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Dhana Goundan et Wendy Pierrot: un couple pas comme les autres

4 juin 2023, 13:45

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Dhana Goundan et Wendy Pierrot: un couple pas comme les autres

Ces dernières années, on a beaucoup vu et lu sur les personnes LGBTQIA+ mais c’était principalement des hommes. Les lesbiennes en couple sont moins visibles. Peut-être parce qu’elles considèrent que pour vivre heureux, il faut vivre caché. En ce Mois des Fiertés et pour l’express, Dhana Goundan et Wendy Pierrot, en couple depuis près de trois ans, ont dérogé à la règle et se racontent. En toute simplicité, en toute honnêteté et tout en finesse.

Dhana Goundan et Wendy Pierrot ont le même âge, soit 29 ans. Elles sont nées le même mois et à trois jours d’intervalles. «Nous aimons plaisanter en disant que nous nous sommes probablement rencontrées à l'hôpital et que nos petites mains se sont touchées», racontent-elles par mél du fait que l’une soit positive au Covid-19 et qu’elle est donc casernée.

Ce sont toutes deux des professionnelles diplômées. Wendy a obtenu un Bachelor of sciences (Bsc) en Banking and International Finance auprès de l’université de Technologie alors que Dhana est détentrice d’un Bsc en Software Engineering auprès de l’université des Mascareignes et d’un Post-Graduate Diploma en Project Management, obtenu auprès de la Honoris University (MANCOSA).

Wendy exerce comme Operation Assistant au sein d’une institution bancaire très connue alors que Dhana cumule deux métiers qui sont aux pôles opposés, soit chef de projet/consultante pour une société de conseil privée en informatique et directrice et chargée des droits au sein de la Young Queer Alliance, organisation qui milite pour les droits des personnes LGBTQIA+. Elles sont en couple depuis près de trois ans.

C’est à l’adolescence, soit vers l’âge de 13-14 ans qu’elles ont découvert qu’elles avaient une orientation sexuelle différente. Cette réalisation ne les a toutefois pas perturbées. Wendy raconte que même si elle est un peu «garçon manqué de nature», elle n’a eu aucune difficulté à s’accepter telle qu’elle est. De son côté, Dhana pensait que son orientation sexuelle était une inclinaison naturelle jusqu’à ce que la société s’en mêle. «J’ai toujours pensé que c’était quelque chose de normal jusqu’à ce que je réalise que la société qualifie ce type d'amour ‘d’interdit’. Mais de toute façon, réaliser comment la société me percevait n’a pas vraiment fait de différence pour moi.»

Elles n’en parlent pas à leurs parents pour autant. «Cela ne se voyait pas ouvertement auprès de mon entourage mais en même temps, cela se voyait à ma façon de me comporter», raconte Wendy, qui ajoute que «au fond d’eux, je crois que mes parents s’en doutaient mais ne disaient rien car ils ne savaient pas comment aborder le sujet avec moi.» Les parents de Dhana ne lui ont jamais posé de question non plus. «Je pense que parfois, les parents ne veulent pas entendre la vérité et ne veulent pas y faire face car c’est plus facile pour eux d'ignorer ce qui les blesse ou leur fait honte. Cela dit, j'ai accompli beaucoup de choses jusqu'à présent et j'espère qu'un jour, cela suffira à les rendre fiers de moi.»

Elles n’ont pas été dans le déni ni n’ont essayé de sortir avec des garçons pour confirmer leur orientation sexuelle. Wendy indique que cela ne l’intéressait pas de sortir avec des garçons car elle savait qu’elle aimait les filles et que les garçons ne l’attiraient pas. Dhana avoue être bisexuelle. «Ce qui signifie que je suis attirée par les garçons ou les filles. Mais il ne faut pas confondre bisexualité et polygamie. Et pour répondre à votre question, je n'ai jamais essayé de sortir avec quelqu'un(e) juste pour essayer de découvrir qui je suis. Je savais qui j'étais depuis le début et lorsque je regarde en arrière maintenant, je sais que je suis exactement là où je devrais être, c’est-à-dire que j’embrasse pleinement qui je suis et j’aide ceux qui en ont besoin

Elles n’arrivent pas à dire précisément quand elles ont fait leur Coming out, soit la révélation publique de leur orientation sexuelle. «Nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord sur un moment précis. Parce que nous avons dû le faire plusieurs fois dans des circonstances différentes. Avec le temps, on se rend compte que le Coming out n'est pas quelque chose qu'on ne fait qu’une fois. Changer d'école, changer de classe, changer de lieu de travail, accueillir un nouveau membre de la famille - toutes ces circonstances sont différentes et dans chacune, nous avons dû faire notre Coming out avec différentes personnes

Quand les parents de Wendy ont finalement réalisé que leur fille aimait les filles, ils ont bien pris la chose. Mais il y a tout de même une nuance de gris. «C’est une chose de savoir que leur fille est lesbienne et une autre de la voir en couple avec une fille. C’est à ce moment précis que cela a été difficile pour eux, d’autant plus que je suis la seule fille de la famille. Cela dit, ils ont accepté Dhana. Ma famille l’aime et elle les aime aussi. Ils veulent que l’on reste ensemble et que nous fondions une famille.» Chez Dhana, sa situation parentale est sensiblement différente vis-à-vis de celle qu’elle aime et qu’elle appelle Baby. «Alors que la famille de Baby est très tolérante et solidaire, les choses sont très différentes à mon niveau familial… J'ai remarqué qu'en général, la jeune génération est beaucoup plus réceptive que l'ancienne

Chacune se dit «très reconnaissantes envers la vie pour leur avoir trouvé une partenaire incroyable et compréhensive.»

Elles peuvent compter sur le soutien de leurs amis. «Ils nous encouragent et nous soutiennent toujours. Ils nous voient comme n'importe quel autre couple. Nous avons des rendez-vous en couple, nous sortons pour nous détendre, nous passons des séjours chez eux, nous prions ensemble. Nos amis ont une place très spéciale dans notre cœur.»

Bien qu’elles soient sereines dans leur relation, elles disent vivre la discrimination au quotidien «de
par le regard des gens quand ils voient deux filles en couple
», dit Wendy.  Mais Dhana trouve que la société est un peu plus dure et critique envers les gays qu’envers les lesbiennes. «Et malheureusement, ce n'est pas pour les bonnes raisons. La seule raison est la sexualisation des lesbiennes. Les garçons en général trouveront normal de regarder du porno lesbien alors que lorsqu'il s'agit de porno gay, ils diront un ‘Eww’ de dégoût. C'est cette perception qui fait la différence. Ils ont tendance à sexualiser les relations lesbiennes, tout en détestant les relations homosexuelles. Je suis désolé de le dire comme ça mais il faut appeler un chat par son nom.»

En raison de ce regard extrêmement dur de la société sur les couples de gays et de lesbiennes, elles sont convaincues que pour vivre heureuses, elles ne doivent pas afficher leur amour. «C’est la meilleure des choses à faire, pas seulement pour nous mais pour n'importe qui. Il se peut que nous mettions quelques photos de nous sur les réseaux sociaux mais en général, nous restons discrètes. Nous n'aimons pas que les gens sachent tout ce que nous faisons et quels sont nos plans. Ce n'est pas parce que nous avons peur ou quoi que ce soit mais nous avons constaté, par expérience, que les gens n’ont pas nos meilleurs intérêts à cœur.  Et que moins ils en savent, le mieux c'est.»

Si elles ont décidé de s’engager en faveur des personnes LGBTQIA+, c’est pour «redonner à la communauté ce que nous avons appris et vécu.» Et pratiquement au même moment où elles pensaient à s’engager, Dhana a remarqué qu’il y avait un poste vacant à la Young Queer Alliance. Elle a postulé et a été recruté. Depuis, elle a gagné en connaissance et en maturité. «La Young Queer Alliance m'a appris beaucoup de choses et continue à le faire. Je me suis fait beaucoup d'amis et j'ai même eu la chance d'aller en Afrique du Sud pour assister à une formation sur les droits de l'homme

Elles ne regrettent pas de s’être engagées pour la défense des droits des personnes LGBTQIA+. «Nous sommes sûres que ce n'est que le début de bien d'autres choses étonnantes. Et quand nous regardons en arrière maintenant, nous sommes reconnaissantes pour chaque décision et chaque pas, petit ou grand, qui nous a amenées là où nous sommes rendues

Dhana et Wendy ont des projets d’avenir ensemble et ce serait pour très bientôt. «On évite de parler de cela avant que tout n’aboutisse mais on espère que tout se passera bien et que nous aurons bientôt notre chez nous

Etant aux premières loges du plaidoyer, elles savent que plusieurs Mauriciens ont dû demander le statut de réfugié en France ou ailleurs et ainsi s’exiler pour pouvoir vivre leur orientation sexuelle/identité du genre différente. Elles pensent que c’est une des solutions possibles. Et avouent qu’il leur arrive parfois de penser à émigrer. «Ce serait plus facile pour nous de prendre cette voie car parfois, on se demande combien de temps il faudra attendre avant que le gouvernement ne décide de prendre position sur la légalisation de l'union civile entre personnes de même sexe. Mais émigrer n’est pas une décision que l’on prend à la légère, même  si on sait qu’ici, on ne peut pas vivre notre relation aussi librement qu’on le voudrait.»

Si elles ont un conseil à donner aux jeunes qui ont du mal à accepter leur orientation sexuelle/identité du genre, c’est de ne pas forcer les choses. «Si vous ne vous sentez pas prêt.es de sortir avec quelqu'un.e, vous n'êtes pas obligé.e de le faire. Si vous n'êtes pas prêt.e à faire votre Coming out, ce n'est pas grave. Vous n'êtes pas obligé.e de faire les choses simplement parce que d'autres personnes le font. Prenez votre temps pour vous comprendre d'abord et surtout assurez-vous que vous êtes en sécurité et entouré de personnes qui vous aiment. C'est pour cela que nous avons notre communauté où nous partageons des expériences et nous nous soutenons les uns les autres. Concentrez-vous sur ce qui est important. La patience, le courage et la résilience sont les qualités qui vous aideront à traverser toute cette période d’incertitude jusqu'à ce que vous soyez capables d'accepter pleinement qui vous êtes

Et elles demandent aux parents de ces enfants de ne pas rejeter leur enfant en raison de son orientation sexuelle/identité du genre différente. «Soyez présents pour cet enfant, aidez-le à s'exprimer au cas où c'est difficile pour lui d’accepter sa situation. Ne l’abandonnez pas, soutenez-le jusqu’au bout car le fait de se sentir soutenu peut l’aider à faire plus facilement face à la société. Si vous ne savez comment gérer ces choses, recherchez une aide professionnelle pour vous aider à mieux comprendre ce que votre enfant vit. Car après tout, tout parent ne voudrait-il pas avant tout que son enfant soit heureux ?»