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Privatisation ?

11 avril 2018, 07:31

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Faut-il craindre la «privatisation» de la Central Water Authority (CWA) ? Grande question qui invite à une approche pragmatique, détachée des réflexes idéologiques.

Un constat s’impose : nombreux sont les Mauriciens qui n’ont pas accès à l’eau quelques heures par jour. Nombreuses sont les industries qui dépendent de l’approvisionnement régulier et sécuritaire en eau. Ils sont alimentés par un réseau qui, dans son état actuel, ne permet pas de fournir le service de qualité dont les Mauriciens ont besoin. Il est indéniable que la CWA a un besoin urgent de capital pour investir dans l’entretien et la rénovation du réseau, et de nouvelles formes de gestion.

Une réforme s’impose sur laquelle planche le ministère des Services publics avec le soutien de la Banque mondiale. Cet organisme, on le sait, est favorable à des formes de gestion privées. Ses méthodes s’inscrivent dans un constat mondial que les formes de gestion publiques dans des démocraties sont soumises à des pressions auxquelles les gestionnaires privés peuvent plus aisément se soustraire. Ce qui rend les gestionnaires privés plus efficaces. Tel est le constat, validé par des études mondiales, que nous ne pouvons ignorer.

Il est possible que le mode de gestion de la CWA nécessite une prise en charge plus élaborée. Il est possible qu’un gestionnaire étranger ait plus de poigne qu’un Mauricien, qu’il soit mieux en mesure de se détacher des pressions politiques et sectaires qui, on le sait, laminent le leadership des gestionnaires du secteur public.

De là à faire une confiance aveugle à un gestionnaire privé, il n’y a qu’un pas qu’il serait facile de franchir à nos dépens. La vigilance de la société civile dans ce débat est la bienvenue.

Ce qui pourrait prendre au piège les Mauriciens est l’ingénierie financière qui sera élaborée pour justifier cette hausse de prix. Combien faudra-t- il aligner de plus pour se payer les services de gestionnaires privés ? Qui contribuera au financement des nouvelles infrastructures ? Qui apportera le capital pour ce financement ? Autant de questions qui restent pour l’heure sans réponses.

Tant que ces modalités ne seront pas éclaircies, nombreux sont ceux qui bondissent à l’idée d’une «privatisation» possible de la CWA. L’épouvantail est dressé : le risque d’une privatisation claire par laquelle les Mauriciens seraient alors tenus par des engagements à long terme, soit des dividendes à verser à vie, et la crainte de perdre le contrôle d’une ressource nationale stratégique. Ou, moins une privatisation «déguisée», tapie dans un entrelacement de contrats, de clauses et d’engagements si complexes que le commun des mortels n’y verrait que du feu.

Le gouvernement semble avoir compris la résistance que rencontre l’idée d’une privatisation claire. Ce qui nous fait dire que le risque de privatisation déguisée demeure réel. Notamment parce qu’en l’état actuel des finances publiques, le gouvernement a déjà été critiqué pour les seuils élevés de l’endettement du pays. Or, s’il fallait financer les besoins en capital de la CWA avec, par exemple, une émission d’obligations garantie par l’État, le taux d’endettement national atteindrait de nouveaux sommets. Car une telle forme de dettes de la part d’un organisme d’État est comprise dans le calcul de la dette publique nationale. On peut comprendre que le gouvernement soit tenté par un recours à une forme de capital privé qui échapperait à la classification de dette publique selon les normes internationales.

Quelle que soit la forme que prendra ce partenariat stratégique, il serait utile que les détails des dispositions envisagées soient rendus publics au plus tôt. Commencera alors un véritable débat sur les risques d’un tel engagement pour la souveraineté de nos ressources en eau et sur les engagements financiers imposés aux Mauriciens, plutôt que des échanges sur fond d’espoirs vains, de craintes et d’idéologies.