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Hommage à Marie de Coulhac Mazérieux

2 novembre 2006, 00:00

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Marie de Coulhac Mazérieux n?est plus. Son Cours Jeanne d?Arc est en deuil. Une grande Dame de l?Education mauricienne s?en est allée, en cette fin d?octobre 1981. Elle meurt à 86 ans, dans sa maison située dans les locaux de l?établissement scolaire qu?elle fonde, un demi-siècle plus tôt. Avec elle, disparaît l?un des piliers d?une génération d?enseignants pour qui l?éducation n?est pas un métier, encore moins un gagne-pain ni, pire encore, le moyen de se faire du fric non imposable, en tenant en otages élèves et parents, mais une vocation, un sacerdoce, auxquels tout le reste doit, bien sûr, être sacrifié.

Des générations d?élèves ont usé leur fond de culotte sur ses bancs de classe. La cour de récréation est modeste mais pleine de souvenirs. Sa hantise de chaque instant fut de veiller à ce que l?instruction, dispensée dans les murs de son Cours Jeanne d?Arc, soit accessible aux élèves, soit accessible à chaque élève.

Marie de Coulhac Mazérieux fonde son Cours Jeanne d?Arc en 1927. Pendant le demi-siècle écoulé avant sa mort, elle s?occupe maternellement de ses élèves, de chacun de ses élèves, avec une option préférentielle pour ceux présentant le plus de difficulté sur le plan caractériel et sur celui de la personnalité. Elle sait qu?elle n?en fera pas des lauréats ni des boursiers du gouvernement. Elle se contente de forger leur caractère et de leur donner ce qu?il faut pour devenir d?honnêtes citoyens, des serviteurs efficaces de la patrie, des pères et des mères de famille exemplaires. Elle est l?école de la dernière chance de la réussite et n?en est pas peu fière car il lui revient de redonner espoir et assurance à ceux qui l?ont perdus parce qu?ils ont été rejetés par ceux et celles se prétendant meilleurs pédagogues qu?elle.

Cette grande Dame de l?Education mauricienne vibre d?un amour sacré pour la grammaire française, pour la littérature française, pour la civilisation française, pour la pensée française. Elle dit et répète : ?L?amour de la langue française réside dans la difficulté qu?on éprouve à la maîtriser totalement?.

A l?ouverture, en 1927, le Cours Jeanne d?Arc ne compte que six élèves. Ils sont filles et garçons. Cette mixité est particulièrement novatrice. Ses détracteurs, déjà, l?accusent de vouloir fonder une école de ?libres penseurs?.

Marie de Mazérieux est française d?origine. Elle débarque à Maurice via Madagascar. Le consulat de France l?aide considérablement dans son projet de créer une école suivant le système français d?éducation dans une colonie anglaise, ayant déjà peu glorieusement fait échec à un projet rétrocessionniste, visant à ce que l?île Maurice redevienne l?Isle de France dans la Mer des Indes. Les descendants des Surcouf et de ses compagnons corsaires préfèrent le Rule Britannia et ses livres sterling achetant leurs sucres.

Tout en suivant le système éducatif français, elle donne à l?anglais la place qui lui revient, à savoir celle d?une langue étrangère pour la masse des Mauriciens. Elle est assez intelligente pour le comprendre. Elle enseigne donc intelligemment l?anglais en tant que langue étrangère, au lieu de faire comme ses pairs du système éducatif anglo-mauricien, à savoir enseigner l?inconnu par l?inconnu à des masses de perroquets mauriciens.

Un quart de siècle après sa fondation, son Cours Jeanne d?Arc compte 150 élèves à une époque où les meilleurs collèges confessionnels n?en comptent que le triple, sinon le double. Surviennent les cyclones Alix et Carol, de début 1960, qui anéantissent les bâtiments existants. Marie de Mazérieux va alors sur ses 65 ans. Une autre à sa place en aurait profité pour fermer boutique et faire valoir ses droits à une paisible retraite au milieu de ses souvenirs scolaires. Qu?aurait-on pu lui reprocher si elle avait adopté cette solution de facilité ? Elle ne pense qu?à tout rebâtir à zéro. C?est alors que les marins du Jeanne d?Arc, le bâtiment emblématique de la marine française, la Royale, se mettent à son service et reconstruisent son école. Sainte Jeanne d?Arc, à Orléans, ne fut pas mieux soutenue ni épaulée.

Jean Pierre Lenoir, qui lui rend un hommage mérité à l?occasion de son décès, conclut ainsi son panégyrique : ?Marie, nous te devons beaucoup ! ? Comment lui donner tort ?

Le Cours Jeanne d?Arc n?est plus. Il a cédé la place au Collège Saint-Patrick. Y a-t-on pensé à célébrer le souvenir de Marie de Coulhac Mazérieux, décédée le 16 octobre 1981 ?