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Ils nous ont émus

28 décembre 2019, 07:21

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L’année a été secouée par des élections générales pas comme les autres, mais, heureusement, qu’elle a aussi été marquée par des compatriotes apolitiques et rassembleurs, connus ou anonymes, qui sont derrière d’intenses moments de communions patriotiques, comme lors de la visite papale et/ou des derniers JIOI. L’équipe de l’express renoue donc, avant que 2019 ne s’achève, avec la tradition de saluer nos «Mauriciens de l’année», des hommes et des femmes, qui nous ont impressionnés par leur courage et persévérance, leurs actions, efforts et épreuves. Ils contribuent, dans le grand roman mauricien, à imprimer un changement profond dans notre société et à inspirer la relève, tout en étant de puissants antidotes aux forces divisionnistes, qui sont à l’oeuvre en temps électoraux. À l’instar de nos lauréats de 2018 (les jeunes prodiges de l’Atelier Mo’Zar de Roche-Bois et les sportifs Roilya Ranaivosoa et Terence Saramandif), ils ne collectionnent pas, assis derrière leur écran, des mentions J’aime sur Facebook, mais ont choisi d’agir pour le bien commun. Nos lauréats 2019 sont :-

1)Dilraj Sewsagar. Cet infirmier de 32 ans a choisi de rester, sous la pluie, aux côtés du pompiste Rohit Gobin alors que les policiers, au volant de la fourgonnette, organisaient leur fuite des lieux de l’accident, à Wooton. Un citoyen qui donne l’exemple à ceux censés faire régner l’ordre et la paix.

2)Noemi Alphonse. À 23 ans, elle est devenue le porte-drapeau de la sélection mauricienne lors des JIOI, tout en étant une référence du handisport local.

3)Le public mauricien. Aux abords des stades, dans la rue, en communion, le public mauricien a vibré et fait vibrer en deux occasions, lors de la visite du pape et lors des JIOI, en faisant fi de l’appartenance ethnique, des couleurs politiques, des croyances ou pratiques religieuses. De rares moments d’émotion, hélas chassés, par les stratégies politiciennes dans les circonscriptions.

4)Virginie Gaspard. Cette voix mauricienne aux notes ensorcelantes de la mer indienne a séduit le jury de The Voice. Cette mère de trois enfants, âgée de 29 ans, a vécu une adolescence mouvementée, des fois, entre les murs du Rehabilitation Youth Centre. Une belle revanche sur la vie.

5)Oliver Thomas. Cet entrepreneur de 26 ans est de ceux qui veulent changer la façon de faire de la politique. Il était à sa première participation, cette année, aux législatives, au no20. Comme candidat indépendant, il a, grâce à ses efforts sur le terrain, pu glaner 3 890 voix. Orphelin qui a connu plusieurs familles d’accueil, il gagne sa vie en recyclant le plastique. Il prouve qu’on n’a pas besoin d’être élu pour oeuvrer pour la collectivité.

6)Greta Thunberg. L’activiste de 16 ans, qui est ni scientifique, ni à la tête d’aucune formation politique, mais fièrement autiste, a su, par son seul combat (qu’elle a commencé chaque vendredi devant le Parlement suédois), mobiliser des dizaines de milliers de jeunes autour du mouvement #FridaysForFuture, y compris à Maurice. Avec son ton sans concession contre les dirigeants climatosceptiques, comme Trump, Greta Thunberg incarne le pouvoir de la jeunesse et cette perspective globale nécessaire pour lutter contre le changement climatique, contre lequel on doit tous s’unir. Son action nous touche tous, qu’on soit du Nord ou du Sud, à l’Ouest ou à l’Est du globe.

***

Après le journaliste Jamal Khashoggi et tous les journalistes qui risquent leur vie ou des peines de prison dans l’exercice de leur métier de service public l’an dernier, le magazine Time a préféré, depuis quelques semaines déjà, comme personnalité de 2019, Greta Thunberg – qui a devancé cinq autres finalistes, dont Donald Trump, Nancy Pelosi (cheffe de file des démocrates à la Chambre des représentants, qui a voté en faveur de la motion de destitution de Trump), la vedette de l’équipe féminine de soccer, l’Américaine Megan Rapinoe, le lanceur d’alerte de la CIA (qui a révélé le fameux coup de fil entre Trump et le président ukrainien, à la base de l’«Impeachment» de Trump) ainsi que les manifestants de Hong Kong, qui ont choisi de défier Beijing.

Contrairement à l’express, l’hebdomadaire américain (qui décerne le titre de «Person of the year» depuis 1927) «célèbre» celui ou celle qui aura produit «le plus d’effet sur les actualités et sur nos vies». Et ce, «en bien ou en mal», comme le précise l’éditorial de Time. Autre critère essentiel, le ou la ou les lauréat(e)(s) devrai(en)t «incarner» ce qui a été important au cours de cette année. À l’inverse donc de notre choix, celui de Time n’est pas un honneur en soi. D’ailleurs, en 1938, Adolf Hitler avait été désigné, et Joseph Staline l’année suivante. En raison de leur impact négatif sur le monde !

C’est, peut-être, pour cela que nos politiciens, friands de promesses populistes sur une MBC plus servile que jamais, ou adeptes de la doctrine «divide and rule» ne figurent pas dans la liste des derniers «Mauriciens de l’année». Parce que nous privilégions le progrès social, économique et politique, et que nous refusons de cultiver le statu quo qui reproduit les inégalités, la fatalité sociale, la corruption des élites et l’ethnicisation de la politique à des fins pouvoiristes – au détriment de la méritocratie.

Il nous faut remonter à 2010 dans la liste des lauréats de l’express pour retrouver un Mauricien de l’année qui fait de la politique active. C’était Ashock Subron, principal porte-parole de Rezistans ek Alternativ, qui n’est pas membre d’un parti politique dit mainstream – et qui n’a pas été autorisé à faire acte de candidature parce qu’il a tout simplement refusé de déclarer – en 2019 ! – son appartenance ethnique. Car se disant Mauricien d’abord, avant d’être citoyen du monde. Tout un symbole…