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Rêvons camarades !

19 mars 2023, 09:30

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Rêvons camarades !

Si l’opposition parlementaire a réussi à lever un drapeau de manière unie pour célébrer l’Indépendance le 12 mars, peut-être y a-t-il de l’espoir qu’elle pourra enfin travailler ensemble sur des questions plus épineuses ? 

La principale question, cependant, est bien celle-ci : qu’est-ce qui est prioritaire pour chacun des leaders des partis de l’opposition, parlementaire et extra-parlementaire, pour les prochaines élections ? Les gagner et mettre un terme au gouvernement actuel ou maximiser le rôle de SON parti et assouvir au maximum SES ambitions de pouvoir, individuelles et/ ou collectives ? 

Si c’est la deuxième option, ce gouvernement, aussi dévergondé qu’il n’ait été, augmente pourtant ses chances de rester au pouvoir. Un peu comme en 2019, ou 37,7 % des voix avaient suffi puisque l’opposition avait éparpillé les siennes… 

Si c’est la première option qui est retenue, il faudra évidemment brider les egos, être moins exigeant et même essayer de faire de la place à certains nouveaux partis, plus jeunes, plus dynamiques et moins encombrés par le passé. Il est, par ailleurs, clair qu’une opposition parlementaire regroupée ne pourra tout simplement pas ajouter la totalité de ses votes de 2019 et qu’elle en perdra aux propositions «neuves» de Lalit, de Linion Pep Morisien, d’En avant Moris, du Reform Party, de One Moris, de Resistans ek Alternativ, d’Idéal Démocrate, de… Notons en passant qu’aux dernières élections, déjà, presque 10 % des votes ne sont pas allés aux partis traditionnels. Et que des sondages plus récents, notamment ceux de Straconsult, suggèrent que ce chiffre pourrait passer à au moins 20 %… Ça va compter ! 

La question n’est certainement pas simple. Car les alliances entre d’anciens partenaires, qui se sont bagarrés pour tout et pour rien et qui n’ont pas toujours tenu la route, sont intrinsèquement handicapés pour convaincre l’électorat. En effet, l’électeur se demandera, inévitablement, s’il vote une alliance qui va gouverner ou une mésalliance qui va éclater ! Les 32,8 % du PTr/PMSD aux dernières élections ne sauront sûrement pas s’ajouter aux 20,6 % du MMM mathématiquement… sans aucune perte d’électeurs ? Cela paraît véritablement improbable. Surtout à la campagne… 

Le meilleur scénario théorique possible serait donc une alliance des oppositions parlementaires, sans nécessairement leur leader historique et accommodant plusieurs petits partis «neufs», même au point qu’aucun parti ne postule pour une majorité des tickets ; les regroupements de loyauté pouvant se prêter aux feux des débats contradictoires d’adultes, après les élections. Au moins dans ce scénariolà, l’opposition est regroupée au maximum, sans encombrement d’egos et de «qui est chef ?», et dont le but prioritaire absolu est de déloger le MSM du pouvoir. Un manifeste électoral imaginatif ayant l’adhésion de tous serait évidemment le catalyseur essentiel d’un tel regroupement. Sacré programme ! 

Car, le gouvernement en place a indéniablement un bilan à présenter et de nouvelles promesses à faire qui ne laisseront pas insensibles des électeurs désormais largement matérialistes et devenus cyniques. Les retraités, malgré les hausses dramatiques du coût de la vie, sont remplis d’espoir pour les Rs 13 500 de la CSG et semblent être très flattés par toute l’attention qu’ils reçoivent. Les travaux routiers, le métro et les petits billets de Rs 1 000 qui papillonnent vers les porte-monnaie, aideront sans doute un peu à faire oublier la faillite de l’eau 24/7, la corruption rampante, le népotisme, les injustices, l’épisode Franklin et les attaques criardes contre la démocratie, mais ils pourraient, cette fois, ne pas suffire. Car l’inflation vécue quotidiennement est féroce et endurée individuellement. De plus, l’usure du pouvoir est visible et elle ne fait d’exception pour personne. 

Quel est donc le choix des oppositions si elles ne sont pas toutes regroupées dans un seul élan, un unique uppercut, pour terrasser l’ennemi commun ? Le cercle vicieux d’encore plus de démagogie et de promesses insensées, alimentées au gré de conférences de presse et de meetings, aussi nombreux que ne sont les partis, d’opposition comprise ? Après les vacances gratuites à la Réunion et le préscolaire gratuit, que ne va-t-on pas se sentir obligé de promettre de plus, d’autant que le MSM n’hésitera pas et que l’électeur lambda a de plus en plus tendance à soupeser SON intérêt, même si c’est contre l’intérêt du pays. Ce dont il se balance d’ailleurs généralement, jusqu’à ce qu’il ne soit trop tard. Comme en Argentine, systématiquement, au Zimbabwe, fameusement, ou au Sri Lanka, plus récemment… 

Rêvons un peu d’un scénario «idéal», même si l’ingrédient vital restera cependant que les petits chefs soient prêts à s’effacer un peu pour reconnaître la pluralité des opinions et affirmer la suprématie tant du bien commun que de celui de la nation. Imaginons d’abord un regroupement d’un maximum des partis extraparlementaires (XP) qui finirait, compliquons les choses, avec un triumvirat peut-être à sa tête. Ensuite, imaginons un regroupement de toutes les forces de l’opposition dans une alliance qui n’est dominée par aucun parti et où le partage des tickets se ferait sur, mettons, une base de PTr : 25, MMM : 15, PMSD : 5, XP : 15 et où ce leadership devra donc apprendre, pour changer, à débattre et à trouver des compromis pour avancer sur les questions qui les divisent, plutôt qu’à toujours avaler ce que dit le prince. Une manière, en passant, de redécouvrir qu’en démocratie, le législatif ne doit pas invariablement être le pantin sans opinion de l’exécutif et que ce dernier doit pouvoir expliquer d’abord et être transparent pour convaincre. 

Quant aux questions qui les réuniraient au départ, ce n’est pas sorcier ! Primauté du pays sur le parti, intégrité, méritocratie, indépendance des institutions, renforcement de la démocratie, formations généralisées, culte de l’excellence, énergies renouvelables, propreté, travail assidu, discipline, transparence maximale, guerre absolue à la drogue, neutralité diplomatique, productivité, cursus scolaire moins académique, un port qui marche mieux… Ces partis ont déjà largement un tronc commun et seront donc appelés à faire quelques choix douloureux, mais devraient pouvoir finalement s’accorder, en hommage vivant à la démocratie souvent proclamée, mais bien moins fréquemment pratiquée. 

Et de quoi pourrait-on rêver sur le plan économique ? 

Les plus grands groupes du pays, voyant les risques de continuer à dominer le marché intérieur outrageusement, s’externalisent depuis un bout de temps déjà. Ils ont raison. Un conglomérat qui rechercherait sa croissance dans une intégration verticale ou latérale jusqu’au point d’avoir sa propre pépinière, par exemple, cela suffoquerait les opportunités des autres, au-delà de l’acceptable. Mais le développement immobilier pour des étrangers fortunés, pour physiquement transformateur que ce soit, a sûrement des limites éventuelles ? Comme la construction de shopping malls à tout vent ? Même le tourisme va connaître de vrais défis grandissants au cours des prochaines décennies sur le plan de l’emploi et de la montée des eaux. Faudrait-il, par exemple, dès maintenant, commencer à construire des chambres sur pilotis dans le lagon, comme aux Maldives ?

Nous sommes, au fil des ans, largement devenus une société de consommation et nos capacités d’exporter ou, plus généralement, de générer des devises ne progressent pas. Du moins en dollars. L’inconvénient majeur, c’est que nous importons tant de ce que nous consommons qu’il nous reste alors un «trou» grandissant au niveau de la balance des comptes courants qui passe ainsi d’un déficit de 3,8 % du PIB en 2018 à… 14,4 % en 2022 ! Ce «trou» » est alors bouché, soit par des emprunts en devises, dont les intérêts pèsent plus lourd depuis un an, soit par de nouvelles activités économiques (comme le secteur pharmaceutique ? Les algues peut-être? Car il est déjà tard pour le cannabis !) soit encore, quelque peu artificiellement, par les activités «offshore». Ça fait plutôt fragile tout ça… 

Ce qui rend encore plus surprenant la violente sortie du ministre des Finances sur les recommandations de réforme structurelle que lui proposait le dernier MCB Focus (*). Car au lieu de fédérer derrière lui, il prend le risque de la parole unique qui, par ailleurs, devra expliquer comment nous financerons les 435 + 118 MW d’énergie renouvelable requise pour atteindre l’objectif de 60 % en 2030, maintenant que nous savons que le contrat de 60 MW signé avec Qair va coûter Rs 7 milliards. Une facture totale d’un minimum donc de Rs 65 milliards pour le renouvelable ? En sus de la CSG et de l’absence de réforme des retraites dans un pays vieillissant ! Car s’il est vrai, comme le dit Padayachy, que nous n’achetons pas notre pain quotidien en dollars, en revanche, nous achetons en amont notre farine, les hydrocarbures et tout le reste, dont les panneaux solaires, en devises lourdes… 

Or, depuis janvier, l’euro et le dollar ont encore pris environ trois roupies de plus chacun. Et si nous rêvions de pouvoir importer nos besoins en payant en roupies mauriciennes ? Vous y croiriez ?

(*) https://fb.watch/j0xY7jdaAS/?mibextid=kdkkhi