubishi, tout comme les breaks Peugeot. Certains ministres rouges ont ordre de ne rouler qu’en Mercedes, ce qui explique l’intérêt des ministres de l’alliance Lepep pour les Audi.

 

Dans la galaxie BAI, l’argent est pompé par Klad Investment dont l’ultime propriétaire est Dawood Rawat. Que ce soit aux Bahamas ou à Malte. Mais les mauvais placements plombent les comptes. Les pertes sont estimées à Rs 11 milliards au 31 décembre 2012. Les nouveaux clients du pôle assurance étaient donc comme du sérum.

 

Quelle solution?

 

Comment une société qui n’arrivait pas à tirer des bénéfices d’un pourcent sur l’argent qu’elle investissait pouvait-elle promettre 7% à 11% de retour à ses clients? Au train où vont les choses, chaque Mauricien aura à débourser entre Rs 45 000 et Rs 60 000 pour rembourser les pertes de la BAI. L’autre solution sera de demander aux automobilistes de contribuer Rs 10 sur chaque litre d’essence vendue à la pompe pendant plusieurs années, comme cela a été le cas avec le scandale du hedging.

 

Reste aussi à savoir quels sont les assets mis en garantie par la BAI pour de nombreux prêts totalisant plusieurs centaines millions de roupies.