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Goorooduth Chuttoo : Un militant du passé recomposé

15 avril 2013, 10:36

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Goorooduth Chuttoo : Un militant du passé recomposé

 

Il invite à remonter le temps à travers l’exposition d’une collection de journaux. Attention, risque de contagion avec le gazettophile Goorooduth Chuttoo. Incursion dans son monde. Cela fait longtempsqu’il n’est plus magicienet pourtant,sa magie opère encore.

 

Goorooduth Chuttoo, que l’on connaît aussi comme Ustad Rajah, fait partie de ces hommes qu’il faudrait inventer s’ils n’existaient pas. Cent fois, on l’interviewera et cent fois, il saura nous surprendre par sa belle énergie à « recomposer le passé », comme il aime le dire.

 

Sa prochaine initiative : inviter les Mauriciens chez lui, dans son musée de la petite collection, à Rose-Belle le 27 avril, pour découvrir Gazettophile, son exposition qui rend hommage à l’industrie de la presse. Le visiteur pourra ainsi découvrir le premier journal imprimé à Maurice en 1773. Il apprendra que lors de la Seconde Guerre mondiale, à la suite d’une pénurie de papier, a paru un journal regroupant trois journaux de l’époque. Il trouvera aussi un reçu d’abonnement du Cernéen de 1837 pour la somme de quatre piastres. Mais il devra surtout avoir mille yeux pour parcourir d’anciens titres tels Le Bienpublic, Action, Le Cable, TamilVoice, Espace, Le Curepipien,Eclaireur, Zamana ou encore Le Radical.

 

Et pour que l’immersion dans ce monde de la gazette soit plus intense, le collectionneur exposera également des typographies, ces caractères en relief et en plomb qu’on assemblait pour créer des mots et des phrases. On pourra voir aussi un cliché en métal dans lequel est gravé une image publicitaire d’une boutique chinoise. On verra des casses, c’est-à-dire des casiers en bois divisés en cases que l’on appelait cassetins et qui contenaient des caractères. Et on pourra aussi admirer les nombreux appareils photo d’antan.

 

Déclencheur de souvenirs

 

Si le musée de Goorooduth Chuttoo ressemble plutôt à la caverne d’Ali Baba, l’expérience dans son univers est marquante, multisensorielle. Entre ses journaux laminés, ses innombrables pendules, ses chapeaux en tous genres, ses collections de chopines, de boîtes de conserves et d’allumettes, son biberon à deux goulots, son jukebox… on fait un retour dans le passé. Notre curiosité nous pousse inexorablement plus loin, on ne peut pas ne pas visiter son arrière-cour où se trouvent d’autres spécimens tels que des charrettes de boeufs, un wagon de marchandises. Goorooduth Chuttoo cherche à « trigger »notre mémoire, à déclencher des souvenirs, un registre où il excelle.

 

Surtout, il joue à fond la carte du bonheur partagé. Il vous raconte des histoires de journalistes qui marchaient de longues distances pour chercher des nouvelles et qui se faisaient mordre par des chiens. Il vous parle du respect qu’inspirait le journaliste quand il venait en reportage dans un village. « Tout lemonde s’attroupait autour delui, personne n’osait lui serrerla main, les habitants venaientle voir comme une curiosité. »

 

« Lemotin pas aste »

 

Il se souvient aussi de ces jeunes gens qui ne savaient pas lire mais qui achetaient un journal qu’ils plaçaient sous leur bras pour paraître cultivés quand ils allaient frekante… À l’évidence, quand Goorooduth Chuttoo se met à vous parler de l’île Maurice de son enfance, il vaut mieux tenter de museler le vent que d’essayer de l’arrêter.

 

« Les paroles s’envolent, l’écriture reste », rappellenotre homme. Sa lutte à lui,c’est de veiller à ce que l’onn’oublie pas ceux qui ontcravaché pour le pays et quiont posé les jalons de notresociété. Il milite pour quel’on n’oublie pas d’où l’onvient, que nos petits-enfantsconnaissent leur histoire. Ilveut « ris dimoun vers l’histoire. Nos ancêtres ont traversé des mers, ils ont bâti le pays. Nous devons, de temps en temps, regarder dans le rétroviseur pour rendre hommage à leur travail », insiste-t-il,ému. Et il est furieux quel’on détruise des ponts, descheminées, des bâtimentstémoins de notre histoire. Ilrevoit d’ailleurs, une bouledans la gorge, le derniertrain de marchandises, en1962. Il se remémore le derniercoup de sifflet du chefde gare et s’insurge que lepays ait pu vendre ce patrimoinepour « dipin, anplis san diber ».

 

Quoi qu’il en soit, Goorooduth Chuttoo continue avec ses moyens, modestes certes, à faire revivre les choses du passé. De temps en temps, il se transforme en « muséologue ambulant » en se rendant dans des cours d’église ou dans des fancy-fairs pour montrer aux jeunes les objets d’antan.

 

« Mo pann lir boukou, monn fer zis siziem, mo pa ris me mo fer lesoz avek leker. Lemosion pa aste avek kas. »

 

Vous pouvez visiter son musée virtuel sur http://picasaweb.google.com/MuseedelaPetiteCollection