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Le Qatar, un terrain de jeux politiques

19 novembre 2022, 10:00

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SPORT-ROI, compétition-reine, méga-plateforme publicitaire attirant des milliards de dollars et de téléspectateurs, la Coupe du monde de football, qui débute demain au Qatar, a pris une tournure inédite. La chose politique semble vouloir, avant l’ouverture, prendre le dessus sur le phénomène sportif. La géopolitique et les idéologies dominent pour le moment le ballon rond et les étoiles du foot.

Les avis des spécialistes divergent. Pour certains, cette première Coupe du monde dans le monde arabe est la plus contestée de l’histoire puisqu’elle se révèle un clash direct entre la démocratie occidentale et l’autocratie pratiquée dans le petit mais très riche émirat. Comme un clash de civilisation, de valeurs sociétales et de droits humains. Avec des cartons rouges qui sont déjà brandis avant les matches.

Plus nuancés dans leurs propos, à cause du recul pris sur un monde qui ne cesse de changer depuis 1945, certains historiens politico-sportifs évoquent la Coupe du monde organisée en 1978 par les dictateurs argentins. Au lieu de la boycotter, de nombreux équipes et journalistes y sont allés surtout pour braquer les projecteurs et alerter l’opinion sur la dictature argentine, l’atmosphère militaire et la vie difficile de l’Argentin lambda, pour qui le football était une vraie échappatoire. Il y avait aussi, plus récemment, la Coupe du monde en Russie, en 2018 (en dépit de l’annexion de la Crimée quatre ans plus tôt), ou encore les Jeux olympiques d’hiver à Pékin (malgré les camps de travail au Xinjiang et la répression des Ouïgours) qui se sont tenus malgré les protestations des uns et des autres.

 

Comme un clash de civilisation, de valeurs sociétales et de droits humains. Avec des cartons rouges qui sont déjà brandis avant les matches.

 

Pour le Qatar aussi, davantage que la Russie et la Chine, l’on a pas mal glosé sur le boycott de l’événement sportif. Certains journaux, comme le Quotidien de La Réunion, ont choisi de ne pas couvrir du tout le «Qatargate», d’autres feront un compte-rendu minimaliste. A l’express, après une courte réflexion lors d’un briefing, nous avons refusé d’enfiler les maillots des idéologues et avons librement choisi de couvrir la Coupe du monde comme d’habitude, en exploitant tous les angles possibles, et en donnant la parole à tout un chacun, d’une perspective sportive surtout, mais non-sportive aussi. Dans l’esprit olympique, la participation nous semble plus importante, surtout dans la mesure où, au final, il faut de tout pour faire un monde ; aussi imparfait soit-il, c’est le seul que nous ayons, avec ses bons et ses méchants (sélection ou discrimination des plus subjectives) et tout ce qu’il y a entre.

En décrochant, en 2010, avec l’aide de la FIFA de Blatter et de Platini, l’organisation de la Coupe du monde, le petit émirat du Golfe voulait pourtant se dorer le blason sur le plan international et démontrer son influence grandissante. Malgré ses pétrodollars, et ses efforts pour moderniser ses textes de loi, on parle aujourd’hui davantage des soupçons de corruption, du sort des travailleurs étrangers – dont plusieurs milliers seraient morts sur les chantiers des stades dernier-cri –, de la question environnementale (notamment la climatisation des stades) et des droits des personnes LGBTQI.

On n’y peut rien : le football est devenu au fil de l’histoire et des scandales un terrain hyper-médiatisé où se disputent les nouveaux enjeux culturels, sociaux, économiques, écologiques et financiers qui agitent le monde d’aujourd’hui. Tant mieux si, le temps de quelques dribbles et buts, un nouveau Pelé, un Maradona version 2022, un Roger Milla des temps modernes, à défaut d’avoir vu un Willy Vincent ou un Dany Imbert évoluer à ce niveau, arrivent à nous faire rêver d’un monde, où seuls le mérite et le talent compteront. Un monde imaginaire ?