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Vers l’Indépendance

27 avril 2023, 10:00

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Ces élections générales, en août 1967, quelques mois après mon arrivée à l’express, allaient ébranler le pays. Le Parti travailliste, s’alliant à son vieil ennemi, l’Independent Forward Block (IFB) de Sookdeo Bissoondoyal et d’Anerood Jugnauth, et au Comité d’action musulman (CAM) d’Abdool Razack Mohamed, menait une campagne sans relâche en faveur de l’Indépendance face au PMSD qui disposait d’énormes moyens financiers. De nombreux incidents marquaient la campagne et n’épargnaient pas les journalistes. L’émotion était à son comble. Jamais l’île Maurice n’avait été aussi près d’exploser.

L’express s’impliqua totalement dans le combat en faveur de l’Indépendance, se faisant de nombreux ennemis dans l’île mais tenant bon et s’évertuant à convaincre. J’étais le produit d’un environnement familial et social relativement conservateur. Mon père était un Lieutenant de l’armée britannique pendant la Guerre et ma mère une fille du grand état-major de l’industrie sucrière. Ma famille était ouvertement du PMSD. Je n’étais alors moi-même, à 19 ans, pas entièrement convaincu des vertus de l’Indépendance, tout en sentant confusément que celle-ci libérerait tout le potentiel mauricien. Je confiais mes doutes au Dr Forget. Celui-ci me fit m’asseoir et m’expliqua : «As-tu déjà vécu chez une belle-mère ? L’Angleterre est la belle-mère de l’île Maurice. Je préfère encore vivre petitement chez moi et me tenir sur mes propres jambes que de vivre un peu mieux chez une belle-mère !»

Tout était dit. Convaincu, je me ralliais définitivement à la cause de l’Indépendance. Nous payâmes presque tous à l’express ce ralliement, dans notre groupe social, à coups d’insultes, de sarcasmes et de calomnies.

La campagne fut rude et violente. Percy Mc Gaw, moi-même et Vel Kadarasen étions presque en permanence sur le terrain. à Plaine-Verte, le jour des élections, Vel et moi fûmes pris en chasse par des nervis armés de sabres et décidés à fermer les centres de vote aussitôt la moitié des votes exprimée, sans doute ceux allant vers leur parti. Au Quai D, dans une panique totalement irrationnelle, des émigrés imploraient le capitaine du Patris, navire grec desservant l’Australie, de partir aussi vite que possible pour échapper au «bain de sang» que certains disaient «inévitable» – ce qui n’était que craintes hystériques.

L’express contribua de manière significative à la victoire des partis de l’Indépendance (56 % des voix), entreprenant de convaincre l’intelligentsia et une partie de la classe moyenne de l’époque de la pertinence de l’Indépendance.

Quelques mois après la décision sur l’Indépendance, se pointait à l’express un jeune homme, étudiant au Pays-de-Galles en vacances à Maurice. Il portait au Dr Forget un de ses premiers articles, enjoignant les deux grands partis politiques (PTr et PMSD) de conclure un Gouvernement d’unité nationale. Il s’appelait Paul Bérenger. Philippe Forget, heureux de découvrir un autre jeune capable de «penser neuf» lui fit initialement bon accueil, le publia, mais subséquemment s’en éloigna, peu intéressé par la perspective de vulgariser les idées marxistes et tiers-mondistes du jeune homme qui ne correspondaient pas à celles de l’express. Le Dr Forget évoqua même, dans un éditorial sur le MMM, l’image de «mouches vertes». Bérenger ne trouva grâce aux yeux de l’express que des années plus tard, s’étant beaucoup rapproché entre-temps du Mauricien d’André Masson, de Jacques Rivet puis de moi-même (…)