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Mille fois l’Inde !

19 août 2017, 07:17

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Tous les chemins mènent-ils (de plus en plus) à la cuisine ? La question devient pertinente, à mesure que ce gouvernement, conscient de ses faiblesses, se démène comme il peut pour diriger notre pays.

Malgré toute la propagande pro-Lepep, le constat est implacable : l’économie de Maurice n’arrive pas à décoller. Les promesses formulées principalement par le tandem SAJLutchmeenaraidoo, ainsi que le duo lui-même, ont été rangées aux oubliettes. Le gouvernement de Pravind Jugnauth, ballotté en permanence par les affaires, échoue dans ses tentatives de faire bonne impression. Le Fonds monétaire international n’est pas dupe et a tiré la sonnette d’alarme, certes diplomatiquement, en s’appesantissant, cette semaine, sur le niveau de la dette et la poussée inflationniste, et en questionnant le projet (faussement appelé) «Metro Express», malgré la générosité de la Grande péninsule.

Si, en janvier 2015, le Sun Trust était un passage obligé pour avoir l’ultime bénédiction, aujourd’hui le centre de gravité politique semble s’être déplacé à l’endroit même où les marmites et les ingrédients sont mis sur le feu, soit la cuisine. Mais la cuisine a changé d’adresse en ce 15 août, jour de la fête nationale de l’Inde. De Vacoas, elle a momentanément élu domicile au Méridien, dans le Nord. Davantage qu’un fantasme passager, le besoin d’alliance s’avère incontournable et permanent chez nous, en grande partie à cause du système de First Past the Post.

Alors que les partis de l’opposition tirent tous sur lerégime des Jugnauth, personne n’aura compris pourquoi Aadil Ameer Meea a choisi de rejoindre le leader du MSM dans une cuisine d’hôtel, malgré les démentis énergiques des mauves et le silence complice du MSM. Le jeune mauve aurait dû le faire devant tout le monde – cela lui aurait provoqué bien moins de remontrances. En revanche, ce que l’on peut surtout déduire, c’est que l’Inde arrive, davantage qu’Alan Ganoo ou la société civile, à rassembler les élites politiques du pays, surtout celles qui sont les plus opposées. Comme si elle avait une baguette magique.

Cela faisait en effet longtemps qu’on n’avait pas vu, réunis dans une même salle, sir Anerood, son fils, Paul Bérenger et même... Navin Ramgoolam. Ils y étaient tous, sur leur trente-et-un – même s’ils se sont soigneusement évités, tels des danseurs aguerris dans un ballet diplomatique.

Ce n’était pas pour les farathas et les curries indiens qu’ils s’y sont rendus. Ce n’était pas pour se saluer entre eux non plus. Ils y étaient pour être vus. Afin de ne pas donner l’impression qu’ils boycottent les 70 ans de Mother India. Dans notre système politique actuel, aucun chef politique mauricien ne peut se permettre de se mettre à dos l’Inde. C’est ainsi. Et c’est pourquoi aucun chef politique ne participera à une marche contre le projet de tramway, aux côtés des travailleurs du transport public. Les risques d’être perçus comme étant anti-indiens sont trop grands. Alors, ils disent que les Mauriciens n’aiment plus descendre dans la rue. Mais peut-être bien que les Mauriciens en ont surtout marre de descendre avec les mêmes dinosaures dans la rue, sachant que rien ne va changer au fond ?

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On se souvient que Lepep était contre le projet de métro léger, version Ramgoolam. À l’époque, ils descendaient tout le projet en flammes, pas seulement son aspect financier. Le 20 octobre 2014, dans une lettre émanant du Sun Trust Building, Pravind Jugnauth, alors dans l’opposition, écrivait ceci à «Shri Modi Ji» : «I am privileged to share with you the legitimate concerns of the State and People of Mauritius as regards the signing of a multi-billion rupee contract by the present outgoing Mauritian Government with India’s AFCONS company for a light rail transportation project.» Dans sa missive, Pravind Jugnauth rappelle que l’Assemblée nationale a été dissoute le 6 octobre 2014, et que les élections anticipées sont derrière la porte. Et il ajoute ceci : «You will agree with me and with the People of Mauritius that a caretaker and outgoing GM cannot bind our country for such a huge contract for a period spanning over almost half a century. This goes against all principles of good governance and democracy (…) The People of Mauritius appreciate the contribution of India, known here as ‘Mother India’, in the development process of the Mauritian nation.»

La suite de l’histoire est connue. Les Jugnauth grattent quelques sous par-ci par-là pour arrondir leur roupie : les quelque trois sous venant de la girouette Duval (qui a bien profité du régime ramgoolamien mais qui savait que le navire rouge-bleu prenait l’eau) – et les deux sous venant du ML, un sou pour Collendavelloo (qui veut être le prochain Bérenger, sauf qu’il n’en a ni la grandeur, ni le charisme) et un sou pour un cocktail des plus explosifs, composé de Gayan/ Rutnah. Et Lepep, promettant monts et merveilles, dont une «MBC» libre, de la transparence, bla-bla-bla, accordant des hausses universelles en termes de pensions et de compensations salariales, et promettant de geler le métro léger qui allait nous asphyxier, renverse le régime de Ramgoolam.

Et Lepep prend le pouvoir. Avec la bénédiction de l’Inde – qui arrive à nous revendre, en moins de deux ans, le projet de métro (à un prix revu à la baisse, grâce à la compensation post-DTAA). Et qui arrive à signer un security maritime agreement secret, qui lorgnerait du côté d’Agalega.

La vision d’une «nouvelle Inde» modernisée, selon Modi, est de se montrer «parée» et «suffisamment forte pour affronter quiconque essaye de s’en prendre à notre pays». La sécurité nationale est la priorité indienne, surtout face à son rival chinois et au frère ennemi hérité de la Partition de 1947.

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Au-delà de la rivalité traditionnelle entre le style Jugnauth et celui de Ramgoolam, l’analyse des notes attribuées aux ministres de la République par les journalistes de La Sentinelle démontre que le présent gouvernement Lepep est le plus faible des quatre derniers régimes que nous avons connus. Le texte de Sunil Oodunt et de Patrick St Pierre révèle aussi que les Arts et la culture ont toujours été les moins gâtés en termes d’administrateurs (Choonee, Baboo, Roopun, etc.). La faute au système qui place l’ethnicité d’un individu ou ses origines ancestrales avant son mérite personnel.