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Tik Tok, de quoi rendre toc toc

17 juin 2023, 09:00

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Le patron de la Special Striking Team n’avait pas encore conclu sa première émission radio en live mercredi qu’une série de vidéos Tik Tok circulaient déjà sur la Toile et les portables. L’ASP Ashik Jagai, tout comme Bruneau Laurette ou Akil Bissessur, a ses détracteurs, mais aussi ses supporters. Mais il y a aussi et surtout une foule de voyeurs. Tous bien rodés sur les réseaux sociaux en général, mais sur Tik Tok en particulier, plate-forme qui rend désuètes les vidéos de l’ère Viré Mam. 

Ces vidéos Tik Tok qu’on partage allègrement, qui durent en moyenne une quinzaine de secondes, démontrent à quel point l’ASP Ashik Jagai ne laisse personne indifférent. Par vidéos et mèmes interposés, les anti-Jagai affrontent les pro-Jagai, chaque camp voulant occuper l’espace et les secondes sur Tik Tok, le réseau social chinois dont la forte pénétration fait craindre Américains et Européens et qui est devenu la plate-forme de ceux qui consomment l’information de manière parcellaire, ou comprimée comme une capsule multi-vit, censée tout contenir. 

Le succès de Tik Tok, à Maurice comme ailleurs, est certainement lié au ton percutant et ludique qui contraste avec le côté jugé trop sérieux et froid de la politique et des actualités, tels que répercutés par les médias traditionnels, à en croire les Tik Tokeurs que nous avons suivis et interrogés jusqu’ici. 

Ainsi, au-delà des mimes, chorégraphies, chants ou mini-défilés de mode des jeunes artistes (qui abusent des filtres pour s’offrir un relooking gratuit), l’on voit de plus en plus émerger sur Tik Tok, davantage que les autres réseaux sociaux, une forme de storytelling incarné, osé et décalé, qui accroche tant les jeunes que les vieux, accros au portable, qui font défiler les vidéos les unes après les autres, presque oublieux du reste. 

À bien voir, TikTok permet surtout à des jeunes qui ne sont pas encore en âge de voter (mais qui attendent impatiemment les Rs 20 000 promises) d’exprimer leurs ambitions et idéaux politiques dans l’espoir d’influer sur le fil des événements dans un pays dont ils auront la charge quand les dinosaures auront disparu. En attendant, ils se rêvent en ces influenceurs devenus millionnaires grâce à Tik Tok (mais ceux-là ne vivent pas encore à Maurice !) 

Ainsi les premières vidéos de mercredi soir ont décrit Jagai comme le chef des «Polico Crapo», «spécialiste planteur», qui vient accompagné de «deux lichoux remplis ar pesticides», et qui évite de parler de Franklin, «so partner 50-50». Souvent sur fond de musique d’Armada 666 ou de Joker Kartel ! Il y en a tellement que Jagai ne pourra pas porter plainte contre tous. 

On aurait tort de croire que ces vidéos émanent d’une partie de la population uniquement. Prouvant s’il le fallait que Tik Tok contient la recette secrète pour devenir LA plateforme politique à la portée de la génération Z (personnes nées à partir de l’an 2000). 

Les créateurs de contenu, qui ne craignent pas de s’afficher, s’en fichent des dispositions de l’ICTA, des autorités et de ceux qui tenaient le crachoir jusqu’ici, parce qu’ils sont leaders de parti ou personnages influents. Les spécialistes en communication politique admettent que la popularité grandissante du POV («Point of View») constitue l’argument qui parle le plus aux jeunes sur Tik Tok. Ils appellent cela la «stratégie de l’émotion». L’autre point fort reste les mèmes, des images qui deviennent vite virales parce qu’elles contiennent des éléments culturels reconnaissables entre mille par la majorité des utilisateurs. 

Si lors du printemps arabe, Facebook, YouTube et Twitter ont joué un rôle indéniable dans les mobilisations et manifestations en Afrique du Nord (mais pas en Afrique australe), notre époque hyper-numérique qui se vit sur des écrans de portables ne cesse d’évoluer avec des plateformes comme Tik Tok mais pas que; il y a aussi : Likee, Dubsmash, Chingari, Funimate, ou Clash, entre autres. Chacun de ses réseaux sociaux a son propre public, son coeur de cible, son propre fonctionnement et ses spécificités. Et leur impact sera de plus en plus conséquent. 

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La presse n’est pas en reste. L’émergence du journalisme sur des plateformes comme Tik Tok a dépassé le stade expérimental. Après avoir suivi massivement nos posts sur Facebook et Instagram, les jeunes qui ne lisent plus le format papier adoptent notre contenu sur Tik Tok, même si notre ligne éditoriale reste solidement ancrée sur nos valeurs conceptuelles qui datent des années 60, peut-être parce qu’elle est perpétuellement remise au goût du jour, ou réactualisée, au gré des changements sociétaux et technologiques. Par différents modes d’interaction, nos journalistes tentent d’inclure les internautes dans la fabrication et la diffusion de l’information dans le but de rendre visible et audible une communauté médiatique qui ne jure plus que par le numérique et qui est allergique aux poncifs, programmes et discours de la MBC, qui n’arrive pas à s’émanciper de la mainmise des politiciens.

Pour les prochaines élections, ceux qui auront besoin de convaincre n’auront pas d’autre choix que d’aller à la rencontre de leurs audiences éparpillées sur les réseaux sociaux d’hier et les plateformes d’aujourd’hui. Elles font partie intégrante du paysage de la communication politique. Aux États-Unis, la récente et vaine détermination des sénateurs américains à déstabiliser le CEO de Tik Tok montre à quel point le réseau social est devenu une arme de destruction – ou de construction – massive… Mais les 150 millions d’utilisateurs quotidiens de Tik Tok au pays de l’Oncle Sam ont tenu tête aux conservatismes d’hier, en réitérant indirectement le fait que le conservatisme, tout comme le fascisme, est engendré par la peur. La peur de l’avenir. La peur de l’inconnu, la peur de l’autre...