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Terrains et systèmes

23 août 2023, 10:16

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Une trentaine de voitures ont traversé les villages du Sud (de St-Félix à Rose- Belle) dimanche pour réclamer le retour d’un terrain de l’État au Réduit Triangle. La contestation, qui ne faiblit pas après des mois de revendication, illustre le fait que la question de la terre – son acquisition, son exploitation ou sa dépossession – soulève les passions et enflamme les esprits. Surtout en pareil contexte électoral où il faut cajoler chaque frange de l’électorat. 

Il y a deux ans, les partis politiques s’étaient tous déplacés pour se faire voir en compagnie de Clency Harmon, qui se dit victime de dépossession de terres. 

Dans Du jardin de la Compagnie aux terres d’Ébène : la guerre des terres (à lire sur lexpress.mu), l’historien Jean Claude de l’Estrac remonte aux origines du Land Tribunal promis au négociateur Jack Bizlall. De l’Estrac démontre que la question de la terre mêle l’esclavage, le colonialisme, l’engagisme, les concessions, les discriminations, le droit, ou le passedroit, avant même qu’ils ne soient couchés sur le papier. On peut facilement rajouter le capitalisme et ses travers d’antan qui ont la vie longue, les inégalités foncières et sociales, les hommes de loi et les arpenteurs jurés complices d’une mafia des terres, les profiteurs et les victimes du Sale by Levy. 

Si Maurice a eu le courage d’instituer une commission appelée «Truth and Justice» afin de tenter de réparer les crimes (si tant que ce soit possible) et d’apaiser les séquelles de l’esclavage et de l’engagisme, d’obscurs lobbies ont fait pression, en 2011, peu après la publication des six rapports de la commission Justice et Vérité (CJV), pour que ceux-ci ne soient pas accessibles dans leur intégralité au grand public, y compris aux parlementaires. 

Un précédent éditorial s’interrogeait sur ces lobbies qui font tout pour que la réparation des descendants des victimes de crimes fonciers ne soit pas effective. C’est une question que soulève, souvent, Vijaya Teelock, un des trois membres de la CJV : «(...) It was clear we had upset many people and many wanted the Commission shut down as soon as possible at the time. The proof is the almost immediate closure of access by public to the documents they require to build their case. Who gave the orders to shut down and block access, and not even submit all six reports to the National Assembly? Why were the 100 copies printed never distributed to the public libraries and other institutions?» 

*** 

En attendant qu’une législature daigne bien voter un changement de notre système électoral (comme proposé en page 12 par la fondatrice du parti Idéal Démocrate) et du financement des dynasties et partis politiques, il importe de sortir du cadre insulaire et de relativiser. Sur la notion de démocratie elle-même et ses variantes tributaires des contextes culturels et socioéconomiques, même si les experts en sciences politiques ne tombent jamais d’accord sur tous les critères définissant et mesurant la démocratie, il y en a au moins huit qui s’avèrent incontournables : 1) le droit de vote, 2) le droit d’être élu, 3) le droit des chefs de parti politique de faire campagne, 4) le droit à des élections libres et transparentes, 5) la liberté de se regrouper, 6) la liberté de s’exprimer, 7) l’accès aux sources plurielles d’information (soit des journaux, des radios et des télévisions privés pour contrebalancer la propagande gouvernementale de la MBC et des journalistes-propagandistes) et 8) des institutions de l’État qui travaillent dans la transparence, en toute indépendance, insoumises au régime en place. Ces critères, étudiés pour comparer le degré de démocratie sur une échelle internationale, méritent que l’on s’y attarde si l’on veut réellement aller de l’avant, comme nation et pays, et non pas comme un peuple de suiveurs dépourvus d’esprit critique et friands d’auto flagellation. Car il est encore temps de freiner nos dirigeants afin de nous protéger contre leur conception du progrès électoral, voire constitutionnel…