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La leçon de Carlos Ghosn

30 janvier 2019, 09:40

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Considéré jusqu’à tout récemment comme un demi-dieu au Japon, le magnat de l’automobile mondial croupit depuis le 19 novembre dans une prison japonaise. Il est soupçonné de malversations financières au détriment de Renault Nissan.

Voilà quelqu’un qui se croyait tout permis, qui, s’appuyant sur son bilan de redresseur de la première entreprise mondiale de l’automobile, avait commencé à développer un appétit pour des salaires hors norme. Il touchait 15 millions d’euros par an, presque Rs 600 millions, soit Rs 50 millions mensuellement et pensait qu’il méritait plus – comme son homologue de General Motors qui a droit à un package de 20 millions d’euros par an.

Au-delà de ces millions qui donnent le tournis, dépassant souvent toutes les limites du raisonnable, il y a dans la démarche de ce franco-libanais – qui cherchait à satisfaire son ego surdimensionné et ses goûts pour le grand luxe (il possède des résidences dans les grandes capitales mondiales qui font actuellement l’objet d’enquêtes policières japonaises) – un sentiment d’inconscience et de mépris. Face d’abord aux règles de la bonne gouvernance car il se croyait intouchable et ensuite méprisant à l’égard des autres, de ces centaines de milliers d’employés de son groupe demeurés impuissants face aux caprices du maître, se contentant de salaires autrement plus modestes.

Des Carlos Ghosn, il en existe malheureusement partout. À Maurice aussi, même si ce n’est pas encore dans les mêmes proportions. Certes, on peut compter sur les doigts d’une main ceux qui touchent Rs 3 millions ou plus par mois. Dans une entreprise privée ou publique, il y a peut-être un seul qui peut y aspirer face aux 5 000 employés ou plus. Et c’est généralement l’argument avancé par certains patrons pour justifier leurs rémunérations. Aussi, il y a les responsabilités et les risques qui y sont associés… et l’obligation à rendre des comptes au conseil d’administration en cas d’une déroute financière provoquant l’écroulement de l’entreprise.

Dans le privé comme dans le public, la question des gros salaires fait toujours débat depuis plusieurs années. Si le pays a introduit le salaire minimum pour les employés au bas de l’échelle, faut-il revoir les rémunérations que certains jugent exorbitantes dans le privé ?

À l’heure où certaines institutions internationales s’inquiètent de l’augmentation du coefficient Gini, l’indice qui mesure les inégalités des salaires, et après le constat selon un récent rapport de la Banque mondiale qui rappelle que l’écart entre les revenus des 10 % des ménages les plus pauvres et les plus riches de Maurice s’est creusé par 37 % de 2001 à 2015, on peut s’interroger sur la pertinence d’une éventuelle limitation des salaires des grands patrons, à travers l’introduction d’un salaire maximum ou un «wage ratio».

Faut-il encore pour autant décider du ratio qui soit acceptable par les partenaires sociaux tout en sachant qu’au final il y a un seul poste de CEO? Le ratio du salaire de Carlos Ghosn était de 1 à 750 et relevait visiblement d’un scandale, selon les spécialistes.

À Maurice, l’alliance Lepep s’était engagée à moraliser la vie des entreprises publiques en fixant les rémunérations de ses nominés politiques. Au terme de son mandat, la volonté n’y est plus et l’échec d’une politique transparente de salaires est plus qu’évident dans certaines institutions, rattrapées en cours de route par des scandales.

Aujourd’hui, certains nominés comme Kee Chong Li Kwong Wing à SBM Holdings ou Sherry Singh à MT ou encore des conseillers du Premier ministre comme Nayen Kumar Ballah ont pignon sur rue. Demain, ils évacueront le plancher sans avoir à rendre des comptes et viendra s’installer une autre bande de nominés.

L’affaire Ghosn est venue relancer la problématique de folles rémunérations dans la sphère privée alors que dans le monde, notamment en France, au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Allemagne et en Inde, des pressions s’exercent toujours pour limiter les salaires des dirigeants d’entreprise.

Il va sans dire que les inégalités des revenus et leur corrélation avec l’écart qui se creuse entre les riches et les pauvres sont des problématiques qui parviennent difficilement à amener un consensus entre les différentes parties prenantes de la société.

En même temps, une question posée naïvement s’impose : de combien de millions de roupies sonnantes quelqu’un a-t-il besoin pour vivre décemment ? Avouons que nous n’avons pas la réponse. Carlos Ghosn, lui, l’avait… peut-être !

Et que dire de Christano Ronaldo ou d’Alexis Sanchez?